Intervention de Olivier Falorni

Séance en hémicycle du 14 janvier 2014 à 15h00
Accès au logement et urbanisme rénové — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Falorni :

Face à l’ampleur des réformes nécessaires pour relancer la construction, améliorer les relations entre les bailleurs et les locataires et mettre fin aux abus de certains professionnels de l’immobilier, nous avions besoin d’audace et de propositions fortes. Vous avez eu le courage de les traduire en dispositions législatives et de faire face aux conservateurs soucieux de conserver leurs privilèges. L’avenir nous dira si vous avez choisi la bonne méthode.

Dans tous les cas de figure, le constat est unanime. Avoir un logement est une nécessité humaine fondamentale, car c’est la condition d’une vie décente. Or, dans notre France du XXIe siècle, cela demeure un problème quotidien pour trop de nos concitoyens, en particulier parmi les plus défavorisés. Et, aussi paradoxal que cela puisse paraître dans un pays développé comme le nôtre, la situation s’aggrave année après année, malgré les diverses tentatives pour enrayer ce phénomène.

Que ce soit pour ceux qui ne trouvent pas de logement ou pour ceux dont la part de dépenses contraintes consacrée au logement est trop lourde pour vivre dignement, la crise du logement est ressentie au quotidien par plusieurs millions de Français. En moyenne, les dépenses de logement sont passées en quelques années de 20 % à 28 % du revenu des ménages. Le nombre de logements manquants est estimé à plus d’un million.

Nous savons tous que le logement cristallise des angoisses intimes sur le développement harmonieux de la famille, sur le chômage, sur l’autonomie ou sur la crainte du déclassement. Plus la crise du logement dure, plus elle s’accompagne dans l’opinion du sentiment que les élus sont impuissants, au niveau local comme au niveau national.

Pourtant, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, quelles que soient nos divergences sur la méthode à employer, nous sommes tous profondément convaincus que le logement est au coeur du pacte républicain. Il s’agit d’un besoin impérieux auquel nous avons le devoir de répondre.

Le droit au logement figure dans notre bloc constitutionnel, dans le préambule de la Constitution de la IVe République. Dans sa décision du 19 janvier 1995, le Conseil constitutionnel considère que « la possibilité de disposer d’un logement décent est un objectif à valeur constitutionnelle ».

Toutes les grandes lois sur le logement proclament ce droit, de la loi Quilliot de 1982 – « le droit à l’habitat est un droit fondamental » – à la loi Besson de 1990 – « visant à la mise en oeuvre du droit au logement » –, en passant par la loi Mermaz de 1989. Malgré nos belles déclarations et nos grandes lois, le constat est implacable : nous ne parvenons pas à respecter ce devoir de solidarité minimale.

Faut-il se résoudre à accepter cette situation comme une fatalité ? Je ne le pense pas. Si nous nous sommes engagés en politique, c’est pour essayer d’améliorer la vie quotidienne des gens. Je suis convaincu que nous avons le devoir de nous battre pour renverser cette tendance à la dégradation des conditions de logement.

Restons lucides, ce projet de loi n’est pas une baguette magique et la majorité de ses effets bénéfiques ne seront pas perceptibles, en tout cas immédiatement. Mais, si l’on prend le temps de chercher et d’analyser, il contient des mesures énergiques qui vont dans le bon sens, pour mettre en oeuvre le changement, dans la justice, de notre politique du logement et de l’urbanisme.

Sur les plans locaux d’urbanisme intercommunaux, nous sommes attentifs aux revendications des élus locaux, et il est certain que le transfert obligatoire et immédiat peut poser problème dans certaines situations particulières. Nous devons entendre les mécontentements pour assouplir un peu le dispositif et abaisser la majorité de blocage, ainsi que nous vous le proposerons par nos amendements. Mais c’est le sens de l’histoire, nous y viendrons de toute façon. Cette modernisation globale est nécessaire pour notre République.

La mise en place d’une garantie universelle locative mérite des éclaircissements, que vous ne manquerez pas de nous donner, madame la ministre. Il s’agit au départ d’une bonne idée, partagée par de nombreux spécialistes du logement, mais elle butte sur des écueils d’applicabilité, compte tenu des contraintes financières que connaît notre pays.

