Intervention de Gilles Lurton

Séance en hémicycle du 13 février 2015 à 9h30
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 65

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Lurton :

Avec l’article 65 et les suivants, nous abordons les questions relatives à l’institution et à la compétence des tribunaux de commerce. Vous l’avez confirmé en commission spéciale, monsieur le ministre : le Gouvernement souhaite désigner plusieurs tribunaux de commerce spécialisés dans les affaires les plus importantes et les plus sensibles.

Au préalable, je souhaite rappeler que, malgré tout ce que nous avons pu entendre pendant ces derniers mois, les 134 tribunaux de commerce de notre pays fonctionnent bien et sont un vecteur essentiel permettant de trouver les solutions les meilleures pour les entreprises en difficulté et leurs salariés.

Les juges consulaires sont tous bénévoles, élus par leurs pairs. Ils consentent à d’importants efforts de formation. Leur expérience de l’entreprise et de l’économie est prouvée. Leur proximité avec le terrain est aussi très importante : ils sont en lien avec la vie quotidienne de leurs territoires, ils connaissent l’histoire des entreprises qui le maillent et les conditions économiques et sociales dans lesquelles elles se développent. Cette connaissance du terrain et le lien entretenu par les juges avec les élus et les différents acteurs du territoire jouent un rôle très important, d’autant que les discussions peuvent parfois être difficiles.

Les articles 65 et suivants ne traitent que d’une toute petite partie de la réforme qui devait être réalisée. Par la voix de Mme Taubira, le Gouvernement avait annoncé un grand projet de loi sur la justice du XXIe siècle, qui devait réformer les juridictions en profondeur. Cette annonce est restée lettre morte. Or les tribunaux de commerce ont besoin d’une réforme globale, qui pose non seulement la question de la spécialisation, mais également celle de la formation des juges, du fonctionnement et de la rénovation de la carte territoriale. Les tribunaux de commerce n’ont pas besoin d’une réforme décousue dans des textes épars.

Monsieur le ministre, les juges consulaires nous ont dit qu’ils n’étaient pas systématiquement opposés à une évolution de leur juridiction. Cependant, ils préconisent la saisine obligatoire, par le président du tribunal, du premier président de la cour d’appel qui, lui, peut choisir de délocaliser les affaires relevant du comité interministériel de restructuration industrielle, le CIRI, présidé par le Premier ministre, à savoir les affaires concernant au moins 400 salariés, et non pas 100, 150, 200 ou 250 salariés, comme le rapporteur thématique l’a préconisé en commission spéciale.

Vous estimez en effet que retenir le seuil de 400 salariés conduirait à restreindre considérablement la compétence des tribunaux de commerce spécialisés, auxquels vous souhaitez confier les affaires les plus importantes et les plus sensibles. Vous estimez que retenir ce seuil de 400 salariés reviendrait finalement à ne pas leur confier plus de quelques dizaines d’affaires par an, ce qui ne serait pas suffisant, selon vous, pour développer une véritable compétence.

Pour ce qui nous concerne, nous considérons que votre refus de fixer ce seuil à 400 salariés est une marque de défiance à l’égard des juges des tribunaux de commerce, qui accomplissent pourtant leur travail avec professionnalisme. Vous ne pouvez pas généraliser à l’ensemble de nos 134 tribunaux de commerce la situation de quelques tribunaux dans lesquels vous auriez détecté des problèmes de conflits d’intérêts ou d’incompétence.

En commission spéciale, monsieur le ministre, vous avez reconnu et même salué la compétence et le dévouement des juges consulaires. Au terme de l’examen de ce projet de loi, il vous appartiendra vraisemblablement de fixer ce seuil de référence par décret, à la lumière de nos discussions.

Je vous invite, monsieur le ministre, à venir rencontrer les juges consulaires de nos territoires pour mieux appréhender le rôle économique essentiel qu’ils jouent dans notre pays.

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