Intervention de Philippe Doucet

Séance en hémicycle du 18 décembre 2013 à 15h00
Faciliter l'exercice par les élus locaux de leur mandat — Article 1er a

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Doucet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Le rapport de la commission Sauvé a reconnu que le champ large et les peines sévères de l’incrimination pour prise illégale d’intérêts étaient sans équivalent dans les autres pays de l’OCDE, même si sa mise en oeuvre pratique restait limitée – entre trente et quarante condamnations par an, loin derrière les quelque soixante-dix condamnations pour corruption chaque année, et le montant modeste des peines – des amendes modérées, parfois des peines d’emprisonnement avec sursis –, ce qui contraste avec la portée de l’incrimination.

Cette préoccupation a été reprise par la commission Jospin qui a estimé que la notion d’intérêt quelconque, qui figurait déjà à l’article 175 de l’ancien code pénal, relatif au délit d’ingérence – « quelque intérêt que ce soit » – est satisfaisante, en ce qu’elle permet de prendre en considération des intérêts extrapatrimoniaux. La rédaction de l’article 432-12 est, en revanche, trop générale, en ce qu’elle n’exige pas expressément que l’intérêt pris, reçu ou conservé par l’auteur du délit ait été de nature à compromettre son indépendance ou son impartialité.

Or, c’est précisément la perte d’objectivité – ou le seul risque de cette perte – qui constitue le fondement de l’incrimination, dont la chambre criminelle de la Cour de cassation rappelle qu’elle a notamment pour objet de garantir la parfaite neutralité de la décision publique. Les deux rapports mettent ainsi l’accent sur la nécessité de l’harmonisation de la définition du type d’intérêt dont la prise peut engendrer des poursuites. C’est pourquoi le Sénat et le rapport de la mission d’information de la commission des lois de l’Assemblée nationale ont estimé que cette rédaction permettait de diminuer l’imprécision du texte. Le juge répressif, en donnant consistance à la notion d’intérêt quelconque, a pris le parti d’élargir considérablement le champ d’application de cette infraction, alors qu’il n’est toujours pas évident de savoir en amont si le délit est caractérisé ou non. En conséquence du vote que nous avions déjà exprimé au sein de la commission des lois, j’émets un avis défavorable à l’amendement no 15 du Gouvernement.

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