Intervention de Frithjof Schmidt

Réunion du 21 mai 2014 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Frithjof Schmidt, Alliance 90Les Verts :

Nous semblons tous partager la conviction que la coopération franco-allemande est un facteur déterminant de réussite de toute politique extérieure et de sécurité européenne. Outre l'Ukraine, il y a un autre champ évident pour cette action commune : le Sahel et le Maghreb. Dans le cas de la Libye, nous aurions eu de nombreuses possibilités de développer une politique européenne commune mais la réponse de l'Union s'est concentrée sur le printemps arabe. Si la France et l'Allemagne avaient agi de concert en Lybie, les choses se seraient présentées différemment. Mais nous n'avons mené qu'une politique sectorielle à l'égard des réfugiés et une politique de contrôle aux frontières, considérant que la stabilisation économique et politique relevait plutôt des Nations unies. Et il me semble que ni le gouvernement français, ni le gouvernement allemand, ni les deux à la fois, n'ont fait quoi que ce soit pour faire émerger une véritable politique libyenne en Europe. Une chance a été perdue.

S'agissant du Sahel, il était très important pour l'Allemagne que le Président Hollande affirme, dans son grand discours de Dakar, que la notion de « Françafrique » est dépassée et qu'il propose une implication accrue de l'Europe et de l'ONU. Nous sommes très favorables au soutien de l'Allemagne en la matière. Cela étant, dans le cas du Mali, si l'on relève des avancées positives, l'Union européenne ayant pris l'initiative de définir une politique commune, ce processus est demeuré beaucoup trop lent : l'Europe a commencé par affirmer qu'il convenait d'agir de concert mais la situation à Bamako est ensuite devenue si urgente que la France a fini par y intervenir seule. La politique européenne n'a donc guère été efficace. Parviendrons-nous à élaborer un concept européen qui ne se résume pas à des interventions militaires d'urgence mais qui s'appuie sur une stratégie de développement ?

En République centrafricaine (RCA) et au Soudan du Sud, avez-vous relevé l'existence d'une quelconque politique européenne ? C'est essentiellement la France qui a élaboré un concept portant sur une période de transition, avec l'espoir qu'en septembre, l'ONU envoie dans cette zone une mission et y restaure une stabilité durable. Quant à l'Union européenne, elle n'a établi aucune politique commune à l'égard de cette mission onusienne, de même qu'aucun concept politique n'a été défini, si ce n'est encore une fois un concept d'urgence militaire fondé sur une perspective de six à douze mois. Nous n'avons défini aucune initiative européenne – sachant que celle-ci serait menée par la France et l'Allemagne. D'autre part, nous savons que des réfugiés de RCA se sont enfuis au Soudan du Sud, désormais théâtre d'une véritable catastrophe humanitaire. Si une conférence internationale des donateurs a certes permis d'apporter une aide humanitaire à la population, aucune initiative, ni européenne, ni allemande ni française, n'a été prise en vue de faire intervenir l'Union européenne aux côtés des Nations unies au Soudan du Sud.

Autrement dit, si nous partageons tous une ambition justifiée, le bilan concret des affaires libyenne, malienne, centrafricaine et sud-soudanaise n'est guère glorieux. S'il se peut que notre coopération devienne réalité dans l'une de ces crises, dans les trois autres exemples, en revanche, personne n'a essayé d'engager un processus concret en ce sens à Bruxelles. Or, on ne peut évaluer une politique qu'en fonction de situations concrètes comme celles-ci. En Allemagne, nous avons des discussions difficiles sur le rôle de l'armée et la manière de régler la situation humanitaire. Si notre parti est tout à fait disposé à aborder ces questions, y compris avec nos collègues français, il convient d'abord d'établir un bilan sincère de la situation.

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