Intervention de Éric Woerth

Réunion du 14 janvier 2015 à 9h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour la croissance et l'activité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Woerth :

Effectivement, les postiers comme les notaires ont droit à notre respect. L'article 12 est à l'image du projet de loi tout entier : au mieux inutile, il recèle d'importants facteurs de fragilisation de la sécurité des actes juridiques – une sécurité constituant une spécificité française qui nous est enviée dans le monde entier. En quoi le fait de déréglementer partiellement la profession de notaire et les professions du droit peut-il servir la croissance ? J'ai, pour ma part, le sentiment que la réforme proposée ne saurait avoir qu'un impact extrêmement faible sur la croissance, et je déplore que l'on s'en tienne à évoquer des sujets anecdotiques à un moment où toutes les forces de la nation devraient être mobilisées pour relancer cette croissance.

En ce qui concerne la garde des Sceaux, la question n'est pas de savoir si elle devrait être là ou non, mais en quoi elle a participé à l'évolution de cette profession lors des discussions ayant eu lieu en amont. Je n'ai rien contre le fait que Bercy soit partout, mais encore faut-il que chaque ministère joue son rôle, et ce n'est certainement pas celui du ministère de l'économie que de fragiliser la sécurité juridique pour des raisons économiques peu évidentes. Les études notariales elles-mêmes sont actuellement fragilisées, et l'on en voit un peu partout en province procéder à des licenciements en raison de la conjugaison des crises économique et immobilière.

On n'a pas su prendre conscience du rôle joué par le notaire dans la société, et du fait que le secteur de l'activité notariale fait partie de ceux qui doivent échapper à la marchandisation – il est un peu paradoxal que cela soit dit par des libéraux, mais ce n'en est pas moins vrai. Certains éléments de souplesse existent déjà, notamment la possibilité de négocier les honoraires pour des actes très importants lorsque ceux-ci dépassent un certain seuil, mais ne perdons pas de vue que, dans le système actuel, les gros actes financent les petits, qui peuvent coûter très cher. Il serait très dangereux de remettre en cause ce système. Par ailleurs, n'oublions pas que le prix d'un acte est constitué d'une part de fiscalité, souvent plus importante que les honoraires eux-mêmes. Enfin, redisons qu'une partie du travail des notaires – celle relative aux conseils qu'ils peuvent donner à leurs clients – n'est pas rémunérée, ce qui participe encore de la sécurisation de nos concitoyens.

Pour toutes ces raisons, nous estimons qu'il n'est pas justifié de s'en prendre aux notaires. Si d'autres professions du droit, qu'il a été envisagé un temps de réformer aussi, ont finalement été épargnées, les professions médicales sont visées par le projet de loi sur la santé publique, et d'autres encore par une loi de simplification. Tout cela donne l'impression que le Gouvernement n'avait d'autre ambition que de s'en prendre à certaines professions pour limiter la croissance, tandis qu'à l'inverse, on en laisse d'autres tranquilles, alors qu'elles pourraient être soumises davantage au marché. Si certaines professions ont été réglementées, c'était à l'origine pour une bonne raison ; reste à savoir si elle est toujours valable. En l'occurrence, s'agissant des notaires, je pense qu'elle l'est toujours.

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