Intervention de Jürgen Trittin

Réunion du 21 mai 2014 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Jürgen Trittin, Alliance 90Les Verts :

Je pense comme M. Poniatowski que la politique extérieure commune de l'Europe sera forte dans la mesure où nous voudrons qu'elle le soit. Avec le Traité de Lisbonne, nous l'avons renforcée, notamment du point de vue institutionnel. Mais avons-nous utilisé toutes les possibilités qui s'offrent à nous ? J'en doute. Ainsi, je ne crois pas que ce soit à la France, à l'Espagne ou à l'Italie de se tourner en priorité vers les pays du Sud, ni que le voisinage à l'Est soit l'affaire des seuls Allemands. Nous devons renoncer à cette forme de division du travail. Les Allemands sont en train de le comprendre grâce à l'exemple du Mali. Nous avons en Afrique une responsabilité européenne commune. N'est-ce pas la déstabilisation du continent qui a provoqué la noyade de milliers de personnes en Méditerranée ?

Quant à la crise en Ukraine, c'est tout l'ordre établi en Europe après la guerre froide qu'elle remet en question. L'Union européenne est une union de paix, fondée notamment sur l'acceptation des frontières, principe essentiel que nous devons défendre ensemble.

Il est vrai que le régime en place en Ukraine était corrompu, et les Français comme les Allemands feraient bien de se demander si leur politique de voisinage était adaptée. Toutefois, en février dernier, l'Allemagne, la France et la Pologne ont entrepris, tardivement peut-être, d'assumer leurs responsabilités. La population de Kiev a souhaité que ce régime corrompu disparaisse, et combattu pour que triomphe le droit, bref au nom de valeurs européennes fondamentales ; notre responsabilité, c'est d'aider le pays à continuer sur cette voie et à se stabiliser.

Ce faisant, il nous faut prendre en considération les intérêts légitimes de la Russie : non pas tant la référence historique à la Crimée ni la volonté de diriger un pays voisin, que ses relations économiques très étroites avec l'Ukraine, essentielles au secteur de la construction aéronautique russe, par exemple. En a-t-on suffisamment tenu compte dans le processus d'association ?

Je suis favorable à l'association. C'est d'ailleurs la position de l'Allemagne depuis 2008 : l'Ukraine, qui ne fait pas partie de l'OTAN, doit bénéficier de ce régime.

Les élections sont nécessaires non seulement pour désigner un président mais pour garantir la légitimité du Parlement, l'ordre constitutionnel, le respect des droits des minorités et de la diversité culturelle. Nous n'atteindrons ces objectifs qu'en renforçant encore l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe.

Par ailleurs, restons fidèles à nos principes. Les conséquences économiques pour la Russie commencent à se manifester, indépendamment des sanctions : le recul du PIB, la chute du rouble vont nécessairement faire réfléchir le gouvernement russe. Mais, puisque nous parlons de mesures communes, avant même d'envisager les sanctions économiques, soyons cohérents. Si l'Europe décide d'interrompre sa coopération militaire avec la Russie tant que la situation perdure, avec tout le respect que je vous dois, je ne saurais approuver la fourniture de deux porte-hélicoptères français, dont le bien nommé Sébastopol.

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