Intervention de Olivier Carré

Séance en hémicycle du 9 juillet 2014 à 15h00
Débat d'orientation sur les finances publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Carré :

Cependant, quand on y regarde de près, j’ai quelques doutes sur certaines coupes drastiques, et notamment celles pesant sur les collectivités territoriales. En ce moment, elles font leurs comptes. À Lyon, le maire et président de l’agglomération a annoncé qu’il allait baisser de moitié son programme d’investissement. À Strasbourg, c’est la même chose. À Orléans, nous allons, à l’échelle de l’agglomération, diminuer dans les mêmes proportions le niveau de nos investissements.

Pourquoi ? Tout simplement parce que la baisse des dotations de l’État affecte directement l’auto-financement de ces mêmes collectivités, lesquelles ont déjà supporté toute une série de charges qu’elles ont dû absorber cette année, fruit de décisions prises non par elles mais par l’État.

Baisse de l’autofinancement, baisse de la capacité d’emprunt, et donc baisse des investissements. Dois-je rappeler que l’investissement des collectivités représente 50 milliards d’euros, soit les trois quarts de l’investissement public ? On va donc droit vers une diminution d’environ 20 milliards des dépenses d’investissement des collectivités locales, ce qui représente une baisse de 1 % de PIB de croissance structurelle pour 2015.

Souvenez-vous de l’efficacité du remboursement anticipé du FCTVA sur la croissance 2010-2011 ! Les proportions étaient mêmes : 10 milliards d’euros ont été injectés dans les collectivités locales, et l’effet a été immédiat sur leurs investissements. C’est dire que la baisse d’un quart de la dotation de l’État à ces mêmes collectivités va avoir un impact majeur sur des secteurs économiques très consommateurs de main-d’oeuvre. Et c’est d’autant plus paradoxal que le Gouvernement pousse l’Europe à investir dans les territoires. Comprenne qui pourra !

Ma troisième inquiétude porte sur la dette. Elle dépassera 100 % du PIB au plus tard au premier trimestre 2015. Aussi vivons-nous une époque paradoxale : les banques centrales émettent beaucoup de monnaie, et, devant, de concert avec les acteurs institutionnels, constituer des réserves en euros, elles cherchent des emprunteurs importants. Parmi eux, seule la France émet plus de dette qu’elle n’en rembourse. Cette situation constitue pour les investisseurs une aubaine. C’est pour nous, évidemment, un piège.

Un piège terrible, pour notre futur et pour notre situation budgétaire à venir. Pour la première fois depuis vingt-six mois, dans la situation budgétaire de la France pour le mois de mai, le paiement des intérêts progresse. Il avait régulièrement baissé lors des mois précédents. Il s’agit donc d’un point d’inflexion de la baisse de la charge de la dette à l’intérieur de nos propres comptes, alors même que les taux d’intérêt sont particulièrement favorables, puisque nous avons atteint des niveaux historiquement bas. Nous avons donc accru notre vulnérabilité, et nous pourrions le payer très cher.

Pour conclure, l’élaboration du budget pour 2015 va être périlleuse. De nombreuses hausses de recettes justifiées par le lancement du CICE sont déjà encaissées à un niveau plus faible qu’attendu alors que le versement aux entreprises, qui a démarré en 2014, va progresser de 50 % en 2015. On ne voit pas à l’horizon un redémarrage de la croissance, notamment pour les raisons que j’ai indiquées en préambule. Les orientations que le Gouvernement a esquissées ne peuvent être réalistes que si, en même temps, il donne aux acteurs économiques les moyens de s’adapter, aux collectivités territoriales et aux entreprises plus de liberté, et plus de souplesse au marché du travail ainsi qu’au secteur du logement.

Bref, les orientations budgétaires telles que vous les présentez aujourd’hui ne peuvent s’envisager que dans un cadre beaucoup plus général de réforme structurelle du pays. Je vous souhaite donc bon courage !

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