Intervention de Jeanine Dubié

Séance en hémicycle du 7 janvier 2014 à 15h00
Agriculture alimentation et forêt — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons cette semaine est un texte important qui doit nous permettre d’améliorer nos systèmes de production pour les rendre plus efficaces et plus durables. La recherche de la performance économique et environnementale doit s’inscrire dans une démarche de filières et de développement territorial intégré. L’agriculture, l’alimentation et la forêt sont des sujets majeurs pour la France car notre pays est fondamentalement rural, une puissante nation agricole. Il s’agit donc bien de sujets au coeur de l’identité française. C’était vrai dans le passé, et ce doit le rester pour l’avenir. Que ce soit en termes de superficie, de tradition, d’histoire, de savoir-faire ou de vitalité de nos territoires, nous devons, à l’heure où nous nous apprêtons à examiner ce projet de loi, redonner des perspectives d’avenir à l’agriculture pour oeuvrer à son renouvellement générationnel.

Il existe parfois dans notre société une forme de déconsidération du monde agricole. Pourtant les questions agricoles sont des questions stratégiques pour la France. Nous avons le devoir de les remettre à la place qu’elles méritent ; nous avons le devoir de renouer le pacte intime qui lie notre pays avec une agriculture modernisée, compétitive et respectueuse de l’environnement.

Nous avons tous hérité du modèle agricole français, et nous sommes tous, chacune et chacun d’entre nous, redevables du travail des paysans qui nous apporte au quotidien une alimentation saine et de qualité, et qui participe largement à l’entretien de nos espaces ruraux. Les émeutes de la faim en 2008, les crises sanitaires, les problèmes récents de traçabilité et l’importance croissante de la question de l’alimentation participent à la prise de conscience par l’opinion publique des dimensions vitales des questions agricoles. Nous avons un devoir de solidarité envers le monde paysan parce que nous sommes tous concernés par le besoin vital de se nourrir.

De plus, l’agriculture joue un rôle majeur pour l’emploi, la croissance, la balance commerciale, l’aménagement et la vitalité de nos territoires, l’autonomie et la sécurité alimentaire, contribuant aussi à l’image de notre pays dans le monde. Le secteur agricole représente 3,5 % de la population active, 4,5 % du PIB et occupe 53,3 % du territoire français. Un grand quotidien national a même titré aujourd’hui : « France : première puissance agricole d’Europe ». La production agricole et agroalimentaire est donc clairement un secteur stratégique à renforcer. Rappelons-nous que c’est aujourd’hui un des rares secteurs économiques français qui gagne des parts de marché à l’exportation, plus même que l’aéronautique. Les exploitations agricoles maillent notre territoire. Ayant souvent l’occasion de traverser la France, nous pouvons constater que même dans les régions les plus reculées, les moins densément peuplées, chaque recoin de notre territoire est cultivé, et nos forêts sont entretenues même si les effets de la déprise commencent à se faire sentir.

Pour l’animation de notre pays, pour l’aménagement du territoire, pour l’emploi, pour la qualité de vie, que serait notre pays si ces milliers de petites exploitations, qui subsistent parfois péniblement grâce au travail courageux de nos paysans, venaient à disparaître ?

Ne nous le cachons pas, la menace est réelle. L’examen de ce projet de loi intervient dans un contexte préoccupant pour de trop nombreux exploitants et salariés agricoles.

Le constat est unanime, nous le vivons dans nos circonscriptions, nous l’avons entendu au cours des auditions, nous l’avons lu dans les rapports : l’agriculture française décline de façon progressive et continue depuis environ dix à quinze ans. Qu’il s’agisse de production, de surfaces cultivées, de nombre d’agriculteurs, de salariés et d’exploitations, tous les chiffres démontrent un affaissement inquiétant.

Certes, cette crise agricole française n’est pas homogène. Comme toutes les crises, elle touche plus durement les plus fragiles. Alors que certaines filières agricoles et certains territoires vivent confortablement, la majorité de nos paysans souffrent.

Il ne s’agit certainement pas de tomber dans l’écueil facile et stérile d’opposer les filières les unes aux autres. Mais rappelons-nous que ce projet de loi doit aussi être une chance à saisir pour soutenir ceux qui en ont le plus besoin, ceux qui souffrent de l’injustice dans les relations commerciales avec les grandes firmes agro-industrielles et les distributeurs, comme de la concurrence faussée avec leurs compétiteurs étrangers.

Je pense en particulier aux filières intensives en main-d’oeuvre qui subissent une concurrence déloyale des producteurs étrangers en matière de coût du travail ou de contraintes environnementales : les fruits et légumes, l’élevage ou encore la production laitière.

Nous connaissons bien les conséquences économiques dévastatrices de cette absence de réciprocité et donc d’équité dans les échanges. N’oublions pas non plus les conséquences humainement dramatiques de cette souffrance : un agriculteur se suicide tous les deux jours en France.

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