Intervention de Kheira Bouziane-Laroussi

Séance en hémicycle du 20 novembre 2014 à 21h30
Désignation des conseillers prud'hommes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaKheira Bouziane-Laroussi :

Monsieur le ministre, je ne reviendrai pas, cela a déjà été évoqué par mes collègues, sur l’usage des ordonnances qui limite le débat parlementaire. J’aimerais surtout insister sur les raisons avancées pour modifier la désignation des conseillers prud’homaux et justifier la suppression d’une élection démocratique qui concerne 19 millions de salariés.

Cinq organisations syndicales, dont quatre représentatives au plan national, se sont déclarées opposées à la suppression des élections prud’homales. Et toutes attendent des garanties.

Il me paraît normal de s’interroger sur une institution deux fois centenaire, mais il est encore plus important de trouver des solutions qui sauvegardent son esprit.

Celle qui consiste à ne plus organiser d’élection au prétexte d’un fort taux d’abstention est-elle la meilleure ? Cette solution ne touche-t-elle pas à une question hautement symbolique – mon collègue Tourret a parlé de « vache sacrée » ?

L’élection prud’homale est l’élection qui, la première, a permis aux femmes de voter en 1907, vous l’avez rappelé, monsieur le ministre. L’élection prud’homale est l’une des rares élections qui permet aux étrangers travaillant et vivant sur notre territoire d’y participer. N’y voyez aucune référence à l’engagement 50 de la campagne présidentielle.

C’est aussi l’élection qui permet aux retraités, aux demandeurs d’emploi, de désigner leurs juges prud’homaux au suffrage universel direct.

Enfin, n’est-il pas dangereux pour la démocratie de créer un précédent en supprimant purement et simplement une élection en raison du taux d’abstention ?

Le rapport fait état d’innovations pour le scrutin de 2008 pour parfaire l’organisation des dernières élections. Mme la rapporteure estime que les efforts menés par les pouvoirs publics sont infructueux en la matière. Je ne partage pas l’appréciation des effets qui en a été faite. J’y vois des évolutions positives qu’il aurait fallu poursuivre.

En effet, la simplification des règles avait permis d’améliorer la liste électorale et entraîné l’augmentation de deux millions d’inscriptions dans le collège salarié par rapport à 2002 ; 600 000 électeurs supplémentaires ont voté par correspondance et le vote en ligne a été utilisé par un tiers des Parisiens.

Quant à l’évaluation de l’impact de la campagne d’information et de communication, elle démontre qu’elle a touché 77 % des personnes interrogées et a été appréciée par 72 % d’entre elles.

Alors, qu’avons-nous fait depuis pour amplifier le mouvement ? Pourquoi n’avons-nous pas poursuivi dans cette voie en développant davantage l’information sur cette juridiction que nos concitoyens ne découvrent souvent que lorsqu’ils en ont besoin ? Pourquoi le vote électronique n’a-t-il pas été généralisé ? Ces préconisations figuraient également dans le rapport Richard dès 2010.

Ce projet de loi se justifie également par la complexité de l’organisation des élections pour les municipalités. C’est une réalité, mais face à la difficulté d’organisation de ces élections, d’autres solutions auraient pu être envisagées, tel le jumelage des élections prud’homales et des élections professionnelles.

Troisième argument, le coût financier important. Pourtant, en comparaison avec d’autres élections, celles-ci ne coûtent pas plus cher. Pourquoi n’a-t-on pas cherché des solutions pour le réduire, notamment, en partie, par le vote électronique ? Si la démocratie a un coût, nous devons le supporter, car la démocratie n’a pas de prix.

Dernière remarque sur la différence de la représentativité des partenaires : la question de la territorialité reste majeure, car l’implantation locale des partenaires peut varier. Il est important que les conseils des prud’hommes aient des juges proches des préoccupations des salariés et qu’ils connaissent le bassin d’emploi concerné.

Pour terminer, les conseils des prud’hommes, comme cela a déjà été dit, sont surchargés, en raison notamment de la fermeture du tiers d’entre eux, de la diminution de leurs moyens par l’ancienne majorité et du raccourcissement de la formation des conseillers. Les délais de procédure beaucoup trop longs ont entraîné à de nombreuses reprises la condamnation de l’État. Monsieur le ministre, si des économies doivent être réalisées par la suppression de ces élections, il me paraît indispensable qu’elles servent à une réelle amélioration des conditions de fonctionnement des conseils prud’homaux et à la formation des conseillers.

Oui, l’institution des prud’hommes est une vieille dame respectable, qui avait sûrement besoin d’être modernisée, actualisée, probablement rafraîchie, mais pas amputée de ce qui faisait sa spécificité : l’élection de ses conseillers au suffrage direct.

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