Intervention de Raymond Sené

Réunion du 10 avril 2014 à 15h00
Commission d'enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d'exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l'électricité nucléaire

Raymond Sené, membre fondateur du Groupement des scientifiques pour l'information sur l'énergie nucléaire :

Peut-on prolonger la durée de vie des cuves ? La question peut en effet se poser sachant qu'elles ne peuvent pas être remplacées. Un paramètre essentiel est l'évolution de la température de transition ductile-fragile qui évolue en raison de l'irradiation neutronique en provenance du coeur. Les neutrons provoquent le déplacement des atomes au sein des structures cristallines de l'acier, entraînant son durcissement. Progressivement, la température de transition s'élève. Tout cela est fonction de la fluence, c'est-à-dire du flux neutronique total reçu par la cuve. Les aciers ont été au départ conçus pour une durée d'utilisation de 40 ans, soit, à 80 % de charge moyenne, 32 années en équivalent pleine puissance.

On examine régulièrement des éprouvettes placées à l'intérieure de la cuve, plus ou moins près du coeur et absorbant donc un flux de neutrons plus ou moins puissant. La marge d'erreur est très importante dans ces études, très complexes et très délicates. On peut se dire que si on continue de faire fonctionner une cuve au même régime qu'antérieurement alors qu'elle fonctionne déjà depuis trente ans, à un horizon de cinq ans, la limite constructeur sera atteinte. Au-delà, on ne connaît rien et à l'élévation de la température de transition, il n'existe pas de remède. Des solutions ont été développées par EDF consistant à placer des assemblages usés sur certaines zones périphériques, de façon à atténuer la puissance du flux de neutrons. Mais quoi que l'on fasse, prolonger la durée de vie des réacteurs de 40 à 60 ans, c'est nécessairement soumettre les cuves à 50 % d'irradiation de plus. Or, rien ne permet d'affirmer que l'acier n'atteindra pas une température de transition excessive et que les cuves pourront continuer de fonctionner en toute sécurité. Les seules expériences menées en ce domaine l'ont été par les Russes. Dans des cuves plus petites que les nôtres, ils ont pu procéder à des recuits de cuve avec de la vapeur sous pression à haute température. Chauffer ainsi la cuve redonne en effet un peu de liberté aux atomes des structures cristallines qui reviennent à leur position d'équilibre, ce qui fait redescendre la température de transition. Sur nos cuves, d'un plus grand volume, cela n'est tout simplement pas possible.

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