Intervention de Laurent Fabius

Réunion du 14 janvier 2015 à 16h00
Commission des affaires étrangères

Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international :

Monsieur Dufau, la France a lancé l'idée de la taxe Tobin au niveau européen, mais on n'arrive pas à se mettre d'accord sur son application, chacun plaidant pour son clocher. La proposition du Gouvernement est d'avoir une base plus large et une assiette très petite. J'espère que nous aboutirons, mais le milieu de la finance y est opposé.

S'agissant de l'Afrique, la France ne peut pas régler à elle seule tous les problèmes du continent. D'abord, nous n'en avons pas les moyens. Deuxièmement, on ne peut être solidaire à notre égard au niveau européen sans nous appuyer. Enfin, nous considérons que les Africains doivent de plus en plus assurer leur sécurité. Le Président de la République l'a encore redit cet après-midi.

Reste que la situation provoquée par Boko Haram est épouvantable et que nous avons quasiment chaque semaine des exactions qui par leur masse et leur cruauté dépassent ce que nous pouvons imaginer. Une réunion est prévue le 20 janvier à ce sujet et nous y consacrons un certain nombre de moyens. Nous aidons notamment nos amis du Cameroun et du Tchad. Nous essayons aussi de mobiliser la communauté internationale. Une élection est par ailleurs prévue au Nigéria et, pour le moment, la notion de khalifat reste circonscrite et il n'y a pas de lien organique entre Boko Haram et Daech notamment. En tout cas, nous ferons le maximum.

La question de la Libye, qui est dans une situation très dangereuse, doit aussi être réglée internationalement. Il est regrettable que notre intervention sur place n'ait pas donné lieu à un suivi. La leçon que l'on peut en tirer est qu'on peut aider, mais qu'on ne peut régler un conflit de ce type de l'extérieur, d'autant que si on s'installe, au bout d'un certain temps, on est considéré comme l'occupant local. Il ne suffit pas de lancer des bombes et de tuer le dictateur local. En outre, la Libye n'a jamais été un État et est constituée de tribus surarmées disposant d'une richesse considérable.

Sur la RCA, je ne suis pas si catastrophiste que vous, monsieur Terrot : les élections restent fixées au mois d'août et je n'ai pas d'informations selon lesquelles le territoire serait partagé. Nous venons en outre de décider de réduire le dispositif Sangaris.

S'agissant de la Syrie, nous pensons que si nous avons face à face, comme les deux termes de l'alternative, Daech et Bachar el-Assad, l'un et l'autre se renforceront et ce sera un désastre permanent pour ce pays. Si vous dites à un Syrien dont la famille a été massacrée par Bachar el-Assad, comme ce fut le cas de dizaines de milliers d'entre eux : la seule autre voie est d'aller avec Daech, on voit ce que cela donne. Il en est de même dans le cas inverse. Si la seule solution est politique, la question est de savoir avec qui on pourra la mettre en oeuvre. Nous discutons ainsi avec les Russes, de même qu'avec toutes les parties. On ne dira naturellement pas que Bachar el-Assad restera pour vingt-cinq ans, ni que toutes les personnes qui l'ont côtoyé de près ou de loin doivent être écartées – sinon on risquerait de se trouver dans la situation irakienne précédente. On essaie donc d'avoir un ensemble s'appuyant sur des personnes du régime et de l'opposition, dans lequel les communautés sont par principe respectées. Nous travaillons aussi avec les Nations Unies sur ce sujet. En tout cas, il ne faut pas renforcer Bachar el-Assad, qui n'aurait aucune raison de partir s'il a toutes les cartes en main. Nous apportons par conséquent notre soutien à l'opposition modérée et luttons contre Daech en évitant de renforcer ce dirigeant – faute de quoi on ne trouverait pas de solution pour le pays.

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