Intervention de Dino Cinieri

Séance en hémicycle du 29 avril 2014 à 21h30
Activités privées de protection des navires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDino Cinieri :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, depuis 2008, les armateurs de navires français bénéficient de la protection de la Marine nationale pour prévenir les risques d’attaques de pirates.

Mais nos militaires n’ont pas le don d’ubiquité et ne peuvent pas, à eux seuls, assumer cette tâche à la fois considérable et indispensable.

Vous avez à juste titre rappelé, monsieur le secrétaire d’État, que plus de deux cent soixante attaques ont été recensées depuis le début de l’année 2013, et il est urgent d’agir car au niveau mondial, les conséquences sont estimées entre 5,1 et 8,7 milliards d’euros chaque année.

Votre projet de loi sur les activités privées de protection des navires prévoit par conséquent d’autoriser la présence de gardes armés à bord de navires battant pavillon français croisant dans les zones infestées de pirates. Ce texte permettra également la création d’entreprises privées de protection des navires.

Il existe deux zones d’intérêt du point de vue français : le nord-ouest de l’océan Indien au large de la Somalie et le golfe de Guinée. Dans l’océan Indien, la piraterie est un phénomène en régression notamment grâce à l’opération Atalante engagée par divers pays dont ceux de l’Union européenne : cinq attaques en 2013, dont aucune n’a réussi, contre une centaine en 2011.

La situation contraste avec celle du golfe de Guinée où une centaine d’attaques sont recensées annuellement. Si l’on ne peut parler d’une explosion du phénomène qui s’apparente souvent à du brigandage, celui-ci a néanmoins évolué. Vous dites, monsieur le secrétaire d’État, que les « zones à risques » seront soigneusement précisées et, au besoin, modifiées pour s’ajuster au déplacement de la piraterie. Mais admettez que cela s’apparente à une partie de bataille navale ou de « touché-coulé » ! À chaque fois qu’une zone sera identifiée, les pirates se déplaceront afin de pouvoir attaquer des bateaux non sécurisés.

Lors des Assises de la mer qui se sont tenues à Biarritz en novembre 2012, cette question a été abordée par le ministre de la défense qui a rappelé qu’en douze ans, compte tenu des budgets contraints, la Marine nationale est passée de 46 000 à 37 000 personnels. Elle a également perdu un navire et un aéronef sur cinq et 40 % de ses frégates.

Il s’agit donc de répondre à une demande urgente des armateurs pour combler les 25 % de la protection non assurés par la Marine nationale. L’État n’a malheureusement plus les moyens de mener seul ses prérogatives régaliennes de sécurité.

Mais, mes chers collègues, le texte que nous examinons arrive malgré tout un peu tard car le retard pris par ce débat risque de pénaliser une offre française qui arrive dans un marché déjà mature. En effet, la France est l’un des derniers États maritimes de l’Union européenne à interdire la présence de gardes privés à bord des navires battant son pavillon.

Ce temps perdu pour les armateurs et les entreprises de services de sécurité et de défense françaises désireuses de s’implanter dans ce secteur a, en revanche, largement profité aux sociétés britanniques qui dominent actuellement le marché de la protection privée des navires lequel est estimé à plusieurs milliards de dollars.

Vous estimez, monsieur le secrétaire d’État, que 400 à 500 emplois seront créés. C’est une bonne nouvelle mais il ne faudrait pas que cela soit un prétexte pour diminuer ensuite le nombre de militaires.

Nous espérons par conséquent que cette autorisation de recourir aux sociétés privées se fera en bonne complémentarité avec les actions de la marine ainsi que la mission de lutte contre la piraterie de l’Union européenne. La protection privée des navires ne doit pas être confondue avec du mercenariat et j’aimerais avoir la garantie que la volonté du Gouvernement n’est pas d’aller vers une privatisation des services liés à la sécurité et la défense. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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