Intervention de Michel Issindou

Séance en hémicycle du 20 novembre 2014 à 21h30
Désignation des conseillers prud'hommes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Issindou :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mes chers collègues, le projet de loi d’habilitation qui nous est présenté aujourd’hui comporte deux articles et vise à moderniser le mode de désignation des conseillers prud’homaux.

Le premier vise à autoriser le Gouvernement à prendre, par ordonnance, les mesures nécessaires pour transformer l’élection des conseillers prud’homaux en un mode de désignation fondé sur la représentativité syndicale et patronale, telle qu’elle est issue de la loi de 2008 pour la représentation syndicale et de la loi du 5 mars 2014 pour la représentation patronale.

Cela induit l’article 2, qui proroge de deux ans les mandats des conseillers prud’homaux actuels, soit jusqu’au 31 décembre 2017. Je veux remercier ici les quelque 14 500 conseillers prud’homaux de notre pays, qui oeuvrent au quotidien pour vérifier l’application du droit du travail et qui connaissent la réalité du monde du travail. Ils oeuvrent dans des conditions difficiles et subissent notamment des contraintes de délais, que notre collègue Alain Tourret a rappelées.

Cette institution, que l’on peut faire remonter au début du Moyen Âge, a été instituée officiellement en 1806 par Napoléon Ier, puis a été profondément réformée par la loi Boulin de 1979. Le conseil de prud’hommes a compétence exclusive pour juger des litiges individuels nés à l’occasion d’un contrat de travail. Il occupe une place tout à fait atypique dans l’ordre judiciaire français, car il s’agit d’une juridiction à la fois partiaire et élue. Je me félicite d’ailleurs que l’article 1er rappelle à la fois l’indépendance et l’impartialité de cette juridiction, mais surtout son caractère paritaire, qui est essentiel.

Cette institution se trouve aujourd’hui à un véritable carrefour. En effet, comme M. le ministre et Mme la rapporteure l’ont rappelé, le taux d’abstention n’a cessé de croître depuis plus de trente ans, pour atteindre le taux sidérant de 74 % en 2008. Ce qui est particulièrement frappant, c’est que ce taux d’abstention est en augmentation constante. Même si Alain Tourret a fait un parallèle avec quelques élections cantonales partielles, jamais de tels niveaux d’abstention n’ont été constatés à cette occasion.

En dépit des efforts constants qui ont été faits pour rapprocher les bureaux de vote des entreprises ou pour les accueillir dans les mairies, en dépit de la publicité qui a été faite par le biais de différents médias, seuls 4,7 millions de salariés, ce qui est peu, ont voté en 2008, ce qui affaiblit malgré tout, qu’on le veuille ou non, la légitimité de cette institution prud’homale.

L’argument du coût de l’élection a, lui aussi, été souvent avancé : même s’il n’est pas décisif, il est vrai que cette réforme représenterait une économie de 100 millions d’euros, lesquels pourraient utilement servir à d’autres missions. Mais ce n’est pas la question du coût qui peut, à elle seule, justifier la réforme, comme d’aucuns l’ont rappelé.

Ce qui importe, c’est qu’il existe déjà un moyen de vérifier l’audience et la représentativité : ce sont les élections professionnelles, encadrées par les lois de 2008 pour les salariés et de 2014 pour les organisations patronales. Puisque nous disposons d’un système fiable et reconnu comme tel pour assurer la représentativité des uns et des autres, pourquoi ne pas nous appuyer sur lui ?

Parmi les différents scénarios d’évolution du rapport Richard de mai 2010, le recours à un système de désignation des conseillers par les organisations syndicales selon leur représentativité avait été proposé. Et c’est l’option qu’a retenue le Gouvernement. J’entends déjà les détracteurs de cette réforme – ils ne vont pas tarder à s’exprimer – nous dire que ce mode de désignation poserait des difficultés techniques et serait juridiquement contestable au regard du principe constitutionnel d’égal accès aux charges publiques.

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