Intervention de Karine Berger

Séance en hémicycle du 19 novembre 2012 à 17h00
Programmation et gouvernance des finances publiques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaKarine Berger :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames, messieurs, la commission mixte paritaire s'est accordée sur le projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. Deux éléments de cet accord doivent être particulièrement mis en lumière : d'une part la volonté des deux assemblées d'obtenir toujours plus de transparence dans la décision de finance publique et, d'autre part, la volonté d'ouvrir la porte à la parité hommes-femmes de l'un des derniers bastions frileux face à cette évolution.

La transparence d'abord.

Tous les membres de la CMP ont souligné le pas en avant en matière de transparence de la décision publique sur les finances publiques permis par ce texte. Les arbitrages budgétaires doivent, bien sûr, rester du ressort de la représentation nationale, mais ils doivent, dans le même temps, intervenir dans un cadre réaliste, donc être validés par l'analyse économique. Toute question économique peut être soumise au débat public, car ses conséquences sont toujours politiques et sociales. L'objectif est de rendre ce choix explicite, d'informer ce que l'on perd et ce que l'on gagne lors de la mise en oeuvre de telle ou telle mesure, de pointer le moment où le débat passe de l'analyse économique au choix politique. Et c'est bien cela, cette imbrication entre l'économie telle qu'elle fonctionne et la politique telle qu'elle l'influence, qui est organisé par ce projet de loi organique.

Deux éléments paraissent particulièrement utiles : l'obligation de valider les hypothèses et les méthodes retenues pour établir la programmation, article 5, et le mode de calcul du solde structurel, article 1er.

La polémique sur les prévisions de croissance macroéconomiques est devenue un marronnier du débat budgétaire. Gageons que, si aucune structure n'était prévue pour canaliser le débat technique sur le solde de déficit structurel, ce dernier deviendrait à son tour un marronnier du débat de l'automne.

Il n'est pas évident, monsieur Carrez, que le calcul du déficit structurel soit totalement orthogonal aux présupposés politiques mais, puisque nous avons choisi d'être plus intelligents collectivement en assumant un suivi du déficit structurel et non pas du déficit global, un accord a minima doit être trouvé pour éviter une cacophonie technique sur le sujet. C'est la raison pour laquelle nous créons le Haut conseil des finances publiques. Il y aura transparence sur les prévisions macroéconomiques et sur le calcul du solde structurel. C'est un accord que je tiens à saluer.

Second élément principal du débat en commission mixte paritaire : la parité.

La CMP a abouti à un accord sur l'article 8, au grand dam du président de la commission des finances, un accord instituant la parité hommes-femmes au sein du Haut conseil de finances publiques.

Je tiens d'abord à saluer le travail remarquable du Sénat, à l'origine de cette proposition. Cela montre que le travail précis et peut-être plus paisible réalisé par la commission des finances du Sénat sur les textes est particulièrement précieux. Cette utilité serait d'ailleurs mieux reconnue si, au Sénat, la majorité soutenait les textes soumis par le Gouvernement, mais tel n'est pas l'objet du débat d'aujourd'hui.

Toujours est-il que les sénateurs avaient proposé la parité pour deux postes sur quatre. Corneille écrivait que « c'est n'aimer qu'à demi qu'aimer avec réserve ». La CMP a sans doute voulu montrer qu'elle aimait sans réserve la parité puisqu'elle l'a étendue à la totalité des postes. Nous devons nous en réjouir particulièrement.

Je trouve regrettable, monsieur Carrez, que vous dénonciez le côté baroque du tirage au sort lorsqu'il s'agit de la parité alors que cette procédure ne vous choque pas lorsqu'il s'agit de fixer la durée des mandats respectifs des membres du Haut conseil des finances publiques.

En tout cas, que cela nous plaise ou non, il existe des règles du jeu des pouvoirs, du pouvoir politique, du pouvoir financier, du pouvoir économique, il existe des contextes de pouvoir, des états de fait modelés par des années de répétition. Dans la sphère de la représentation politique, ces règles du jeu, l'attitude des hommes et celle des forces au pouvoir ainsi que les mouvements de l'opinion ont maintenu pendant de très longues années les femmes dans un statut d'exception et d'alibi. Ainsi, elles ne sont que sept à avoir connu l'expérience du gouvernement entre 1946 et 1974, dont une seule en tant que ministre.

Nous avons changé ces règles du jeu, cet état de fait, par la force de la loi, en modifiant la Constitution il y a quelques années, car, parfois, pour faire sauter des représentations établies, des règles du jeu non dites, il faut en passer par là.

Les murailles de verre que nous avons commencé à faire bouger dans la sphère de la représentation politique ne sont même pas reconnues comme telles dans les sphères économique, scientifique et financière. Il suffit de voir aujourd'hui même le board de la Banque centrale européenne ou les directions des entreprises du CAC 40, il suffit de constater que, dans les grandes écoles scientifiques, le pourcentage de filles est toujours le même qu'au début des années 90.

Bref, les représentations, les états de fait ont la vie dure. À un certain niveau de responsabilité, ce qu'une personne est capable de réaliser est cent fois, mille fois moins important que le fait de savoir par qui cette personne est soutenue, reconnue ou parrainée.

Changer la vie, c'est changer les représentations du pouvoir en place dans la tête de nos concitoyens. Changer le monde, c'est d'abord changer son image établie par des siècles de pratiques. À notre modeste échelle, nous avons changé un petit bout du logiciel de représentation du pouvoir économique en France. Je m'en réjouis. Nous pouvons en être fiers et j'espère, monsieur Carrez, que je vous aurai convaincu. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

1 commentaire :

Le 30/11/2012 à 18:26, Joël Meynet a dit :

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Superbe intervention, argumentée.....mais je ne suis par certain de son efficacité sur Mr Carrez. Les pratiques et les habitudes sont résistantes et effectivement parfois il faut en passer par la loi pour faire bouger ce monde.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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