Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 21 janvier 2014 à 17h45
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du Budget :

Monsieur le président, vous avez indiqué que la meilleure manière de mesurer l'évolution de la dépense publique était d'établir la comparaison de budget exécuté à budget exécuté, puis de regarder le solde.

Voici donc les chiffres obtenus selon cette méthode : plus 11 milliards pour 2007-2008 ; plus 1,4 milliard pour 2008-2009 ; plus 4,5 milliards pour 2009-2010 ; plus 5 milliards pour 2010-2011 ; soit une augmentation moyenne supérieure à 5 milliards. Depuis que nous sommes au pouvoir, cette moyenne est tombée à 500 millions, soit dix fois moins, ce qui ne me paraît pas moins vertueux... Et nous souhaitons continuer à faire des efforts de maîtrise de la dépense pour afficher des résultats meilleurs encore.

Vous avez raison de dire que les économies que nous réalisons le sont par rapport à une augmentation tendancielle de la dépense, mais je ne me souviens pas qu'il en était autrement lorsque la révision générale des politiques publiques – RGPP – a été mise en oeuvre. Il ne me semble pas que changer le mode de calcul serait très pertinent, car cela fausserait les comparaisons. On peut néanmoins réfléchir ensemble à une modification des règles mais, en attendant, je viens de vous fournir les chiffres du quinquennat précédent et ceux du début de notre quinquennat.

Vous jugerez sans doute que ces résultats sont encore insuffisants. C'est aussi notre avis. L'effort de maîtrise de la dépense, nécessaire pour atteindre notre objectif de redressement des comptes publics, exige que nous fassions preuve de persévérance et d'ambition. Mais on ne peut pas, de l'index, faire en sorte qu'un paquebot change de cap ! La trajectoire actuelle des finances publiques résulte de décennies d'habitudes consistant à solliciter plus volontiers les prélèvements obligatoires que la réduction des dépenses ; sa modification ne peut donc être assurée en un tournemain. Une tendance se dessine toutefois, qui témoigne d'une volonté politique. Nous allons poursuivre dans cette voie.

S'agissant des comptes des collectivités territoriales comme des comptes sociaux, nous ne disposons pas encore de la totalité des données. Or, seule l'agrégation de tous ces éléments permettra d'évaluer, compte tenu des moins-values constatées sur les recettes et de la sous-exécution observée en dépenses, l'impact du solde budgétaire sur l'ensemble des comptes publics. Je propose donc d'organiser une réunion similaire à la fin du mois de mars, lorsque toutes les informations seront disponibles. Nous pourrons alors réfléchir aux adaptations nécessaires.

Comment expliquer le surcroît de recettes de TVA ? Est-ce le résultat d'un comportement d'anticipation des ménages, ou au contraire celui d'un ressaut de conjoncture ? Je ne peux que faire une première réponse qui devra être complétée dans les mois à venir à mesure que nous disposerons d'éléments d'appréciation plus fins. Au moment de l'élaboration de la loi de finances rectificative pour 2013, nous avions établi nos prévisions en matière de TVA sur une hypothèse de progression d'assiette taxable d'environ 0,3 % par rapport à 2012. La plus-value enregistrée – 600 millions d'euros – pourrait donc refléter soit des effets de structure, soit une évolution un peu plus favorable de cette assiette. Il est toutefois trop tôt pour déterminer dans quelle mesure chacun de ces facteurs a pu jouer, car nous ne disposons pas encore des résultats détaillés des comptes nationaux pour l'année 2013.

Cette augmentation doit par ailleurs être mise en regard avec le regain de dynamisme que connaît la consommation des ménages depuis le printemps 2013. En effet, les dépenses de consommation de produits manufacturés ont progressé de 0,4 % aux deuxième et troisième trimestres, et avant même que nous puissions disposer des chiffres de décembre, nous savons qu'elles ont augmenté d'au moins 0,7 % au quatrième trimestre. Il y a donc bien reprise de la consommation.

De leur côté, M. Alauzet et M. Eckert m'ont demandé les raisons de la baisse de la masse salariale en 2013. Les dépenses salariales hors pensions – un poste difficile à contrôler, comme vous le savez –, ont en effet fait l'objet d'une maîtrise exceptionnelle : en exécution, elles ont été réduites de 200 millions d'euros par rapport à 2012. Cette baisse témoigne de la qualité de notre gestion en dépenses et s'explique par les décisions que nous avons prises en ce domaine : gel du point d'indice dans la fonction publique, diminution de moitié des mesures catégorielles et modification des schémas d'emploi. Sur ce dernier point, nos engagements en termes de baisse des effectifs ont été rigoureusement respectés.

