Intervention de Gilles Carrez

Séance en hémicycle du 19 novembre 2012 à 17h00
Programmation et gouvernance des finances publiques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, je commencerai par rappeler quelques éléments de droit.

D'abord, cette loi organique a pour origine le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire. Ce traité a été négocié, vous le savez, au début de l'année 2012. Il a récemment été approuvé par le Parlement. La loi autorisant sa ratification a déjà été promulguée. Le traité a été approuvé par le Parlement dans les termes exacts selon lesquels il avait été négocié et signé en mars dernier. L'article 3, en particulier, définit les conditions du retour progressif des États signataires à l'équilibre budgétaire. Ce retour, vous le savez, est prévu dans le cadre des programmes de stabilité, avec un objectif fixé en fonction non du simple solde budgétaire, mais du solde structurel. Cet objectif d'équilibre est fixé à terme à 0,5 % du PIB.

La loi organique que nous examinons à nouveau après son adoption par la commission mixte paritaire n'est que la transposition en droit interne français des différentes contraintes prévues par le traité, et notamment son article 3. Dans sa décision du 9 août dernier, le Conseil constitutionnel, saisi de la conformité du traité à la Constitution, a énoncé deux possibilités pour la transposition en droit français des contraintes prévues par le traité : la première consistait à réviser la Constitution pour y intégrer le dispositif prévu par le traité ; la seconde à reprendre les dispositions permanentes et contraignantes prévues par l'article 3 du traité dans une loi organique.

Le Gouvernement, c'est son droit, a choisi l'option de la loi organique, qu'il a donc fallu élaborer. Que ce soit au moment de rédaction du projet gouvernemental ou au cours des travaux de la commission spéciale, on a dû pour cela s'appuyer sur deux réformes conduites par la précédente majorité. La première est la révision de juillet 2008 qui a introduit dans notre Constitution le concept de loi de programmation pluriannuelle, lois dont il est indiqué qu'elles doivent « s'inscrire dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques ». La deuxième, votée en juillet 2011 – il y a un peu plus d'un an – à la fois à l'Assemblée nationale et au Sénat, était une réforme constitutionnelle qui n'a pu aboutir. Elle avait pour objectif de conférer aux lois de programmation pluriannuelles la primauté juridique sur les lois de finances et de financement de la Sécurité sociale, en particulier s'agissant de la trajectoire de retour progressif à l'équilibre.

Ainsi, vous le voyez, mes chers collègues, le traité de stabilité a été approuvé tel quel et la méthodologie de la loi organique est inspirée des travaux conduits sous la précédente majorité : il était donc naturel que, par souci de cohérence, l'opposition approuve la démarche qui a présidé à l'élaboration de la loi organique.

Nous avons donc voté ce texte en première lecture en lui apportant un certain nombre d'améliorations que je salue à nouveau. Je rends hommage au travail du rapporteur général de la commission des finances et au président de la commission des lois qui présidait la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi organique. Nos travaux ont porté principalement sur deux points.

Le premier concernait les moyens de faciliter le calcul du solde structurel à partir du solde effectif. Cette question passionnera les économistes que nous sommes tous d'une manière ou d'une autre. Elle reste très complexe : il faudra sur ce point recourir à l'expertise du Haut conseil des finances publiques, institution paritaire.

Le second point consistait à renforcer le rôle du Haut conseil en y intégrant notamment le directeur général de l'INSEE. Il y a là un progrès sensible.

Quant à nos collègues du Sénat, qu'ont-ils fait ? Ils ont réalisé un travail très intéressant pour mieux prendre en compte les engagements hors bilan. Cette prise en compte doit se faire dans le cadre des lois de programmation pluriannuelles. Elle passe aussi par une modification de la loi organique relative aux lois de finances d'août 2001 permettant d'ajouter à chaque loi de finances initiale le suivi des engagements hors bilan. J'ai participé au cours de l'été 2000 aux travaux de la commission spéciale chargée d'examiner le texte qui allait devenir la LOLF. Nous n'avions pas à l'époque la même sensibilité à la question des engagements hors bilan, qu'il s'agisse des garanties d'emprunts, des baux emphytéotiques ou des partenariats public-privé – qui se sont développés depuis. Et ce sont là de bonnes mesures.

Mais, puisque j'ai été positif à l'égard de ces apports du Sénat, permettez-moi d'être beaucoup plus critique sur certains ajouts que je juge contestables, d'où mon profond regret que notre assemblée ne se soit pas, en l'espèce, montrée plus combative en commission mixte paritaire.

