Intervention de Frédéric Cuvillier

Séance en hémicycle du 29 janvier 2014 à 21h30
Privatisation de la société nationale maritime corse méditerranée

Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche :

…et pour envisager quelles voies aboutiront au sauvetage de cette société, qui est l’une des fiertés du pavillon maritime français, comme j’ai eu l’occasion de le dire. Elle pourrait être en situation d’équilibre économique – c’est parfois le cas –, pourvu que notre ambition et notre mobilisation soient partagées.

Pour ce faire, il faut pouvoir mener de front plusieurs chantiers. Le premier est le lancement du pacte social, qui doit être actualisé – j’insiste sur ce point, puisque vous m’invitez à dire la vérité. Cette invitation tombe d’ailleurs à pic, puisque je ne suis ici que pour cela : mettre mes actes en conformité avec la réalité et ne jamais perdre de vue que lorsque l’on fait appel à la responsabilité de tous et que l’on demande aux partenaires sociaux de s’engager, nous avons un devoir de confiance, et donc de vérité, celle-ci étant la condition de celle-là. De ce point de vue, reconnaissez que je n’ai jamais minimisé – et encore moins balayé d’un revers de main – la réalité des contentieux européens ; oui, les procédures existent, et nous en reparlerons.

Revenons-en pour l’heure au pacte social. Il a été négocié, actualisé et voté, car il faut pouvoir s’adapter à la réalité – d’autant plus que plusieurs événements se sont produits depuis. Je remarque toutefois que, depuis mai 2012, les obstacles que l’on disait infranchissables ont été franchis malgré tout, les uns après les autres, même si, comme en un puits sans fond, d’autres apparaissent sans cesse, toujours plus hauts au fil du chemin. Nous avons stabilisé la DSP, mais il faudra revenir sur les questions liées à la nouvelle DSP. Nous avons fait en sorte que la trésorerie soit assumée. Nous avons permis – le défi était immense et le résultat fut salué – que les conditions tenant aux perspectives industrielles recueillent dans leurs grandes lignes l’accord des différents acteurs, et que des plans responsables de départs volontaires soient acceptés et validés par les représentants du personnel et par les actionnaires, afin que la société retrouve le plus rapidement possible sa compétitivité.

Bien entendu, il fallait aussi agir sur l’environnement économique. En ce domaine comme dans tous les autres qui relèvent des différents ministères, le Gouvernement s’engage à éviter toute forme de concurrence déloyale et de dumping. Dans le domaine du transport maritime, nous avons fait adopter un certain nombre de dispositions qui relèvent du droit social international, notamment pour ce qui concerne l’État d’accueil. C’est bien normal : pour que la concurrence soit saine, les mêmes règles doivent s’appliquer à tous. Les partisans de la concurrence et du libéralisme ne souhaitent-ils pas précisément des règles qui soient les mêmes pour tous ? Je les prends au mot : nous avons pris un décret qui impose à chaque compagnie les mêmes conditions. Dès lors, l’environnement sera neutre, ce qui est normal. En outre, toute contribution au service public peut faire l’objet de financements publics : c’est là un fait légitime, même s’il faudra sans doute l’expliquer davantage.

J’en viens aux contentieux européens. L’un d’entre eux au moins peut sembler une cause perdue, mais il ne faut jamais préjuger des décisions que prennent les juridictions. Ce contentieux n’en constitue pas moins un appel à la responsabilité et à la compréhension. J’entends çà et là dire que l’on pourra toujours s’arranger de l’Europe. Non. La décision qui sera prise aura l’autorité de la chose jugée. Mais pour autant, il existe des recours.

En tout état de cause, j’en appelle à la responsabilité pour la suite de la vie de la SNCM, car la situation actuelle n’est pas un modèle du genre. Pour y remédier, le Gouvernement doit faire ce que d’autres n’ont pas fait en leur temps : rencontrer la Commission européenne, expliquer la situation concernant notamment la nouvelle DSP, et s’assurer que nous n’ayons pas à revenir dans les prochaines années sur ce qui a été patiemment construit.

