Intervention de Norbert Röttgen

Réunion du 21 mai 2014 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Norbert Röttgen, président de la commission des affaires étrangères du Bundestag, coprésident :

Pour être franc, j'ai du mal à concevoir ce que recouvre l'expression de « stratégie africaine », tant elle me paraît rendre peu compte de la diversité de situation des pays d'Afrique, aussi bien du point de vue économique que politique, ethnique ou religieux. Songez seulement au Maroc, à la Libye, au Sahel ou à l'Afrique du Sud …

S'il nous faut distinguer entre les différentes situations existantes, il conviendrait également d'établir une évaluation réaliste de nos moyens économiques, politiques et militaires. L'Europe n'a mené aucune politique face aux situations libyenne et sud-soudanaise. Et dans le cas de la RCA, nous nous sommes aperçus à quel point nos ressources étaient limitées. Sans un tel réalisme, le fossé entre nos prétentions rhétoriques, notre volonté et nos capacités d'action sera si important qu'il causera des dégâts.

Ensuite, dans quel but souhaitons-nous recourir à ces moyens limités ? Comment envisageons-nous notre rôle ? S'agit-il d'intervenir dans des conflits ou de mener des opérations humanitaires ? Notre motivation est-elle politique – question qui a joué un rôle important au Mali – ou bien avons-nous des intérêts à défendre, notamment d'ordre économique, lorsque des matières premières sont en jeu ? Avons-nous à intérêt à agir ensemble ou allons-nous nous retrouver en concurrence les uns avec les autres ?

Il est par ailleurs indispensable que nous adoptions une vision fondée sur l'imbrication des différents domaines que sont la politique extérieure, la politique de développement et les interventions militaires. On ne saurait réduire la politique africaine à des actions militaires : non seulement cela est insensé, mais ce n'est pas viable et ne recueillera pas un écho favorable en Allemagne.

Enfin, nous devrions nous concentrer sur les modèles qui ont réussi. La Tunisie constituant le seul succès du printemps arabe, de nombreux éléments militent en faveur d'un soutien renforcé de l'Europe à ce pays, afin d'accroître sa force d'attraction. Car le risque existe toujours que nous nous retirions lorsqu'une situation s'améliore. S'agissant de la Syrie, M. Kinkel, l'ancien ministre des affaires étrangères allemand aujourd'hui âgé de 78 ans, m'a raconté que les deux événements qui l'avaient le plus profondément traumatisé étaient ceux de Srebrenica et du Rwanda. Puis il a ajouté : « Lorsque je pense qu'en Syrie, les assassinats continuent et que l'on y utilise certainement à nouveau des armes chimiques, je n'arrive pas à comprendre que l'Europe en détourne les yeux ». Nous perdrons toute crédibilité si nous continuons à attendre, avant de réagir, qu'une catastrophe humanitaire prenne des dimensions telles que nous ne puissions plus en détourner les yeux. Il faut au contraire refuser la catastrophe et en dénoncer le caractère inadmissible. Il nous faut absolument, en tant qu'Européens et, pourquoi pas, après avoir consulté la Russie, instaurer des corridors humanitaires en Syrie. Peut-être certaines situations sont-elles insolubles sans le soutien de la Russie mais il revient à l'Europe de prendre l'initiative.

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