Intervention de Valérie Lacroute

Séance en hémicycle du 19 mai 2014 à 16h00
Autorité parentale et intérêt de l'enfant — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Lacroute :

Elles concourent toutes, en tout cas, à affaiblir l’autorité des parents biologiques au profit des parents dits « sociaux ». En réalité, la patate chaude a été soigneusement refroidie en prenant soin d’écarter les sujets les plus polémiques !

Cette proposition est centrée autour de la vie quotidienne de l’enfant dans les familles recomposées, qui représentent tout de même 1,5 million de mineurs. Elle prévoit des mesures qui vont dans le sens de la volonté constante du Gouvernement de reconnaître à tout prix, dans la loi, la dimension affective de la vie familiale. On ne peut aujourd’hui que constater qu’elles compliqueront souvent la vie au quotidien, à cause d’un formalisme légal très exagéré et inutile.

Ce texte, en réalité, ne fait pas illusion. Il chahute les repères, il ne renforce en rien la politique familiale, mais accompagne le lent affaiblissement de l’institution familiale, alors que notre pays aurait besoin qu’elle soit renforcée.

Dans son exposé des motifs, le bilan semble alarmant : 1,5 million d’enfants, soit plus d’un enfant sur dix, vivent dans 720 000 familles recomposées. En effet, la famille, aujourd’hui, en France, est mise à mal.

Le texte entend protéger « l’intérêt de l’enfant qui est la pierre angulaire de la présente proposition de loi ». Mais le droit doit-il protéger de toutes ses forces un modèle familial qu’il considère bon pour l’enfant, tout en aidant les familles dans des situations délicates, telles que la séparation d’un couple avec des enfants ou, au contraire, s’adapter sans cesse à des situations de fait, qui ne concernent qu’une minorité de la population, au risque de mettre à mal la majorité, soit neuf enfants sur dix ?

La proposition de loi ne permet pas non plus de mesurer les conséquences futures de ce texte sur la politique familiale. Elle oublie le contexte global de la société : je pense aux inégalités entre les femmes et les hommes, et aux 400 000 femmes victimes de violences conjugales déclarées en deux ans. Elle prône une égalité abstraite, déconnectée de la vie réelle.

Encore plus inquiétant, les situations de violence font très peu exception à la règle, avec un risque majeur, celui de renforcer, à travers l’exercice de l’autorité parentale, la harcèlement et la mise en danger des femmes et des enfants. Selon un rapport du ministère de la justice, en termes de résidence des enfants, 96% des demandes des mères sont satisfaites et 93% des demandes des pères.

Cette loi n’est-elle pas faite uniquement pour les 7 % de pères non satisfaits, qui n’hésitent pas à se jucher sur des grues pour obtenir satisfaction ? On peut légitimement se poser la question.

En dehors d’un alinéa à l’article 4, la proposition de loi ne fait pas des violences conjugales et des violences sur enfants une exception de principe. En définissant des actes importants et en indiquant que tout acte de l’autorité parental usuel ou important nécessite un accord de l’autre parent, elle autorise ainsi la poursuite par les agresseurs d’un harcèlement qui deviendra ainsi légalisé. À la lecture de certains autres articles, il faut bien avouer que certaines dispositions sont purement cosmétiques.

Tout cela est fort sympathique, mais l’impact réel de telles dispositions demeure très limité. Concrètement, cette proposition de loi ne fera ni le bonheur des parents ni celui des enfants. Ses dispositions vont compliquer la vie quotidienne des familles et instrumentaliser l’enfant dont l’intérêt supérieur est occulté.

Comme mes collègues de l’Entente parlementaire pour la famille, je m’opposerai à ce texte.

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