La nouvelle DSP a renforcé la stabilité du dispositif. Encore faut-il que nous puissions, concomitamment au pacte social, conduire un projet industriel. Le directoire doit s’y engager, comme je l’ai dit et répété. Quelles sont les pistes envisageables ? À ce stade, elles ne sont pas encore stabilisées ; les éléments que je vous apporte aujourd’hui devront donc être précisés au fil de la concertation.

Tout d’abord, certaines recettes, si elles sont parfois surestimées, ne sont pas non plus à sous-estimer. L’accident du Napoléon-Bonaparte doit conduire les assurances à verser des garanties pour des montants non négligeables, qui redonneront quelques perspectives à la société. Ensuite, outre la stabilisation de la trésorerie grâce à l’aide de l’État, je remercie sincèrement le Premier ministre qui, en fin d’année dernière, a permis de donner davantage de visibilité à la société afin qu’elle dispose du temps nécessaire pour envisager les questions dont nous débattons ce soir.

Nous avons fait de l’invitation autour de la table de la Caisse des dépôts et de la Banque publique d’investissement une priorité, de même que nous interrogeons les collectivités. En l’occurrence, je ne dispose pas de toutes leurs réponses concernant le rôle qu’elles joueront et la forme que prendra leur action.

Il ne s’agit pas de capital, vous en conviendrez, et d’ailleurs un certain nombre d’objections ont été très justement soulevées par le président Giacobbi. Mais encore faut-il savoir s’il est possible de faire financer le moindre bateau par la SNCM telle qu’elle est aujourd’hui ! Là est la question préalable ! Quelle est la garantie apportée aux banques ? C’est la première question qu’elles poseront. On comprend très vite que les difficultés s’accumulent et que l’incertitude portant sur les contentieux conduirait certainement à une impasse. Poser comme postulat, ou comme condition obligatoire, la propriété directe de la SNCM commanditaire risquerait très vite de conduire à l’échec ou l’impasse. Mais expertisons ! Si tel n’est pas le cas, que faire ? Créer une structure ad hoc en aménageant des liens avec la structure porteuse de la commande.

Je rappelle l’importance du contexte et de l’enjeu, pour la filière des chantiers navals, du renouvellement de l’ensemble de la flotte. Arnaud Leroy le sait bien. Les normes européennes et même internationales relatives aux rejets de soufre, comme le plan Marpol, imposent de s’adapter selon les zones maritimes et selon des contraintes plus ou moins fortes. Elles le sont moins en Méditerranée mais elles existent. Il en résulte la nécessité d’engager une stratégie de modernisation et de relance portuaire. Il faut prendre cela en compte et envisager non seulement le renouvellement de la flotte de la SNCM mais aussi celui de l’ensemble de la flotte française, en particulier MyFerryLink et Brittany Ferries, qui a d’ailleurs annoncé la commande aux chantiers STX d’un navire GNL, avancée technologique qu’il faut soutenir. Arnaud Montebourg et moi-même donnons corps, par les programmes d’investissement d’avenir, à la nécessité de structurer une vraie opportunité en termes d’emploi portuaire et de chantier naval afin de répondre à des commandes qui ne se limiteront pas à la seule SNCM.

Même si la structuration de filière manque, nous avons à coeur de la faire aboutir. En tout état de cause, il faudra examiner les conditions d’une structure assurant la solidité de la commande et affichant des garanties. Jean-Pierre Jouyet vient de m’indiquer, il y a quelques heures, l’avancée des travaux de la Caisse des dépôts et consignations et de la BPI et son plein engagement. Je puis au moins en faire part à la représentation nationale.

D’autres sujets ont été évoqués, je pense avoir déjà répondu à un certain nombre des questions soulevées, en particulier la volonté de stabilisation à long terme. Je ne suis pas, moi, tenu par les élections municipales, en tout cas pas les élections marseillaises.

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