Intervention de Valérie Lacroute

Séance en hémicycle du 17 juin 2014 à 21h30
Réforme ferroviaire - nomination des dirigeants de la sncf — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Lacroute :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur les rapporteurs, chers collègues, ce projet de loi a été examiné par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire au cours de quatre réunions. Plus de 500 amendements y ont été passés au tamis. Les membres de cette commission – dont je salue le président, M. Chanteguet – ont cherché à faire la clarté sur ce projet de loi qui relève d’une stratégie confuse. L’implication de l’État dans le secteur ferroviaire reste trop floue ; nous manquons d’explications à propos de la résorption de la dette de la future SNCF Réseaux ; enfin, ce texte oeuvre à une ouverture à la concurrence qui ne dit pas son nom.

Ce projet de loi vise, d’une part, à rétablir l’équilibre financier du système ferroviaire français, d’autre part, à créer un champion européen du rail, mais ce dernier n’est pas encore sur le bon sillon. Certes, je vous concède qu’il ne sera pas aisé de réunir sous l’autorité d’un même EPIC de tête le gestionnaire du réseau, RFF, et l’opérateur ferroviaire, la SNCF, deux entités séparées depuis 1997. La SNCF doit en effet affronter des problèmes cruciaux, qui sont susceptibles de faire dérailler cette vénérable institution : une dette ferroviaire géante ; un réseau vieillissant, détérioré, mis à mal aux yeux du public par les douloureux incidents d’un récent passé ; et la perspective d’une mise en concurrence mal préparée.

Lors de nos débats en commission, notre attention s’est tout particulièrement portée sur le rôle de l’État-stratège et sur les moyens dont disposera le Parlement pour suivre les engagements pris dans le cadre de cette réforme. Entre l’État et les trois futurs EPIC, des contrats d’objectifs seront conclus pour fixer le cap ; ces contrats seront révisables tous les trois ans. Mais quel sera le rôle dévolu à l’EPIC de tête ? Quelles seront les relations entre celui-ci et les deux autres EPIC ? Ses missions doivent être explicitement définies. Les débats n’ont pas permis d’éclaircir certaines zones d’ombre, ni de lever les ambiguïtés sur le rôle de cet EPIC de tête.

Une séparation des fonctions aurait permis de clarifier le rôle de ces trois acteurs et de les responsabiliser, les pouvoirs publics définissant la politique des transports ferroviaires et arbitrant entre gestionnaire d’infrastructures et opérateur. La structure que vous avez choisie empêche cette clarification ; elle porte en elle un risque d’effacement de l’État-stratège et de mise sous tutelle du gestionnaire du réseau par l’opérateur SNCF. Elle contient aussi les germes de conflits de fonctionnement et de pouvoir, conflits qui causent des surcoûts et conduisent à l’immobilisme.

Cette structure ne garantit pas non plus les conditions nécessaires à une saine concurrence entre entreprises ferroviaires, notamment en ce qui concerne l’attribution des sillons. Comment cette attribution pourrait-elle être équitable, avec un opérateur dominant à 95 % ? Elle ne garantira pas non plus une amélioration de la compétitivité du réseau ferroviaire public par rapport aux opérateurs privés.

D’une façon générale, ce texte comporte toujours de nombreux points de crispation, que nos échanges en commission n’ont pas permis de faire disparaître. Ils conduisent notre groupe à être majoritairement en désaccord avec cette réforme. Deux visions idéologiques s’opposent : je pense notamment à la question de l’indépendance de l’ARAF – l’Autorité de régulation des activités ferroviaires –, dont la tutelle ministérielle reste, pour l’heure, marquée. Ses pouvoirs seront-ils limités ? Sa mission de conciliation – qui est l’une de ses prérogatives essentielles – va-t-elle disparaître ?

Ce texte ne fait que peu référence à l’enjeu croissant du sauvetage des trains d’équilibre du territoire. Certes, une convention de financement pour la première tranche du renouvellement des trains Intercités a été signée en décembre dernier, mais le soutien de l’État n’est pas sans défaut. Ces trains se trouvent au milieu du gué ; pourtant, ils sont fondamentaux pour toute une partie du territoire.

Autres points d’achoppement : la gestion des gares et la cession des biens immobiliers.

La répartition des rôles en matière de financement de l’entretien des gares fait encore débat, car il y a là un risque d’inégalité entre communes rurales et villes. De même, la cession des biens immobiliers aux collectivités territoriales est plutôt logique, car ce sont en grande partie les communes et les intercommunalités qui ont entretenu et rénové le patrimoine de la SNCF. Il ne faudrait pas que les collectivités paient deux fois !

Enfin, la question des gares est essentielle. Laisser les gares dans le giron de SNCF Mobilités est une erreur.

Monsieur le ministre, ce projet de loi comporte de nombreuses zones d’obscurité, et je ne suis pas sûre qu’avec cette réforme, les Français voient la sortie du tunnel ! D’ailleurs, la stratégie des grévistes est vraisemblablement de reconduire la grève tout au long de nos débats. Mes collègues du groupe UMP et moi ne prendrons donc pas la responsabilité de les prolonger. Encore une fois, les usagers sont pris en otage : c’est inadmissible.

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