Intervention de Gilles Lurton

Séance en hémicycle du 26 janvier 2015 à 21h30
Croissance activité et égalité des chances économiques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Lurton :

Cette loi aurait dû être l’occasion de revenir sur cette disposition. Vous aviez là une véritable opportunité que vous n’avez pas su saisir. C’est une occasion manquée.

L’article 53 ter de votre texte a également retenu toute mon attention, en habilitant les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes – DGCCRF – à contrôler le respect des délais de paiement par les entreprises publiques. Trop de petites entreprises souffrent aujourd’hui dans nos circonscriptions de délais de paiement trop longs, notamment, monsieur le ministre, de la part des ministères eux-mêmes. Ces entreprises sont mises en difficultés de trésorerie, non parce qu’elles manquent de travail, mais tout simplement parce que leurs prestations ne leur sont réglées que très tardivement. Je vois dans cet article une solution susceptible de les soulager financièrement, en donnant aussi un pouvoir de sanction à la DGCCRF vis-à-vis d’entreprises publiques récalcitrantes.

Vous avez également accepté l’un de nos amendements relatif à la création d’une procédure simplifiée et déjudiciarisée visant à l’obtention rapide d’un titre exécutoire, lorsque la créance de nature contractuelle et d’un montant limité n’est pas contestée par le débiteur. En matière d’urbanisme, j’ai également apprécié votre volonté de prévoir des sanctions financières contre les auteurs de recours abusifs sur les permis de construire, recours qui n’ont d’autres objectifs que de bloquer ces permis.

Mais, si nous avons approuvé un grand nombre des mesures proposées, si nous avons participé de façon constructive à l’amélioration de votre texte sur de très nombreux points, nous ne pouvons cependant admettre votre volonté de réformer ce qui fonctionne bien, ce qui nous est souvent envié par de très nombreux pays, ce qui nous assure une sécurisation des actes juridiques, en nous évitant de nombreux contentieux judiciaires, ce qui, enfin, est créateur d’emploi et de richesses, alors que vous vous êtes montrés incapables d’inverser la courbe ascendante du nombre de demandeurs d’emploi depuis maintenant trois années : je veux bien sûr parler des professions réglementées.

Comme de nombreux collègues, monsieur le ministre, j’ai fait le choix, en plus de tenter d’assister, malgré la précipitation dans laquelle elles ont été menées, aux auditions des différents rapporteurs thématiques, de recevoir toutes les professions réglementées de ma circonscription de Saint-Malo. J’ai rencontré de jeunes notaires qui, tout en reconnaissant la bonne marche de leurs affaires, ont dû cependant emprunter pour faire leurs études. Ils ont acheté ensuite leur office à un prix qui a été déterminé sur la base d’un chiffre d’affaires réalisé en fonction d’un tarif. En voulant l’abaisser, vous les plongez dans la plus grande incertitude sur leurs capacités à rembourser leurs emprunts et à maintenir l’emploi dans leurs études.

Non, monsieur le ministre, la situation des études notariales de province, qui assurent le maillage de notre territoire, n’est pas forcément celle des grandes études parisiennes dans lesquelles vous trouvez souvent très peu de notaires, mais un très grand nombre de salariés. Ces études de province sont souvent de petites études qui assurent une fonction de conseil à la population. Elles doivent souvent faire face à un très grand nombre de petites affaires peu rémunératrices et elles se compensent sur un petit nombre de dossiers plus importants. Mes interlocuteurs m’ont montré la nécessité de pouvoir demeurer indépendants face à l’ouverture de leurs études à des capitaux privés. J’ai également rencontré de nombreux avocats inquiets quant à la pérennité de leurs barreaux. Ils m’ont appris le rôle et l’importance d’un avocat postulant dans le suivi de leurs affaires.

J’ai aussi rencontré des huissiers, des mandataires judiciaires, des commissaires-priseurs ; ils m’ont appris toutes les spécificités de leurs métiers, spécificités que vous avez d’ailleurs accepté de reconnaître en commission spéciale en excluant les mandataires judiciaires de la nouvelle profession de commissaire de justice. Je crains malheureusement, au vu des amendements du Gouvernement, que vous ne tentiez de revenir sur cette disposition.

Je me suis rendu au tribunal de commerce de ma circonscription et j’y ai rencontré des juges du commerce bénévoles, des greffiers de tribunaux de commerce meurtris d’être traités de cette façon. Qui mieux que les juges du commerce, souvent d’anciens entrepreneurs, connaît le monde de l’entreprise ? Qui mieux que les juges du commerce auront la volonté de tout mettre en oeuvre pour permettre à l’entreprise en difficulté de refaire surface et de préserver des emplois ? Faut-il vous rappeler, monsieur le ministre, que les jugements des tribunaux de commerce font rarement l’objet d’appel et que, au surplus, les arrêts des cours d’appel confirment généralement les jugements rendus en première instance, attestant ainsi du sérieux et de la pertinence du travail des juges consulaires et des greffiers des tribunaux de commerce qui les assistent ?

Enfin, je me suis enfin rendu à l’audience de rentrée du tribunal des prud’hommes. J’y ai trouvé des juges prud’homaux conscients de la nécessité de réformer leur système, partageant votre volonté d’instaurer une formation initiale et continue obligatoire, persuadés aussi, comme vous, de la nécessité de renforcer les prérogatives des conseils de prud’hommes en matière de conciliation et d’instaurer une procédure de mise en état des dossiers – procédure qui, au demeurant, existe déjà à Saint-Malo, ce qui montre bien que c’est possible dès aujourd’hui. Mais j’ai aussi vu ces juges prud’homaux en total désaccord avec votre proposition de renvoyer les dossiers de la conciliation au départage, en désaccord aussi avec la construction d’un circuit court qui permettrait au justiciable de voir son affaire jugée rapidement par un bureau de jugement en formation restreinte car ce ne serait rien d’autre que l’exclusion du juge prud’homal de la procédure. À Saint-Malo, le taux moyen de délai de traitement des dossiers est de huit mois. Certes, c’est encore trop long, j’en conviens, mais loin des quinze mois cités par le rapporteur général. Je veux croire que le délai à Saint-Malo n’est pas une exception, et il existe bien des raisons de faire confiance aux juges prud’homaux.

L’examen, article par article, de votre texte et les amendements très nombreux qui ont été déposés me permettront de revenir dans le détail sur tous ces aspects ainsi que d’aborder beaucoup d’autres points tels que le travail du dimanche pour lequel je vous ai montré en commission qu’avec un bon accord collectif – comme c’est le cas à Saint-Malo –, il est possible de trouver des solutions de compensation pleines et entières pour les salariés qui acceptent de travailler le dimanche.

Je souhaite que l’esprit constructif et la concertation qui a régné en commission spéciale restent la règle dans l’hémicycle. Vous pouvez compter sur ma contribution pleine et entière pour qu’il en soit ainsi et pour que nous puissions améliorer ce texte. En l’état actuel, je ne pourrai le voter.

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