Intervention de Christophe Léonard

Séance en hémicycle du 24 février 2014 à 16h00
Redonner des perspectives à l'économie réelle et à l'emploi industriel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Léonard :

Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, la proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle que nous examinons cet après-midi en lecture définitive, quoiqu’en disent ses détracteurs, constitue un progrès social face au diktat de la finance.

de fait, cette finance folle n’a de cesse, en toute impunité ou presque, de détruire notre modèle social – au moyen du dumping social, fiscal et environnemental qu’elle organise au sein de l’Union européenne et dans le monde – et de faire oublier à chacun la dimension collective que suppose toute vie en société comme aux entreprises leur responsabilité sociale.

Cette réalité s’est traduite concrètement par la destruction de 2 millions d’emplois dans l’industrie française en trente ans, dont 750 000 de 2002 à 2012 ; des millions d’hommes et de femmes sont exclus de la société du travail et livrés à la précarisation ; des millions de Français, dont le salaire stagne et le pouvoir d’achat s’amoindrit, vivent dans l’angoisse permanente d’un plan social, persuadés, à juste titre, d’être la variable d’ajustement des bénéfices toujours croissants d’actionnaires déshumanisés.

Tel est le bilan désastreux de l’idéologie néolibérale fondée sur la promesse mensongère d’autorégulation des marchés et complice du désinvestissement en matière de recherche et développement, de l’évasion fiscale organisée au vu et au su de tous, et de la rémunération à outrance du capital au détriment de la rémunération du travail.

Cette proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle signe à l’inverse, par l’instauration de ce que l’on peut appeler un brevet de citoyenneté minimum, le retour à un comportement responsable pour les entreprises qui, trop souvent, oublient ce qu’elles doivent à leurs salariés mais aussi aux territoires sur lesquels elles sont implantées, alors que les contribuables abondent les fonds d’aides publiques qu’elles perçoivent.

Ce texte constitue en effet la concrétisation de la nécessité de retrouver une marque de respect partagé entre les acteurs du monde du travail. Cette volonté est sans rapport aucun avec celle qui consisterait à faire peser un prétendu « stress sur le dos des patrons », comme le fantasmait dernièrement dans la presse le président du MEDEF, dans un discours hostile, marqué du sceau de la duplicité et qui fleure bon la surenchère patronale, pour tenter d’esquiver le débat démocratique sur les nécessaires contreparties du pacte de responsabilité en termes de créations d’emplois.

Cette proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle est, de fait, un vecteur essentiel du maintien dans l’emploi, en instaurant, pour les groupes de plus de 1 000 salariés qui veulent fermer un site de production, une obligation de moyens pour rechercher un repreneur, une information obligatoire – au sujet de laquelle les repreneurs potentiels sont tenus à la confidentialité – concernant le projet de cession, ainsi que la réalisation par l’entrepreneur sortant d’un bilan environnemental présentant le coût et les solutions de dépollution.

Elle renforce indiscutablement la démocratie sociale, en permettant au comité d’entreprise d’être informé du projet de fermeture, en l’associant aux recherches d’un repreneur, mais aussi en favorisant une information précoce des élus au suffrage universel concernés.

À cet égard, elle donne la possibilité au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel, s’ils estiment que des offres crédibles ont été écartées par la direction de l’entreprise, de saisir le tribunal de commerce. L’opportunité est également donnée aux salariés de reprendre l’activité industrielle, en leur permettant, comme tout tiers, de déposer une offre de reprise.

Elle impose enfin plus de justice par la mise en place d’une pénalité à l’encontre des entreprises indélicates pouvant aller jusqu’à vingt fois le smic par emploi détruit, dans une limite de 2 % du chiffre d’affaires annuel, dont les ayants droit seront indistinctement les salariés, le territoire et la filière industrielle concernés. Les personnes publiques pourront au surplus demander au juge le remboursement de tout ou partie des aides financières publiques versées lors des deux dernières années au titre du site de production concerné par le projet de fermeture.

Bien sûr, ce texte aurait pu être plus contraignant. J’avais d’ailleurs déposé en ce sens plusieurs amendements en première lecture, considérant comme une évidence que la gauche n’a pas à s’excuser d’exercer le pouvoir par la conclusion répétée de compromis sociaux timides. Je reste d’ailleurs convaincu que ces propositions auraient pu constituer de modestes mais utiles marqueurs.

Cela étant, en l’état actuel de notre droit, cette proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle matérialise indiscutablement la volonté de notre majorité de soutenir les vrais entrepreneurs, en protégeant les outils de production et leurs salariés.

Notre pays a besoin de toutes les énergies disponibles pour réenchanter le rêve français. La nouvelle France industrielle, portée par le Gouvernement, participe de cette perspective, dont ce texte, aux côtés des 34 filières industrielles d’avenir, marque concrètement l’avancée.

J’invite par conséquent la représentation nationale à le voter sans détours.

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