Intervention de présidente élisabeth Guigou

Réunion du 21 mai 2014 à 9h30
Commission des affaires étrangères

présidente élisabeth Guigou, coprésidente :

Personne ne souhaite un conflit militaire en Ukraine : ni nous, ni les Russes. Par conséquent, les seuls instruments à notre disposition sont diplomatiques.

Notre meilleure arme, c'est notre unité ; jusqu'à présent, nous avons réussi à la maintenir. C'est parce que nous avons fait une démonstration d'unité les 20 et 21 février derniers, grâce à la démarche conjointe à Kiev des ministres des affaires étrangères du Triangle de Weimar, qu'il a été mis un terme au bain de sang en cours et que la situation a pu évoluer, avec le renversement de la majorité à la Rada et le lancement du processus démocratique.

Or cette unité pourrait être mise à mal si l'on devait passer aux sanctions de « phase 3 ». Tout le monde préfèrerait éviter que l'on en vienne là, d'autant que cela signifierait que la Russie a décidé de contrarier le bon déroulement des élections du 25 mai.

Vous aurez remarqué qu'il existe des nuances dans la position des parlementaires français vis-à-vis de la Russie. En ce qui me concerne, je pense qu'il convient de faire preuve de la plus grande fermeté : d'abord, parce que l'on ne peut pas se résigner à une annexion de la Crimée en violation de trois principes fondamentaux du droit international – principes qui avaient été respectés par tous les pays depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, y compris par l'Union soviétique : l'intangibilité des frontières, la garantie de l'intégrité territoriale des pays ayant renoncé au nucléaire, le respect de la volonté des peuples ; ensuite, parce qu'il importe de résister aux manoeuvres évidentes de déstabilisation des futures élections, notamment dans l'est du pays. Nous avons donc bien fait de prendre des sanctions. Certes, celles-ci ne concernent pour l'instant que le gel des avoirs personnels, mais il ne faut pas sous-estimer les sanctions financières, qui sont un poison lent : il suffit d'observer les sorties de capitaux de Russie, les efforts consentis par la Banque centrale russe pour défendre le rouble, ou la défiance des investisseurs internationaux pour avoir la confirmation qu'elles ne sont pas sans effet.

Il convient toutefois de poursuivre le dialogue avec la Russie, en reconnaissant que l'Union européenne a commis des erreurs par le passé. Sous le coup de l'émotion provoquée par la Révolution orange, nous avons été trop vite et trop loin, en affirmant lors du Sommet de Bucarest, non seulement que l'Ukraine devait adhérer à l'Union européenne, mais qu'elle avait vocation à devenir membre de l'OTAN ; peut-être eût-il fallu prendre quelques précautions. De même aurions-nous dû parler davantage aux Russes, au lieu de laisser s'engager sans aucune espèce de contrôle politique des négociations sur un éventuel accord d'association. Mais ces regrets n'excusent pas l'attitude actuelle de la Russie.

Il n'est pas dans notre intérêt que l'Ukraine, la Moldavie ou la Géorgie soient durablement un terrain de confrontation entre l'Union européenne et la Russie. Nous devons donc définir, en direction de ce grand voisin, une politique étrangère commune – ce qui nous a cruellement manqué jusqu'à maintenant. J'espère que nous saurons rester unis durant les prochaines étapes.

Le président Röttgen a raison : on n'a peut-être pas pris la mesure du fardeau économique et financier que va être l'Ukraine. Il faut donc aussi faire preuve de fermeté envers les Ukrainiens et, dès qu'ils auront élu un président, leur demander d'engager des réformes, afin de mettre un terme à la corruption et à la kleptocratie et d'engager un processus démocratique – sur ce point, Jacques Myard a parfaitement raison. Malheureusement, comme toujours dans ce genre de situation, le peuple souffre énormément.

Quant à la politique étrangère européenne, monsieur Poniatowski, il nous faut la construire en effet. Il ne servirait à rien de se complaire dans la litanie de nos différences historiques et géopolitiques. Essayons plutôt de concevoir une démarche commune, sans chercher à nier nos différences, mais en examinant comment avancer ensemble. Tel est le défi lancé par la politique étrangère et de sécurité commune.

Ce que l'Ukraine a également fait éclater au grand jour, c'est le besoin d'une politique énergétique commune, qui permette à la fois d'améliorer la situation sur le plan intérieur et de nous éviter de nous présenter en ordre dispersé devant les grands fournisseurs d'énergie, de façon quelquefois humiliante, et d'accepter que l'on nous impose des prix à la tête du client.

Une politique commune est indispensable, que l'on aime l'Europe ou non, monsieur Myard : de toute façon, nos intérêts nationaux nous conduisent à rechercher une entente franco-allemande sur des sujets qui mettent en jeu notre économie et notre sécurité.

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