D'abord, toute une série de considérations, de digressions qui relèvent plus de la littérature, certains diraient du bavardage, vont inutilement encombrer cette loi organique. J'ai senti à quel point le président de la commission des lois et de la commission mixte était solidaire et malheureux. Hélas, pour des raisons qui m'échappent encore, nous n'avons pas pu faire la chasse à ces scories, ce qui est dommage. En effet, une loi organique est d'essence supérieure aux lois ordinaires. Le travail sur la loi organique de 2001 a été si remarquable que, lorsque vous vous posez une question et que vous vous reportez à tel ou tel article, vous vous dites que c'était de la belle ouvrage. Il n'y a pas un mot inutile et on y trouve les réponses. Quand nos successeurs examineront la présente loi organique, je crains, malheureusement, qu'ils ne portent pas un jugement aussi positif.

Il y a également la question de la parité. Je suis totalement favorable à la parité. Mais, honnêtement, avouez que ce n'est pas du bon travail que d'inventer, dans ce cadre – et c'est une première ! – une sorte de procédure baroque selon laquelle, par le biais d'un décret en Conseil d'État, sera organisé un tirage au sort entre les autorités compétentes que sont le président de l'Assemblée nationale, celui du Sénat et les présidents des commissions des finances des deux assemblées – chacune ne pouvant nommer qu'un membre – pour savoir laquelle de ces quatre autorités désignera, en premier, l'homme ou la femme ! Christophe Caresche avait proposé une formule parfaitement sage qui aurait pu rallier tous les suffrages et qui, je le regrette, n'a pas été adoptée.

La forme m'a aussi choqué. Les commissions mixtes paritaires sur les lois de finances, et a fortiori sur les lois organiques, ont de l'importance et nous essayons d'y travailler avec sérieux. Qu'ai-je observé ? Le sénateur, auteur de cette « percée conceptuelle », selon vous madame Karamanli, est arrivé avec trois-quarts d'heure de retard, alors que nous allions aborder l'article 8. Tout autre point du texte lui était totalement indifférent. Il n'a parlé que de l'article 8. À peine a-t-il eu satisfaction, grâce à notre faiblesse un peu coupable, qu'il repartait ! Nous aurions pu attendre de sa part un peu de gratitude ! Pas du tout ! J'ai lu avec intérêt les déclarations à la presse qu'il a faites dès le lendemain et je trouve que c'est cher payé.

Nous avons fait du mauvais travail pour des raisons totalement étrangères au fond des lois de finances. Je tenais absolument à le souligner, car je peux affirmer, moi qui participé à tant de commissions mixtes paritaires, que nous avons toujours essayé de faire du bon travail. J'ai, par conséquent, éprouvé un certain malaise. J'espère que cela ne se reproduira pas. Les lois de finances comme les textes traités par la commission des lois sont des choses sérieuses. Le législateur doit travailler avec un minimum de recul face à telle ou telle préoccupation conjoncturelle.

J'ajouterai un dernier mot. Le Gouvernement a fait le choix de la loi organique, ce que je comprends d'ailleurs parfaitement. Mais nous devons être bien conscients que ce n'est pas parce que c'est une loi organique que, comme l'a laissé entendre M. Moscovici, les contraintes seraient moins fortes. En fait, et vous avez eu raison de le souligner, monsieur Charroux, les contraintes de l'article 3 du traité sont très importantes, s'agissant, en particulier, des mécanismes de correction automatique. Nous devons en être bien conscients. Nous traduisons en droit interne le traité par le biais de la loi organique, mais, en le signant, nous avons accepté des contraintes fortes.

Cependant, contrairement à vous, monsieur Charroux, je crois sincèrement que le fait que nous devions faire face à des déséquilibres aussi constants et massifs de nos finances publiques et que notre endettement atteigne aujourd'hui des sommets – quelque 90 % du PIB – est un facteur de fragilité et de vulnérabilité par rapport à la croissance. Nous devons procéder très progressivement pour équilibrer les comptes publics. Nous devons prendre le temps nécessaire, j'en suis d'accord. Toutefois, équilibrer les comptes publics est compatible avec le retour de la croissance, et même nécessaire pour en retrouver le chemin.

Vous l'avez compris, mes chers collègues, le groupe UMP, totalement unanime, car il ne manquera pas une voix (Sourires), votera cette loi organique.

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