Intervention de Christine Pires Beaune

Séance en hémicycle du 11 février 2015 à 15h00
Amélioration du régime de la commune nouvelle — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Pires Beaune, rapporteure de la commission mixte paritaire :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale, mes chers collègues, trois mois après l’examen en première lecture des propositions de loi identiques déposées par Jacques Pélissard et par les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen, je me réjouis de pouvoir vous présenter un texte sur lequel un consensus a pu rapidement se dégager, au sein de notre Assemblée comme au Sénat.

Il y avait en quelque sorte urgence, car cette proposition contient des dispositions qui seront applicables aux communes nouvelles dont le principe de création aura été validé avant le 31 décembre 2015 ; il importe donc de pouvoir fournir aux élus municipaux intéressés – et nous savons tous qu’ils sont nombreux – un cadre leur permettant de mettre en place dans les dix mois restants un projet de création d’une commune nouvelle.

Je rappellerai brièvement que si les 36 767 communes représentent la base de notre organisation territoriale, les trois quarts d’entre elles comptent moins de 1 000 habitants et ont parfois beaucoup de mal à entretenir leur patrimoine et, surtout, à proposer de réels services à la population.

Face à cet émiettement, le développement de l’intercommunalité a pallié le maintien de la carte communale héritée des paroisses de l’Ancien Régime, mais nous arrivons aux limites de l’intégration intercommunale. Même si les structures intercommunales ont permis de mettre en place des services à la population et des actions de développement inenvisageables à l’échelon d’une commune, la mutualisation des équipements et des moyens reste insuffisante. Il convient donc de renouer avec un mouvement de grande ampleur visant au rapprochement des communes, sur la base du volontariat et de l’expérience du travail en commun.

Rappelons les grands traits du régime de la commune nouvelle, mis en place par la loi du 16 décembre 2010. Pour relancer le rapprochement volontaire des communes, le législateur a tiré les leçons de l’échec de la loi dite « Marcellin ». Malgré les tentatives pour réaliser des fusions à grande échelle, le nombre de communes n’a diminué en soixante ans que de 5 %.

La loi du 16 décembre 2010 a remplacé ce dispositif des communes associées par celui de la commune nouvelle. Cette commune à statut particulier est créée en lieu et place des communes anciennes, sur la base d’un consensus local exprimé par les conseils municipaux. À défaut de cet accord unanime, la création ne peut être décidée qu’après consultation des électeurs. Tous les projets qui ont abouti à ce jour se sont réalisés sur la base de l’accord unanime des conseils municipaux.

En outre, le législateur a spécifiquement prévu la faculté pour des communes membres d’un même établissement public de coopération intercommunale – EPCI – à fiscalité propre, de se transformer en commune nouvelle. Dans ce cas, l’EPCI et ses communes membres fusionnent pour créer une seule commune nouvelle.

Si les anciennes communes ne forment plus de sections électorales, elles peuvent toutefois conserver une identité dans le cadre de la mise en place de communes déléguées. La commune déléguée dispose de droit d’une mairie annexe, compétente notamment en matière d’état-civil et où pourront continuer à être célébrés les mariages, et d’un maire délégué, élu par le conseil municipal, qui peut lui adjoindre un conseil de la commune déléguée. La plupart des dispositions relatives aux arrondissements de Paris, Marseille et Lyon sont applicables aux communes déléguées.

La commune nouvelle reçoit le montant des dotations perçues l’année précédente par les anciennes communes. Si un EPCI est fusionné au sein de la commune nouvelle, celle-ci conserve le bénéfice de la dotation d’intercommunalité précédemment versée, à titre de dotation de consolidation.

En outre, grâce à une disposition introduite à l’initiative de M. Pélissard, la loi de finances pour 2014 permet aux communes nouvelles créées avant le 1er janvier 2016 et regroupant une population inférieure ou égale à 10 000 habitants, ainsi qu’à toutes les communes nouvelles créées avant mars 2014, de bénéficier d’un montant garanti de dotation globale de fonctionnement pendant trois ans. Elles ne peuvent se voir appliquer, pour les exercices budgétaires 2014 à 2017, la baisse des dotations des collectivités territoriales.

Enfin, sur délibération concordante ou à la demande d’une commune ayant une pression fiscale inférieure de 20 % à celle de la commune la plus imposée, la commune nouvelle peut mettre en place un dispositif d’intégration fiscale progressive.

Cependant, il faut le reconnaître, le bilan reste modeste : en quatre ans, seules dix-huit communes nouvelles ont été créées.

Aussi avons-nous décidé de rendre le régime des communes nouvelles plus attractif en levant certains obstacles institutionnels, financiers, voire psychologiques, qui expliquent les hésitations des élus locaux et des populations.

