Intervention de Claude Mandil

Réunion du 25 juin 2014 à 9h00
Commission des affaires étrangères

Claude Mandil :

Le sujet étant vaste, je vais concentrer mon propos sur le marché de l'électricité. Je partage votre constat alarmant car les résultats que nous avons obtenus sont le contraire de ce qui était espéré.

On avait dit – je le pensais aussi lorsque j'étais directeur général de l'énergie – que les prix allaient baisser grâce à l'établissement d'une concurrence européenne ; or, les prix payés par les consommateurs ne cessent d'augmenter. On avait dit aussi qu'un marché concurrentiel allait permettre le développement des investissements. Mais le niveau de ceux-ci n'a jamais été aussi bas, car les prix de gros sont en revanche très faibles, ce qui décourage l'investissement. On constate la fermeture de centrales à gaz, alors même qu'elles sont nécessaires pour pallier l'intermittence des énergies renouvelables.

De même, on espérait que la sécurité énergétique allait être plus grande. Or, elle ne cesse de se détériorer, le problème principal n'étant d'ailleurs pas la sécurité des approvisionnements – si on pense par exemple à la question du gaz russe –, mais l'instabilité du réseau.

On pensait enfin que les émissions de CO2 allaient baisser. Or, elles augmentent car le développement de la production de gaz de schiste aux Etats-Unis conduit à l'exportation du charbon américain vers l'Europe.

De tels résultats mettent en cause la crédibilité de la politique européenne de l'énergie.

Il convient de ne pas se tromper sur le diagnostic des raisons de cette situation. Elle résulte des contradictions entre les différentes politiques européennes. Les décisions prises par l'Union vont en effet dans des sens contradictoires. On a ainsi décidé de créer un marché intérieur de l'électricité, mais, juste après – pour des raisons politiques parfaitement compréhensibles –, on a établi l'objectif « trois fois vingt », qui est contradictoire avec l'idée de marché unifié. En effet, se fixer un objectif en termes d'énergies renouvelables, qui sont les plus chères, impliquait un accès prioritaire au réseau et un prix d'achat artificiel pour ces énergies, ce qui va à l'encontre du fonctionnement d'un marché. C'est comme si l'on disait qu'il existe un marché de l'automobile, mais que les voitures d'une marque y sont prioritaires et bénéficient d'une prime…

Ce mode de fonctionnement explique que les prix de gros de l'électricité soient bas, car le prix de rachat garanti pour les énergies renouvelables a conduit à des investissements massifs dans ce secteur et donc une production souvent surabondante. Et le coût de ce dispositif étant financé par un prélèvement sur la facture des consommateurs finaux, le prix que paient ces derniers est en revanche élevé.

La situation a été aggravée par l'effondrement du marché des permis d'émission de CO2. Cet effondrement est la conséquence de la crise économique de 2008-2009, mais aussi du fait que l'Union européenne a mis en place ce marché sans se doter d'instruments de gestion. C'est en conséquence le seul grand marché public mondial qui ne soit pas doté d'une autorité de gestion. Quand il s'est effondré, il n'y avait donc aucun instrument permettant d'essayer de le sauvegarder.

Que faut-il faire ? Je pense qu'il faut conserver le principe d'un marché intérieur unifié. Le système des permis d'émission peut également fonctionner s'il n'est pas soumis à d'autres contraintes. Nous ne devrions soumettre le marché de l'énergie qu'à la contrainte des émissions de CO2. Pour le reste, on peut bien sûr se fixer des objectifs politiques, mais pas plus.

Par ailleurs, les coûts doivent être au centre du système. Actuellement, les énergies renouvelables ne paient pas réellement les coûts qu'elles entrainent (coût de raccordement, coût de l'intermittence) et bénéficient de prix garantis. Le tarif de rachat doit être supprimé. Je ne suis d'ailleurs pas seul à avoir cette idée, qui circule beaucoup actuellement. Cette évolution n'interdirait pas de continuer à aider les énergies renouvelables qui ont de l'avenir telles que l'énergie photovoltaïque.

Enfin, l'Europe doit se doter d'une autorité de gestion du marché des permis d'émission de CO2.

J'aurais aussi quelques mots à dire sur la sécurité de l'approvisionnement gazier ou encore la solidarité entre les Etats membres, mais j'y reviendrai en répondant à vos questions.

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