Nous reconnaissons l’importance d’inscrire dans la loi un devoir de solidarité mutuelle, afin de permettre à nos millions de concitoyens qui ne disposent pas des cautions solides de trouver un logement, tout en protégeant les propriétaires contre le risque d’impayé. En continuant le travail que vous menez en concertation avec les sénateurs et les députés, nous souhaitons aboutir à un mécanisme gagnant-gagnant, qui assurera aux propriétaires la perception de loyers qui leur sont parfois indispensables pour vivre.

Nous vous proposerons un amendement pour mettre en place une GUL qui ne soit pas l’usine à gaz annoncée par ses détracteurs : une GUL qui repose sur un contrat socle et un établissement public, qui évite le gaspillage d’argent public, qui concentre les efforts sur le traitement social des locataires de bonne foi rencontrant des difficultés de paiement de loyer suite à un accident de la vie. Ainsi, la mise en location sera encouragée, la confiance des bailleurs restaurée et l’accès au logement moins difficile et moins discriminant.

L’encadrement des loyers n’est pas en soi la meilleure idée et a connu de tristes précédents. Votre dispositif est assez souple, et comporterait même des risques potentiels si le loyer médian majoré était choisi de façon généralisée. Mais, dans les zones très tendues où l’augmentation des loyers est devenue insupportable, il fallait agir afin de ne pas exclure définitivement les plus pauvres.

La simplification et la sécurisation de la location, la limitation des frais d’agence et de syndic, la réforme des professions immobilières et la lutte contre l’habitat indigne sont des objectifs que nous partageons. Nous soutenons les dispositions prévues dans le projet de loi, tant nous avions besoin de ces mesures fortes pour mettre un terme à tous les abus dont souffrent souvent les locataires, la partie faible du contrat.

À la suite d’un long travail avec les experts et en vous inspirant des travaux parlementaires, vous avez eu assez de fermeté et d’audace pour bousculer les conservatismes et transcrire dans la loi de nombreuses propositions novatrices recommandées par les rapports sur le sujet.

Mais la copie reste perfectible et nous vous proposerons au cours des débats des amendements pour améliorer certains points qui nous paraissent faire encore problème, en particulier sur le dépôt de garantie, l’état des lieux et l’indemnisation en raison de travaux privant de l’usage du logement au-delà de sept jours.

Permettez-moi de vous présenter rapidement ceux auxquels nous tenons tout particulièrement. Le premier, déposé par Joël Giraud, porte sur une catégorie de travailleurs qui comptent beaucoup pour les lieux de tourisme qui connaissent des variations fortes d’activité. Je sais que vous tenez à ces espaces qui donnent un charme particulier à notre pays et à ceux qui les font vivre, je veux parler des travailleurs saisonniers, mais il semble, madame la ministre, que vous les ayez quelque peu oubliés. Cet amendement vise à les inscrire pleinement dans l’article premier, qui n’intègre pas dans la catégorie de résidence principale les occupations de logement inférieures à huit mois pour des raisons de mobilité professionnelle.

Concernant les syndics, nous vous proposerons un amendement de compromis sur la question du compte séparé, afin de mettre fin aux problèmes de travaux non engagés, de factures non payées et de devis gonflés. Avec le choix de la banque garanti, la limitation à dix lots de la possibilité de dispense et, dans ce cas, des sous-comptes individualisés pour chaque copropriété, il nous semble qu’il représente un bon équilibre. Il est temps de passer d’une logique de gestion financière à une logique de gestion patrimoniale.

Dans leur majorité, les députés du groupe RRDP auraient souhaité un texte moins complexe et plus conforme aux engagements du Président de la République sur la simplification. Cela dit, nous sommes conscients que la tâche était rude, compte tenu de la spécificité des sujets et de l’ampleur des réformes nécessaires. Dans l’ensemble, ce projet de loi comporte de nombreuses avancées positives que nous saluons et vous pourrez compter, madame la ministre, sur le soutien des députés du groupe RRDP.

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