Intervention de Najat Vallaud-Belkacem

Séance en hémicycle du 16 janvier 2014 à 15h00
Délais de prescription des infractions de presse — Présentation

Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement :

Madame la présidente, madame la rapporteure de la commission des affaires culturelles, de l’éducation, mesdames, messieurs les députés, depuis la loi du 30 décembre 2004, les peines encourues par ceux qui se rendent coupables d’injure, de diffamation, de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence sont aggravées lorsque le délit a été commis à raison du sexe, de l’orientation sexuelle ou du handicap, réel ou supposé, de la victime.

La République combat ainsi, et c’est heureux, le sexisme, l’homophobie, la handiphobie au même titre que le racisme ou l’antisémitisme et toute haine visant un individu simplement en raison de ce qu’il est. L’histoire de France nous en offre mille explications. Il est heureux que cette liste ait pu être complétée au cours de la discussion du projet de loi relatif au harcèlement sexuel en juillet 2012. En effet, la transphobie est à son tour considérée comme un facteur aggravant de diffamation, de discrimination ou d’appel à la haine. Une anomalie subsiste cependant dans notre droit, anomalie que la proposition de loi dont vous allez débattre, ce soir, vient corriger.

Alors que les sanctions pour les propos et écrits publics à caractère discriminatoire sont les mêmes, quel qu’en soit le motif, les délais de prescriptions applicables sont différents. L’autorité judiciaire oublie ainsi les insultes sexistes, homophobes, transphobes, handiphobes en trois mois, alors qu’elle met un an à oublier les insultes xénophobes, racistes ou fondées sur la religion. Vous avez considéré, et nous vous suivons évidemment, qu’il n’y a pas lieu de discriminer entre les discriminations. Il n’y a pas de raison d’établir une hiérarchie du pire dans les propos haineux en fonction de la composante de l’humanité à laquelle ils s’adressent.

Ce principe, nous allons l’affirmer aujourd’hui et je vous proposerai de l’affirmer davantage encore la semaine prochaine. En effet, le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes que je vous présenterai comporte un article, lequel vise à relever nos moyens de la lutte contre le sexisme, l’homophobie, la transphobie et la handiphobie sur internet au niveau des moyens qui sont déjà en oeuvre sur ce même internet pour lutter contre le racisme et l’antisémitisme. La proposition de loi de Catherine Quéré vise donc à aligner la prescription d’un an de l’action publique instituée par la loi du 9 mars 2004 à tous les délits de presse à caractère discriminatoire, quel que soit leur motif.

En mai 2003, le garde des sceaux de l’époque, Dominique Perben, avait justifié l’allongement du délai de prescription pour les injures racistes en indiquant que le délai de trois mois applicable aux délits de presse était devenu trop court dans le contexte de la multiplication et de l’accélération des publications. Ce constat reste exact, que les propos soient racistes, homophobes ou handiphobes.

C’est ce qui justifie la proposition de loi de Mme Quéré, qui a fait l’objet ici même, le 22 novembre 2011, d’un consensus que chacun peut saluer. Cette large majorité a été rejointe par le Défenseur des droits, qui s’est prononcé en faveur de l’alignement des délais de prescription. Il ne s’agit pas à mon sens uniquement d’un symbole. : à plusieurs reprises, les associations de lutte contre le sexisme, l’homophobie, la transphobie ou la handiphobie se sont heurtées dans leurs démarches judiciaires à la brièveté de ce délai de prescription de trois mois. Pourtant, nous savons à quel point les propos qui les ont amenées à engager ce type d’action en justice font de victimes. Les associations sont là pour nous le prouver.

S’il ne fallait se référer qu’à l’une d’entre elles, je citerai les chiffres de l’association SOS Homophobie quelques mois après l’adoption du mariage pour tous : ils montrent à quel point les propos de haine dans l’espace public, parfois dans les établissements scolaires ou sur internet sont d’une violence inouïe.

Vous avez décidé de ne plus laisser faire.En prévoyant les mêmes conditions d’application des sanctions, le Gouvernement est à vos côtés pour que progresse l’égalité dans notre droit. Nous pourrons ainsi lutter contre les discriminations, quelles qu’elles soient et quelles que soient les personnes à qui elles s’adressent. Je vous remercie beaucoup d’avoir présenté ce texte.

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