Intervention de Christophe Sirugue

Séance en hémicycle du 26 juin 2014 à 9h30
Mise en accessibilité des établissements recevant du public des transports publics des bâtiments d'habitation et de la voirie — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Sirugue, rapporteur de la commission mixte paritaire :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour discuter du projet de loi, adoptée par l’Assemblée nationale le 11 juin dernier, visant à habiliter le Gouvernement à prendre des mesures de nature législative concernant la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des bâtiments d’habitation, des transports et de la voirie. Ce projet de loi fait suite au constat d’échec relatif quant à la mise en oeuvre des objectifs d’accessibilité universelle fixés par le législateur dans la loi du 11 février 2005. Pour mémoire, cette loi contient des dispositions organisant notamment la mise en accessibilité des ERP, des bâtiments d’habitation, des transports et de la voirie à l’horizon des 1er janvier et 13 février 2015. La mise en accessibilité devait être universelle, c’est-à-dire adaptée à tous types de handicap. Passé ce délai, un dispositif de sanctions pénales est prévu pour les personnes physiques ou morales qui ne se seraient pas mises à jour de leurs obligations. Mais il s’agit là, reconnaissons-le, de la seule disposition contraignante, aucun dispositif de suivi intermédiaire n’ayant été prévu. Le fait est que la société française a accumulé un retard important, et la perspective couperet du 1er janvier 2015 est devenue de plus en plus difficilement tenable.

Face à ce constat, deux chantiers de concertation ont été conduits par la sénatrice Claire-Lise Campion ; ils ont débouché sur deux rapports remis en février et mars derniers : l’un portant sur les mesures de simplification réglementaire, l’autre sur la création d’un agenda d’accessibilité programmé, que l’on commence à connaître sous le nom d’Ad’AP, ainsi que sur ses déclinaisons.

Les prescriptions des quatre articles du projet de loi s’inscrivent dans cette démarche. Ses principales mesures permettent la déclinaison des Ad’AP pour les établissements et installations recevant du public ainsi que pour les réseaux de transport.

Réunie le 26 mai dernier, la commission des affaires sociales enrichissait ce texte puisque, dans un climat constructif et consensuel, elle adoptait d’importantes modifications.

À l’article 1er, la commission des affaires sociales a voté un amendement rendant les Ad’AP obligatoires. Nous partons en effet du postulat, audacieux dans l’histoire de la mise en accessibilité, que chacun doit se conformer à la loi ! Nous considérons donc que tous les propriétaires ou exploitants d’ERP qui ne seraient pas à jour avec les règles d’accessibilité devront évidemment déposer un Ad’AP. Il est donc logique d’assujettir le non-dépôt à un dispositif de sanctions, lesquelles ne suppriment évidemment aucune de celles prévues par la loi de 2005. Par ailleurs, elles doivent être adaptées à la capacité contributive des ERP, interdisant donc selon moi le principe forfaitaire.

En outre, nous avons précisé les délais de dépôt des agendas, soit dans les douze mois suivant la publication des ordonnances. Je le réaffirme ici : la commission des affaires sociale a adopté cet amendement afin de ne pas permettre de dépôt tardif d’agenda. Le Gouvernement ayant rappelé qu’il s’agira d’une formalité très simple, il n’y a aucune raison de renouveler les erreurs de 2005 en laissant courir les délais, en permettant à ceux qui le peuvent d’acheter des mois ou des années supplémentaires en payant une amende. Nous ne souhaitons pas autoriser de dépôt au-delà des douze mois. Je rappelle que ce fut l’un des apports principaux de notre débat à l’Assemblée nationale et que nous serons extrêmement vigilants sur l’application de ce dispositif.

Constatant que l’une des raisons de l’échec de la loi de 2005 tenait à l’absence de rendez-vous d’étape, nous avons adopté un amendement prévoyant des formalités de suivi à mi-période pour les Ad’AP les plus longs. Cette mesure ne vise donc que les ERP de grande taille. En effet, dans l’esprit du texte, la plupart des petits ERP devraient se voir accorder des agendas d’un an ou deux, correspondant à des travaux souvent légers. Pour les travaux plus conséquents, il serait bien sûr souhaitable qu’un outil d’aide à la décision en cas de demande de dérogation pour disproportion manifeste permette d’envisager deux scénarios : celui d’une mise en accessibilité totale et celui d’une mise en accessibilité partielle en cas de contraintes financières insurmontables, refusant donc le principe du tout ou rien.

De même, à l’article 2, nous avons prévu que les schémas directeurs d’accessibilité Ad’AP, spécifiques aux transports, seront déposés au plus tard dans les douze mois suivant la publication des ordonnances. Là encore, il ne peut y avoir de dérogation à cette volonté forte du législateur.

À l’article 3, nous avons souhaité apporter des précisions sur la gouvernance du fonds qui sera créé afin de recueillir le produit des sanctions financières liées aux Ad’AP. Il s’agit de garantir la représentation des acteurs publics et privés ainsi que des représentants des associations.

Nos discussions ont également mis en lumière la nécessité de mieux formuler l’alinéa relatif à la circulation des chiens-guides d’aveugles, qui, en l’état initial, semblait relativement ambiguë.

Les 10 et 11 juin, l’examen en séance du projet de loi nous a donné l’occasion d’enrichir encore le texte. Nous avons ainsi invité le Gouvernement à profiter de la mise en place des Ad’AP pour clarifier la répartition des rôles dans la mise en accessibilité entre le propriétaire et l’exploitant d’un ERP. En outre, nous avons souhaité, par voie d’amendement, qu’il étudie selon quelles modalités les établissements publics de coopération intercommunale pourraient se substituer aux petites communes pour l’établissement des plans de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics. De plus, les dispositions relatives à la composition des commissions communales et intercommunales pour l’accessibilité aux personnes handicapées ont été modifiées afin de tenir compte de tous les acteurs concernés.

Sur amendement du Gouvernement, à la suite de vos demandes précises, mes chers collègues, la rédaction de l’alinéa 5 de l’article 3 portant sur les chiens-guides d’aveugles et les chiens d’assistance a été clarifiée. En outre, a été introduite l’obligation de formation ou de sensibilisation à la question du handicap des personnels en contact avec le public.

En commission comme en séance, je me suis réjoui de l’investissement de nombre d’entre vous. S’il s’agit d’un projet de loi d’habilitation, nous avons largement précisé la volonté du législateur.

Réunis en CMP le 17 juin 2014, nous avons adopté un certain nombre d’amendements de forme tendant à clarifier la rédaction et à mieux expliciter encore la volonté du législateur. Les modifications retenues ont notamment eu trait à la précision de la répartition des rôles en matière de mise en accessibilité dans les baux d’ERP, aux seuils au-dessous desquels les plans de mise en accessibilité seront facultatifs ou allégés – facultatifs jusqu’à 500 habitants, ils pourront être circonscrits aux voies les plus fréquentées jusqu’à 1 000 habitants –, à la dénomination des commissions communales et intercommunales pour l’accessibilité aux personnes handicapées.

C’est le texte ainsi modifié qui est aujourd’hui soumis à votre vote. Les sénateurs l’ont adopté le 24 juin dernier, et il nous revient de parachever ce processus parlementaire au cours duquel, je le répète, notre assemblée aura joué un rôle d’enrichissement du texte dont elle peut s’honorer.

Vous le savez, madame la secrétaire d’État, les parlementaires n’aiment pas se dessaisir de leurs prérogatives au bénéfice d’ordonnances. Dès lors, le respect de la volonté du législateur sera la condition qui permettra de ne pas recommettre les erreurs de la loi de 2005 et d’assurer l’accessibilité réelle tout en montrant l’attachement du Gouvernement – ce dont je ne doute pas – au travail effectué par les parlementaires et à la volonté qu’ils ont ainsi affirmée.

Mes chers collègues, au moment où nous allons nous prononcer définitivement sur ce texte, je forme le voeu que notre vote envoie un signal fort à l’ensemble de la nation. Il s’agit de rappeler à chacun qu’il est directement concerné par l’accessibilité, que celle-ci n’est pas seulement une question concernant les personnes handicapées car nous en seront tous bénéficiaires à un moment où un autre de notre vie. Il s’agit également d’affirmer que ce texte recherche avant tout l’harmonie sociale, que celle-ci repose non pas sur le contentieux mais sur l’adhésion à la loi et sur son application, et de souligner que l’État et les services publics ont en la matière un devoir d’exemplarité.

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