En effet, contrairement aux affirmations de certains responsables politiques, les efforts consentis en faveur des administrations considérées comme prioritaires – c'est-à-dire l'éducation nationale, l'intérieur et la justice – sont compensés par l'exceptionnelle maîtrise de la masse salariale observée dans d'autres ministères, sans préjudice pour les missions de service public qu'ils accomplissent. Car les économies réalisées s'accompagnent de mouvements de réorganisation, qui ont souvent été rendus possibles par la numérisation et la dématérialisation des procédures. C'est particulièrement le cas au ministère des Finances, où des progrès de cet ordre, par-delà les réductions de dépenses de personnels, ont permis d'économiser 250 millions d'euros.

S'agissant de la lutte contre la fraude fiscale, et pour répondre à Mme Mazetier, je vous informe qu'à la date du 17 janvier, nous étions saisis de 11 700 demandes de rectification de déclaration fiscale émanant de contribuables détenant des avoirs à l'étranger. Nous sommes donc confiants dans notre capacité à atteindre, en recettes, les objectifs que nous nous sommes fixés pour 2014.

M. Woerth et M. de Courson m'ont interrogé sur le dérapage des déficits, une question sur laquelle je me montrerai aussi rigoureux que l'a été M. Woerth. Nous ne pouvons nier le décalage entre les objectifs que nous nous sommes assignés en loi de finances initiale et les résultats obtenus. Mais lorsque nous avons dû réviser, devant vous, nos prévisions en matière de croissance, nous n'avons pas souhaité durcir le contenu de la loi de finances rectificative en prenant des mesures à caractère récessif, notre choix étant plutôt de faire jouer les stabilisateurs automatiques. Un tel discours n'a d'ailleurs rien de nouveau : nous l'avons tenu à de nombreuses reprises, en particulier en réponse aux parlementaires qui réclamaient l'adoption de lois de finances rectificatives.

Quoi qu'il en soit, il est faux d'affirmer que ce décalage entre les objectifs de la loi de finances initiale et les résultats obtenus en fin d'exercice équivaut à une augmentation d'année en année des déficits budgétaires. J'ai rappelé l'évolution du déficit de l'État par rapport au PIB : 5,3 % en 2011, 4,8 % en 2012 et environ 4,1 % en 2013. Cette stratégie de réduction sera poursuivie de façon résolue grâce à la maîtrise de la dépense. Mais nous veillerons aussi à ce que les mesures proposées n'aient pas d'impact négatif sur la croissance, une croissance plus faible pouvant aussi être un facteur d'augmentation du déficit.

M. Alauzet et Mme Girardin ont évoqué la modernisation de l'action publique. Comment moins dépenser sans remettre en cause le fonctionnement des services publics ni la solidité de la protection sociale, voire en améliorant encore la qualité de ces services ? C'est précisément grâce à des efforts structurels que nous comptons y parvenir.

S'agissant des collectivités locales, le Président de la République a rappelé la réflexion en cours sur la répartition des compétences comme sur les modalités d'attribution des dotations. Ses conclusions seront traduites dans le projet de loi de finances pour 2015. Les collectivités seront incitées à se regrouper et à mutualiser leurs services, car tel est incontestablement le moyen de réaliser des économies sans remettre en cause ni la qualité du service public local ni la dynamique en matière d'investissements, qui est un facteur de croissance.

Il en est de même dans le domaine de la santé. Les très bons résultats que nous obtenons déjà en matière de maîtrise des dépenses d'assurance maladie ne sont dus ni à des déremboursements ni à une remise en cause du principe de l'accès aux soins pour tous, mais s'expliquent par l'engagement de réformes structurelles. Qu'il s'agisse de la chirurgie ambulatoire, de l'hospitalisation à domicile ou de la politique annoncée par la ministre des Affaires sociales et de la santé dans le domaine du médicament générique, ces réformes de structures, contrairement à la logique de rabot, visent non pas à remettre en cause le rôle et les missions des services publics, mais à réorganiser et à moderniser ces derniers.

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