Intervention de Elisabeth Pochon

Séance en hémicycle du 30 mars 2015 à 16h00
Réouverture exceptionnelle des délais d'inscription sur les listes électorales — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaElisabeth Pochon, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, mes chers collègues, comme chacun d’entre vous le sait depuis quelques semaines, pour la première fois depuis leur élection au suffrage universel direct en 1986, les conseillers régionaux seront désignés, non pas au mois de mars, mais au mois de décembre prochain, ainsi qu’en a décidé le législateur dans le cadre de la réforme territoriale en cours.

C’est dans ce contexte particulier que s’inscrit la présente proposition de loi, qui vise à adapter notre procédure d’inscription sur les listes électorales à ce calendrier inédit, en procédant à la réouverture exceptionnelle des délais d’inscription jusqu’au 30 septembre 2015.

Discutée au cours d’une semaine réservée à un ordre du jour fixé par notre assemblée, cette proposition de loi fait suite aux travaux que M. Jean-Luc Warsmann et moi-même avons conduits dans le cadre d’une mission d’information de la commission des lois sur les modalités d’inscription sur les listes électorales.

Avant de vous en présenter le dispositif précis, je souhaiterais vous rappeler dans quelles conditions – insatisfaisantes – il est aujourd’hui possible de s’inscrire sur les listes électorales en France.

En France, la révision des listes électorales est annuelle. S’il lui est possible de le faire tout au long de l’année, tout électeur qui remplit les conditions requises par le code électoral doit s’inscrire avant le 31 décembre pour pouvoir voter aux élections organisées à partir du mois de mars de l’année suivante et pendant les douze mois suivants. Il ne peut être dérogé à ces délais, nécessaires à l’instruction des demandes d’inscription et à la mise à jour des listes électorales par les communes et l’INSEE, que dans des cas exceptionnels – acquisition de la qualité d’électeur, par la satisfaction des conditions d’âge ou de nationalité notamment, ou déménagement pour un motif professionnel – postérieurs au 31 décembre.

Ce calendrier d’inscription – mais le constat vaut pour l’ensemble de la procédure d’inscription – est devenu trop contraignant et inadapté au rythme démocratique et à la mobilité des électeurs. Il a d’ailleurs été conçu à une époque où les échéances électorales et la mobilité résidentielle des Français n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui.

Ces dernières années, la mobilité résidentielle s’est accélérée, rendant de plus en plus fréquents les déménagements en cours d’année. De nombreux électeurs changent de domicile entre deux révisions des listes électorales, pour des motifs qui ne sont pas seulement professionnels et qui ne leur permettent pas de changer de commune d’inscription électorale en dehors de la période de révision des listes. Et même ceux qui peuvent bénéficier de la procédure d’inscription en dehors de la période de droit commun ignorent souvent cette possibilité et attendent la révision de l’année suivante pour régulariser leur inscription.

Ce calendrier est également décalé par rapport au rythme des échéances électorales : la clôture des inscriptions au 31 décembre intervient généralement plusieurs mois avant la tenue des scrutins organisés entre le mois de mars et le mois de juin de l’année suivante.

En définitive, si l’on se fie aux études électorales menées par Mme Céline Braconnier et M. Jean-Yves Dormagen, chercheurs en science politique, trois millions de nos concitoyens ne seraient pas inscrits sur une liste électorale et 6,5 millions d’entre eux seraient « mal inscrits », c’est-à-dire inscrits dans un bureau de vote ne correspondant plus à leur lieu de résidence effectif.

Le report de mars à décembre prochain des élections régionales donne à ce constat, valable pour des élections organisées entre le mois de mars et le mois de juin, un relief tout particulier.

En l’état actuel du droit, ces élections seraient organisées à partir des listes arrêtées au début de l’année 2015, sur la base des demandes d’inscription déposées avant le 31 décembre 2014. Seuls auraient pu s’y inscrire après cette date les jeunes atteignant l’âge de dix-huit ans avant les régionales, qui bénéficient de la procédure d’inscription d’office, et, à leur demande, les personnes ayant acquis la qualité d’électeur par leur naturalisation et celles faisant l’objet d’une mutation pour motif professionnel dans le courant de l’année 2015.

Les listes électorales se trouveraient donc comme figées, hors cas d’inscription dérogatoire, près de douze mois avant l’organisation des élections régionales, à un moment où la loi ayant reporté la tenue des élections régionales n’était pas encore entrée en vigueur.

J’ajoute que les nombreux électeurs qui déménageront durant l’été et qui iront s’inscrire dans le courant du mois de septembre s’attendront à pouvoir participer au scrutin de décembre. Qui comprendrait que d’obscures difficultés administratives les empêchent de voter aux élections régionales ?

C’est donc bien à une exigence démocratique que répond ce texte, dont l’esprit est transpartisan : permettre au plus grand nombre de nos concitoyens de participer aux élections et améliorer l’exercice du droit de vote et de la citoyenneté dans notre pays, trop marqué, depuis plusieurs années, par un recul de la participation électorale.

À cette fin, l’article 1er de la présente proposition de loi prévoit que, par dérogation au principe de l’annualité de leur révision, il sera procédé, à la fin de l’année 2015, à une seconde révision des listes électorales. Il est proposé de rouvrir les délais d’inscription jusqu’au 30 septembre afin de permettre à toutes les personnes qui iront s’inscrire entre le 1er janvier et cette date de voter aux élections régionales de décembre prochain.

Le dispositif ne remet évidemment pas en cause la sécurité de la procédure de révision des listes. Il maintient les conditions nécessaires à l’inscription ainsi que les règles relatives à l’établissement des listes électorales par les commissions administratives communales, avec l’aide de l’INSEE et sous le contrôle du juge.

En pratique, deux mois sépareront la clôture de ce nouveau délai d’inscription de l’entrée en vigueur des listes électorales ainsi révisées, comme c’est déjà le cas aujourd’hui. Ce délai est suffisant pour permettre aux commissions de révision d’instruire les demandes d’inscription et de dresser les listes, et aux électeurs et au préfet de porter contre ces opérations toute contestation utile devant le juge compétent. L’Association des maires de France, l’AMF, et l’INSEE, favorables au principe même de cette révision exceptionnelle, ont indiqué qu’ils adapteraient en conséquence leurs travaux.

L’article 2 confie au pouvoir réglementaire, principalement compétent en cette matière, le soin d’apporter toutes les précisions nécessaires à la mise en oeuvre concrète de cette procédure.

Il a été reproché à ce texte de ne pas répondre, en raison de son caractère exceptionnel, au problème général de la procédure d’inscription et de procéder par des mesures de circonstance à une forme de tripatouillage. Il n’en est rien.

Il est parfaitement inexact d’affirmer que cette réouverture exceptionnelle bénéficiera à tel ou tel parti politique. Notre ambition est qu’elle profite à la démocratie et à ce qui en constitue le fondement principal : l’exercice du droit de vote.

Je suis d’ailleurs quelque peu étonnée de ce procès d’intention car cette mesure se borne à reprendre la proposition no 1 du rapport d’information…

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