Quand nous les avons auditionnés, les maires ou représentants de six communes nouvelles ont souligné les difficultés liées à la peur de voir disparaître l’échelon communal, notamment la représentation de chaque commune déléguée au sein du conseil municipal de la commune nouvelle. Ils ont pourtant souligné que cette solution permettait une mutualisation des moyens et des économies sans commune mesure avec celle liée à la mise en place de structures intercommunales. De fait, dès la première année, dans plusieurs communes nouvelles, les frais de fonctionnement ont diminué de 6 % à 8 % mais, surtout, on a pu étendre les services à la population. Enfin, les élus ont regretté que le droit existant exclue certains conseillers municipaux, appelés à se prononcer sur la création de la commune nouvelle, dès sa mise en place.

C’est pourquoi les propositions de loi, issues de travaux convergents de M. Pélissard et de votre rapporteure, proposaient, non de modifier les conditions de création d’une commune nouvelle, mais d’en faciliter la constitution.

Les dispositions les plus importantes ont fait l’objet d’un consensus avec le Sénat, voire d’un vote conforme, pour certaines d’entre elles.

Dans un premier temps, elles visent à améliorer les dispositions organisant les premières années de vie commune et la place des élus municipaux dans les institutions. Le conseil municipal transitoire sera ainsi composé, jusqu’aux élections municipales suivantes, de l’ensemble des conseillers municipaux en fonction. De la même manière, la commission des lois a décidé, en première lecture, que le premier conseil municipal élu comporterait, pour un seul mandat, quelques membres supplémentaires. Afin que le rôle des maires délégués ne se limite pas au territoire de chaque commune déléguée, le texte leur accorde de droit la qualité d’adjoint au maire de la commune nouvelle. Ils pourront ainsi recevoir des délégations couvrant l’ensemble du territoire de la commune nouvelle.

Dans un deuxième temps, elles garantissent le maintien d’une identité communale, notamment en disposant que la création des communes déléguées serait dorénavant de droit, sauf si les communes préexistantes en ont décidé autrement.

Dans un troisième temps, elles assouplissent les modalités de rattachement à un EPCI à fiscalité propre, en fixant un délai de deux ans pour les communes nouvelles créées dans le cadre d’un EPCI préexistant.

Enfin, en proposant un pacte financier, elles garantissent pendant trois ans le niveau des dotations budgétaires des communes qui se lanceraient en 2015 ou en 2016 dans la création d’une commune nouvelle regroupant moins de 10 000 habitants, ou de toutes les communes membres d’un EPCI à fiscalité propre. De plus, pendant trois ans, les communes nouvelles regroupant entre 1 000 et 10 000 habitants pourraient bénéficier d’un supplément de dotation forfaitaire de 5 %.

Aussi, dans les faits, les travaux de la commission mixte paritaire se sont-ils attachés à régler des différences d’appréciation entre les deux assemblées sur des points relativement secondaires. Ils ont permis de conforter trois points auxquels tenait l’Assemblée.

Premièrement, le conseil transitoire pourra être renouvelé en cours de mandat, en revenant au format habituel du conseil municipal ; le dispositif adopté par le Sénat excluait de fait cette possibilité avant le renouvellement général, alors que l’on ne peut exclure que des dissensions nécessitent de dissoudre un conseil municipal transitoire.

Deuxièmement, le texte organise un régime d’extension de la commune nouvelle, qui n’avait pas été prévu par le législateur en 2010. Il permettra également que cette faculté d’extension soit distincte de la création, évitant ainsi les effets d’aubaine.

Troisièmement, ont été supprimées des dispositions introduites par le Sénat, sans rapport avec le texte, relatives aux schémas départementaux de coopération intercommunale. Bien entendu, cela a nécessité de prendre en compte les souhaits exprimés par nos collègues sénateurs s’agissant, notamment, de la limitation de l’extension des communes littorales et de l’abandon de la possibilité pour les communes déléguées de demander la création d’un plan de secteur au sein du plan local d’urbanisme.

La commission mixte paritaire a également permis de résoudre des questions plus ponctuelles, en prévoyant un mode de consultation spécifique sur la question du nom de la commune nouvelle, en organisant la transition des trois syndicats d’agglomération nouvelle subsistant en grande couronne francilienne, en constatant, enfin, que l’assouplissement du dispositif de lissage des taux d’imposition avait d’ores et déjà fait l’objet d’une disposition intégrée dans la dernière loi de finances.

Mesdames, messieurs, ce texte ne constitue pas une révolution mais une véritable avancée pour faire de la commune nouvelle un cadre d’évolution de nos communes. Il s’agit, avec cette proposition de loi, de renforcer les communes dans le cadre d’une intercommunalité appelée à grossir, et sans perte d’identité, puisque les communes historiques restent des communes déléguées.

Il appartiendra désormais aux associations d’élus et aux services de la préfecture d’en faire la promotion nécessaire, afin que les élus municipaux s’en saisissent et décident, avant le 31 décembre 2015, de franchir le pas pour moderniser la commune, qui est et doit rester notre plus forte institution territoriale.

Permettez-moi enfin de remercier très sincèrement les services de la commission des lois ainsi que ceux de la direction générale des collectivités locales.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion