Intervention de Jean-Marie Tetart

Séance en hémicycle du 14 janvier 2014 à 15h00
Accès au logement et urbanisme rénové — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marie Tetart :

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, lors de ses voeux au Président de la République, le président du Conseil constitutionnel a rappelé que cette haute institution avait aujourd’hui à connaître de « lois aussi longues qu’imparfaitement travaillées ». Il insistait aussi sur le fait qu’elle « faisait face à des dispositions souvent incohérentes et mal coordonnées ». Il regrettait des « textes gonflés d’amendements non soumis à l’analyse du Conseil d’État ». Il soulignait enfin que le Conseil constitutionnel subit « des bégaiements et des malfaçons qui ne sont pas nouveaux, mais forts nombreux ». Il concluait en rappelant que lors du cinquantième anniversaire du Conseil constitutionnel, le Président de la République avait dit sa volonté que soient adoptées des « dispositions législatives mieux préparées, plus cohérentes et désormais stables ».

Je doute que nous soyons sur le bon chemin et que son message ait été entendu ! Et si c’est là le sentiment du Conseil constitutionnel, que dire de celui des membres du Parlement ! À ces griefs, ils doivent ajouter qu’ils ont à travailler, particulièrement sur ce texte, dans des conditions difficiles, avec des programmations qui changent, des examens en commission dans les derniers jours des sessions, et des amendements du Gouvernement ou des rapporteurs qui nous sont presque délivrés en séance.

Pourquoi, dans ces conditions, avoir refusé le renvoi en commission que nous avions demandé en première lecture alors que, depuis, vous avez justement, avec les rapporteurs et vos équipes, fait un travail de commission ? Il est habile de transformer cette impréparation et cette improvisation en preuves de la bonne qualité du travail en commission ou en séance, ou encore de les assimiler à des processus de co-construction de la loi dont il faudrait se féliciter.

En réalité, le nombre impressionnant d’amendements déposés, y compris en deuxième lecture par les membres de votre majorité, et les amendements du Gouvernement comme celui qui concerne l’article 8, transforment profondément les objectifs et la philosophie, ou plutôt 1’idéologie de votre proposition initiale, que vous présentiez en première lecture comme non négociables. Au fond, ils sont le signe de vos doutes et la découverte bien tardive de réalités incontournables. Ils sont l’application des directives reçues du Premier ministre face aux évidences que révèlent les rapports qui lui sont adressés, face à la position du Sénat et face aux réactions des partenaires de la politique du logement. Ce n’est pas une adaptation, mais une reculade, comme nous en constatons dans d’autres textes ; celle-ci est salutaire. En commission, vous avez tout de même ignoré le Sénat sur bien des points ; gageons que cela nous promet une commission mixte paritaire bien garnie !

Le texte que nous allons étudier ne peut constituer une réponse à la crise du logement que connaissent les Français, et particulièrement les plus modestes d’entre eux. Il répond toutefois aux scandales des logements indignes et des marchands de sommeil : la plupart des dispositions de ce projet qui les visent sont bonnes et auront notre approbation ! Comment ne pas se féliciter de la reprise d’une disposition de la proposition de loi Huyghe visant à lutter contre les marchands de sommeil, qui permet aux autorités compétentes en matière de police spéciale du logement de décider d’une astreinte financière pour les propriétaires qui ne réalisent pas les travaux prescrits ?

Au-delà de ces satisfactions, je rappelle que, comme vous, nous refusons que certains profitent de la détresse des autres et nous appuyons l’interdiction faite aux marchands de sommeil d’acquérir un fonds de commerce d’hôtels meublés. Nous nous satisfaisons également de l’adoption des mesures visant à la mise en sécurité des logements qui peuvent présenter des risques pour les personnes qui les occupent. Il est aussi important d’anticiper la dégradation des copropriétés existantes et leur devenir en termes d’occupation ; à cet égard, nous soutiendrons le texte proposé. La création d’un registre, assortie de simplifications par rapport au texte initial et d’une adaptation pour les petites copropriétés, aura donc notre appui.

Enfin, l’amélioration prévue concernant la gouvernance des copropriétés, grâce à l’évolution du mode de prise de décisions par l’intermédiaire d’une évolution des majorités requises, est positive. Elle est indispensable à l’engagement des mises aux normes énergétiques. Elle peut permettre la densification des ensembles immobiliers. Elle accroît la nécessaire transparence comptable et la confiance dans la relation entre copropriétaires et syndic. Elle permet aussi l’anticipation des gros entretiens et renouvellements.

Nous sommes satisfaits d’avoir pu contribuer par certains amendements à l’enrichissement de ces dispositions, par exemple à la création d’un seul fonds pour travaux, quelle que soit la taille de la copropriété, et sans distinction entre fonds de prévoyance et fonds de provision pour travaux, tout en permettant aux copropriétés de moins de dix lots de décider à l’unanimité de ne pas y recourir.

Pour autant, je le répète, ce texte ne peut constituer une réponse à la crise du logement que connaissent les Français, particulièrement les plus modestes d’entre eux. Encadrer les loyers, instaurer une garantie universelle des loyers, mettre au pas la profession immobilière et complexifier les différentes étapes d’une démarche de location ne feront pas diminuer les files d’attente pour la location d’un logement, même social, en zone tendue.

Ces exigences répondent d’abord à un objectif de régulation des files d’attente : il est en effet moins grave de subir une file d’attente si chacun et chacune de ceux qui la font ont les mêmes droits et les mêmes chances ! C’est d’ailleurs sur cette base que vous nous avez expliqué la nécessité de supprimer les cautions et le caractère universel et obligatoire de la GUL !

Que reste-t-il aujourd’hui de cette GUL ? Elle n’est plus universelle : les conditions pour en bénéficier sont tellement strictes qu’elle ne pourra qu’être difficilement appliquée. Heureusement que le bailleur retrouve sa liberté de choix entre cautionnement, GRL, GLI ou GUL ! La GUL devra donc faire ses preuves, être attractive. Or, la limitation de la couverture de loyer au montant du loyer médian majoré conduira à contracter une assurance complémentaire, et l’indemnisation sera limitée à une durée de dix-huit mois : autant de contraintes qui feront hésiter bien des bailleurs.

Et que se passera-t-il après ces dix-huit mois ? L’État aura-t-il la volonté de recouvrer les impayés, même si nous reconnaissons que recourir au Trésor public pour ces recouvrements est sans doute la solution la mieux adaptée ? Ne sera-t-il pas plutôt encouragé à développer un traitement social des mauvais payeurs, même quand ils sont de mauvaise foi ?

Cette alternative pèsera lourdement sur le budget de la GUL que devra supporter l’État – budget dont la fourchette d’estimation actuelle a les dents bien trop écartées pour qu’on s’en fasse une idée crédible, à l’image de la différence qui, lors d’une manifestation, sépare l’estimation des organisateurs de celle de la police !

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