Intervention de Pierre Lévy

Réunion du 9 juillet 2014 à 10h00
Commission des affaires étrangères

Pierre Lévy, directeur de l'Union européenne au ministère des affaires étrangères et du développement international :

Les accords d'association d'une part, l'union douanière eurasiatique – qui rassemble la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan – d'autre part sont d'inspiration très différente. Le projet russe a une finalité politique : il a été imaginé en 2010 en réponse, précisément, à la création par le sommet de Prague, en 2009, du Partenariat oriental avec ses accords d'association. Le projet européen est fondé sur des accords de libre-échange. Il y a donc d'un côté une logique politique, de l'autre une logique économique. De plus, les constructions sont elles-mêmes très différentes : outre que le poids de la Russie dans l'union douanière eurasiatique est considérable, les autres pays qui en sont membres doivent aligner leurs tarifs douaniers sur ceux de la Russie, ce qui a provoqué une très forte hausse des tarifs biélorusses et kazakhs. Pourtant, il y a des points de contact possibles entre les deux entités, puisqu'il n'y a pas d'incompatibilité théorique entre être partie à un accord commercial avec l'Union européenne et adhérer à un autre accord commercial. Le problème est qu'il faut conserver la souveraineté en matière de politique commerciale, ce que la participation à l'union douanière ne permet pas.

Nous souhaitons expliquer sans relâche à la Russie que les arguments qu'elle avance sont infondés. Moscou avance par exemple que l'accord d'association aura pour effet que des produits européens pénétreront en Russie déguisés en produits ukrainiens ; or, cela dépend du degré de transformation de ces produits. La Russie dit aussi que l'accord aura pour conséquence un effet d'éviction des produits russes en Ukraine. Mais c'est de concurrence qu'il s'agit, et nous n'exportons pas les mêmes produits. Un important travail de pédagogie est nécessaire pour apaiser les inquiétudes russes. Il faut aussi replacer l'accord d'association dans une approche plus globale, celle d'un espace européen allant de l'Atlantique à l'Oural et qui bénéficierait à tous. C'est un travail de longue haleine, mais il y a dans les arguments russes bien des prétextes à démonter.

Vous nous avez interrogés sur l'ambiguïté fondatrice du Partenariat oriental, nous demandant combien de temps nous pourrions tenir la ligne que nous nous sommes fixé. Pour la France, c'est une ligne rouge absolue et nous nous battons à chaque instant pour qu'elle soit respectée. Le contexte est plus favorable qu'il ne l'était : certains États membres, tels le Royaume Uni et l'Allemagne, qui étaient, un temps, très favorables à l'élargissement, le sont beaucoup moins maintenant, et d'autres se rendent compte que ce pourrait être contre-productif. Nous ne sous-estimons cependant pas la difficulté et je me garderais de spéculer sur ce qu'il en sera à long terme. Il est vrai aussi que la Russie dispose de moyens de pression considérables puisqu'elle accueille un très grand nombre de travailleurs étrangers. C'est un des paramètres dont nous devons tenir compte pour ne pas déstabiliser les pays considérés.

Le président Porochenko a annoncé la tenue d'élections en octobre pour pouvoir ensuite faire adopter une nouvelle Constitution qui confèrerait une plus grande autonomie aux régions, dans le respect de l'intégrité territoriale de l'Ukraine. Cette évolution est importante pour trouver une solution politique. Pour ce qui est de l'annexion de la bande de terre adjacente à la Crimée, je ne pense pas que la Russie y ait intérêt. Une situation s'est établie en Crimée et un certain degré de déstabilisation à l'Est est destiné à entretenir la tension jusqu'aux élections. Notre tâche est de favoriser la désescalade de manière qu'un cessez-le-feu soit signé dans les prochains jours.

J'ai lu les déclarations russes à ce sujet, monsieur Myard, mais je n'ai aucune information sur un lien éventuel entre la situation de la BNP et la livraison des Mistral.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion