Intervention de Hervé Gaymard

Réunion du 21 mai 2014 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Gaymard :

Je concentrerai mon intervention sur trois aspects.

J'estime tout d'abord que la France et l'Allemagne s'honoreraient, au sein de l'Union européenne, à présenter une démarche plus ambitieuse pour l'Afrique. Je suis en effet assez frappé, lorsque j'examine le volet développement de la politique extérieure de l'Union européenne, de l'absence de coordination entre la politique d'aide au développement, la politique agricole commune et la politique commerciale. Après le sommet de Cotonou, la négociation des accords de partenariat économique s'est soldée par un véritable fiasco très mal perçu par nos partenaires africains. Nous nous honorerions donc de leur présenter une politique de développement globale et innovante. Nous devons réinventer nos politiques de développement. Nos deux pays, ainsi que l'Union européenne, devraient concentrer leur financement et leur expertise sur trois axes structurants : la question agricole et alimentaire, l'électricité et les réseaux et enfin, les infrastructures de transport. Nous avons pris beaucoup de retard dans ces trois domaines depuis un demi-siècle, malgré de nombreux financements internationaux.

S'agissant de l'intervention militaire au Mali, nous nous sommes rendus avec Élisabeth Guigou et d'autres parlementaires en décembre 2012 aux Nations unies, où nous avons pu rencontrer l'ensemble des parties concernées par l'éventualité de cette intervention. Et si, à l'époque, chacun était conscient du danger, on s'orientait vers une intervention qui aurait eu lieu juste avant ou après la saison chaude, c'est-à-dire à l'automne. Il a cependant fallu l'accélérer lorsque les Djihadistes ont fondu sur Mopti, porte de Bamako. Il y a toujours une contradiction entre la nécessité de la concertation entre alliés et celle de prendre à un moment donné une décision militaire : Jupiter se marie mal avec les conciliabules. S'il importe de discuter en amont, le moment venu, il nous faut passer à l'acte afin d'être efficaces, comme nous l'avons fait au Mali. Et bien qu'appartenant à l'opposition, j'ai soutenu la démarche du Président de la République et du Gouvernement français sur ce sujet.

Enfin, je partage les propos de Jacques Myard sur le Rwanda. Le Parlement français a mené une commission d'enquête approfondie sur la question en 1998, dont les conclusions restent valides. Comme le disent Hubert Védrine et le Premier ministre de l'époque, Alain Juppé, tous deux anciens ministres des affaires étrangères, il ne faut pas considérer cette question en se bornant à l'attentat contre l'avion du Président Habyarimana en 1994 et au génocide qui s'est ensuivi. Il convient de prendre en compte d'une part, le temps long des événements qui se sont produits lors de l'accession du Rwanda à l'indépendance au début des années 1960, puis de ceux des années 1970, et d'autre part, le temps plus court qui commence non pas en 1994 mais en 1990, lorsque M. Kagamé se trouvant dans des maquis en Ouganda a souhaité prendre le pouvoir par la force au Rwanda. C'est à partir de ce moment qu'en vertu d'accords de coopération militaire, le Président Mitterrand a décidé de mener une politique équilibrée tendant à aider le gouvernement rwandais à résister à cette attaque et, dans le même temps, à le forcer dans sa gestion intérieure des minorités à mener une politique plus équitable. À l'époque, les accords d'Arusha furent d'ailleurs considérés comme une victoire. Mais entre-temps, la France connaissait l'alternance et la cohabitation s'installait. Le Président de la République, François Mitterrand, le Premier ministre, Édouard Balladur, et son ministre des affaires étrangères, Alain Juppé, ont conforté cette politique équilibrée de résistance à l'agression et de meilleure gestion des minorités. Mais à la suite de l'attentat contre l'avion du Président rwandais, la situation s'est rapidement dégradée. C'est alors sous mandat des Nations unies qu'est intervenue la France – seul pays à accepter d'envoyer des troupes. Par-delà la douloureuse question rwandaise – qui nous bouleverse tous d'autant plus que ce qui s'est passé au Rwanda pourrait se reproduire ailleurs –, se pose la question générale du droit d'ingérence en cas de drame.

La question centrafricaine se pose. Et l'on reprochera peut-être un jour aux militaires français d'être aujourd'hui en Centrafrique, alors que la France est le seul pays à y être intervenu pour éviter les massacres. Il convient d'adopter une approche objective de la douloureuse question du Rwanda.

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