Intervention de Philippe Doucet

Séance en hémicycle du 19 mars 2015 à 15h00
Faciliter l'exercice par les élus locaux de leur mandat — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Doucet, rapporteur de la commission mixte paritaire :

Madame la présidente, madame la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, mes chers collègues, je me félicite de pouvoir vous présenter un texte qui fera beaucoup pour ouvrir, dans les années qui viennent, l’accès à la fonction d’élu local.

Voilà longtemps que les élus ne sont plus à l’image de la société française. Au cours des dernières années, la situation a même empiré chez les élus locaux. Le nombre de maires de moins de quarante ans a été divisé par trois en dix ans, les femmes sont toujours largement absentes des exécutifs locaux et, dans les villes moyennes, près de la moitié des maires sont issus de la fonction publique.

Il était donc primordial de lever certains blocages afin de permettre à chaque citoyen de s’engager.

Le premier enjeu, dont dépend dans une large mesure l’exclusion d’un grand nombre de citoyens de la dynamique démocratique, est la capacité à être candidat, à se présenter à une élection. Faire campagne demande un engagement résolu et nécessite de prendre du temps, y compris au cours de sa journée de travail.

C’est pour cette raison que nous avons décidé d’étendre le congé électif pour les candidats aux élections dans les communes de 1 000 habitants au moins, afin d’inciter davantage de candidats issus du salariat à se présenter.

Le deuxième enjeu est celui des conditions dans lesquelles les élus locaux exercent leur mandat. Partant du même constat que pour le congé électif, nous avons décidé d’étendre le crédit d’heures aux conseillers municipaux des communes de moins de 3 500 habitants, afin qu’ils puissent consacrer le temps nécessaire à l’exercice de leur mandat sans sacrifier leur emploi.

De même, en décidant de fixer par principe l’indemnité de l’élu local au niveau maximal prévu par la loi, nous clarifions la situation de tous les élus qui s’impliquent souvent au détriment de leur carrière professionnelle.

Enfin, pour permettre aux élus de prendre toute la mesure de dossiers qui sont devenus, nous le savons bien, de plus en plus complexes au fil du temps, nous avons décidé de créer un droit individuel à la formation, calqué sur le dispositif existant pour les salariés du privé. Cette mesure répond à une demande forte des associations d’élus locaux que nous avons rencontrées, avec mon collègue Philippe Gosselin, lors des travaux de la mission d’information sur le statut de l’élu, et je suis aujourd’hui satisfait d’avoir pu mener à bien cette réforme importante pour la qualité et l’efficacité de l’action politique locale.

Le troisième enjeu est l’après-mandat, qui est source d’inquiétude pour les élus, et là encore, chacun le comprendra, d’abord pour les salariés du secteur privé.

Nous apportons des réponses importantes, dont, en premier lieu, l’extension du droit à la suspension du contrat de travail et à la réintégration dans l’entreprise à la fin du mandat. Cette mesure concernera désormais les adjoints au maire des communes de 10 000 habitants au moins, au lieu de 20 000 précédemment, lorsqu’ils ont cessé d’exercer leur activité professionnelle pour se consacrer à leur mandat.

Pour les élus qui avaient quitté un emploi précaire et qui se retrouvent sans emploi à l’issue du mandat, nous avons décidé d’allonger de six mois à un an le versement de l’allocation différentielle de fin de mandat.

Le retour des élus locaux sur le marché du travail sera également mieux préparé grâce au système de validation des acquis de l’expérience, que nous avions introduit dans le texte et qui est entré en vigueur, pendant la navette parlementaire, dans la loi du 5 mars 2014 sur la formation professionnelle.

Cet ensemble de mesures permettra, je le crois, de lever les freins à l’engagement politique de bon nombre de citoyens, qui n’auront plus à considérer l’exercice d’un mandat comme un sacrifice au détriment de leur carrière ou, pis, comme un facteur d’exclusion du marché du travail.

Nous avons voulu trouver dans cette loi un équilibre entre droits et devoirs. C’est pourquoi nous avons introduit en première lecture à l’Assemblée nationale la charte de l’élu local, texte qui rappelle les devoirs et les responsabilités des élus locaux et qui instaure un nouveau rite républicain.

Enfin, la proposition de loi créant les conditions pour que les élus locaux puissent disposer du temps nécessaire pour exercer leur mandat, il était logique d’exiger, en retour, une exemplarité en matière de présence. L’obligation de présence dans les assemblées départementales et régionales, sous peine de retenue sur l’indemnité des élus, est désormais inscrite dans la loi. Il reviendra à chaque assemblée, en responsabilité, d’en déterminer les modalités.

Si beaucoup de ces dispositions ont fait l’objet d’un consensus, tant au sein de cet hémicycle qu’avec nos collègues du Sénat, il nous restait cependant cinq points de divergence. À l’issue d’un dialogue efficace et constructif avec le rapporteur du Sénat, Bernard Saugey, nous sommes rapidement parvenus à une solution de compromis.

Ainsi, le texte qui vous est soumis reprend le texte que nous avions adopté en deuxième lecture moyennant les compromis suivants : une réécriture du premier point de la charte de l’élu local ; le maintien du financement de l’allocation différentielle de fin de mandat par les collectivités et non par les élus ; l’adoption du dispositif de financement du droit individuel à la formation des élus tel que prévu par l’Assemblée ; le principe de la modulation des indemnités des élus départementaux et régionaux en fonction de leur assiduité ; enfin, la suppression de toute modification de la définition du délit de prise illégale d’intérêts.

Sur ce dernier point, je salue l’ouverture d’esprit du rapporteur et des sénateurs membres de la commission mixte paritaire, qui a permis que ce sujet ne bloque pas l’ensemble des avancées contenues dans la proposition de loi.

En effet, ces dispositions permettront d’ouvrir de manière pratique l’exercice d’un mandat local à de nouvelles catégories de citoyens, notamment à tous ceux qui ont un emploi salarié, et de permettre à tous les élus de mieux exercer leurs responsabilités, en réglant un certain nombre de problèmes qui existent aussi bien dans les collectivités rurales que dans les collectivités plus urbaines.

Comme en deuxième lecture, j’espère que ce texte permettra l’expression d’un consensus républicain, aussi bien au sein de l’Assemblée nationale qu’entre les deux chambres. Il me semble que nous enverrions un message important aux élus locaux et aux Français si ce texte, qui contribuera, je l’espère, à ouvrir largement l’accès à la fonction d’élu local, pouvait faire l’objet d’un vote à l’unanimité de la part de notre assemblée.

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