Intervention de Benoît Hamon

Séance en hémicycle du 30 janvier 2014 à 21h30
Progrès de l'union bancaire et de l'intégration économique au sein de l'union économique et monétaire — Présentation

Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation :

Je suis content de vous voir opiner ! Enfin, nous avons débattu des arrangements sur la gouvernance du mécanisme. Les grands principes seront les suivants : le Conseil de résolution, associant les autorités nationales de résolution, préparera les plans préventifs et les décisions de résolution ; le conseil Écofin interviendra pour rendre ces décisions exécutoires sur proposition de la Commission dans un délai de vingt-quatre heures, et nous avons adopté un arrangement pour la coordination des votes des États de la zone euro pour renforcer l’efficacité du processus de décision.

L’orientation générale du conseil Écofin du 18 décembre, sans être à l’évidence identique au texte que nous aurions écrit si cela n’avait dépendu que de nous, est donc conforme à nos principaux objectifs de négociation. En effet, le champ de compétence directe du Conseil de résolution est plus large que celui de la supervision directe de la BCE ; un Fonds de résolution unique totalement mutualisé bénéficiant d’un backstop commun sera établi à terme, et la mutualisation des contributions commencera dès la première année ; enfin, la gouvernance du mécanisme repose de facto sur un rôle majeur confié au Conseil de résolution.

C’est sur cette base que la présidence grecque mène en ce moment les discussions avec le Parlement européen. Des améliorations sont bien sûr possibles, en gardant à l’esprit l’importance capitale du calendrier d’adoption de ces textes : il serait inconcevable d’échouer si près du but, dans une construction dont l’ampleur reste capitale pour parachever la stabilisation de la zone euro, mais aussi le rétablissement des canaux de financement de l’économie.

En effet, nous ne faisons pas un mécanisme pour sauver les banques, mais pour protéger le financement de l’économie, et elle en a bien besoin aujourd’hui, dans la zone euro comme l’ensemble du marché européen. En prévoyant comment nous assurerons la continuité du fonctionnement des banques ou, au contraire, comment nous les fermerons, ce sont les emprunteurs et les épargnants que nous protégeons, mais aussi les contribuables qui ont dû, et nous en payons aujourd’hui le prix, assumer le sauvetage de banques « trop grandes pour faire défaut », too big to fail.

C’est en commun que la zone euro doit faire face à ces risques, et cela suppose de mettre en commun nos instruments. Nous le ferons en nous assurant que le coût est d’abord supporté par les actionnaires et les créanciers des banques ; puis, nous pourrons nous tourner vers un Fonds de résolution abondé par les banques, pour qu’elles contribuent collectivement au bon fonctionnement du secteur bancaire ; et, à la fin, nous aurons un filet de sécurité public qui puisse apporter la réponse de dernier ressort. En ce sens, c’est un progrès décisif pour sortir de la crise, recréer la confiance dans le système financier et le recentrer sur son rôle fondamental, qui est de financer la croissance.

En parallèle, la zone euro s’est attaquée à la réforme de sa gouvernance économique. Elle a renforcé progressivement les règles, les disciplines et les limites sur les politiques budgétaires nationales, ce qui s’est traduit pour les États par un effort considérable de réduction des déficits, à un rythme que nous sommes en train d’adapter avec la Commission européenne.

Nous avons donc aujourd’hui certains des ingrédients qui permettraient à l’intérêt européen commun de se déployer effectivement, mais il nous en manque encore. Nous avons les disciplines, avec un encadrement poussé des politiques budgétaires, nous avons un instrument de surveillance des déséquilibres macroéconomiques, qui doit être pleinement appliqué, et nous avons la solidarité. Mais notre créativité s’est surtout déployée dans le champ financier, et nous n’avons toujours pas les instruments de politique économique pour faire reculer le chômage en Europe, qui reste à des niveaux anormalement élevés, ou pour accélérer la sortie de crise dans les États qui sont le plus durement touchés.

Personne dès lors ne sera surpris des propositions de la France pour prévenir et guérir les crises économiques actuelles et futures et stimuler la croissance en zone euro : elles sont le point d’aboutissement logique du diagnostic que le Gouvernement vous propose de partager. Nous devons tirer toutes les conséquences du fait qu’au sein de l’Union européenne à 28, qui reste à la fois notre grand marché intérieur et notre patrimoine politique commun, la zone euro constitue une dimension particulière, et que la monnaie unique change radicalement la façon de faire de la politique économique.

Nous pensons qu’il faut un budget pour la zone euro, qui soit notre première défense commune face aux crises macroéconomiques et qui puisse jouer un rôle de stabilisateur économique, au-devant des budgets nationaux. Cela permettrait ainsi d’exprimer une solidarité entre les membres de la zone euro et de donner une réalité à l’Europe sociale, tout en étant un outil macroéconomique puissant, première réponse à un ralentissement de l’activité.

Nous avons également comme volonté de faire que la prochaine législature européenne soit une législature de croissance en Europe, après tant de mois consacrés à enrayer la crise. Au coeur de notre projet figure le pilier social de l’Europe. Sur l’emploi, nous devons traduire les décisions du Conseil européen, notamment sur l’emploi des jeunes et, le plus rapidement possible, autour de la « garantie jeune », en mobilisant les crédits européens et en mettant en place des plans nationaux pour les mettre en oeuvre dès le début de cette année. Dans le même temps, nous devons lutter contre le dumping social. C’est le sens de l’accord que la France a obtenu sur la directive « détachement des travailleurs » qui corrige les distorsions et met en place, dans chacun de nos pays, un contrôle beaucoup plus vigilant et beaucoup plus dissuasif. En parallèle, il faut redonner de la lisibilité aux institutions politiques qui sont chargées de la politique économique et de la sauvegarde de notre intérêt commun.

Nous avons donc une approche pragmatique, qui consiste à regarder les problèmes tels qu’ils sont. Nous constatons que les problèmes de stabilité économique et financière rencontrés par la zone euro appellent une clarification et des adaptations institutionnelles. Ce sont d’ailleurs des propositions que la France défend auprès de ses partenaires, et qui figurent en particulier dans les déclarations des sommets franco-italien et franco-espagnol qui se sont tenus à la fin de l’année dernière. Compléter la zone euro ne veut pas dire que nous nous détournerons de la dimension de l’Union européenne à 28 : il ne s’agit pas d’oublier cette grande Europe, mais d’abord de consolider, de renforcer et de mieux intégrer nos politiques économiques au sein de la zone euro.

Nous avons besoin d’un grand marché, d’une politique commerciale garante et protectrice des intérêts européens, d’une politique environnementale, d’une coopération pour la défense afin de permettre à l’Europe de peser dans son voisinage et sur la scène internationale. Nous avons besoin de donner une impulsion décisive à l’Union européenne. Je vous remercie de nous aider à progresser sur ce chemin.

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