Intervention de Dominique Lefebvre

Séance en hémicycle du 26 mai 2015 à 15h00
Dialogue social et emploi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Lefebvre, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des finances s’est saisie pour avis du titre IV du projet de loi soumis à notre examen, titre qui porte sur la création d’une prime d’activité qui se substituera, à compter du 1erjanvier prochain, d’une part à la prime pour l’emploi créée en 2002, dont la suppression a été votée par notre assemblée dans la loi de finances pour 2015 et qui sera versée pour la dernière fois en septembre prochain, d’autre part, au RSA activité créé en 2008.

Aucune autre disposition du texte ne pouvait justifier à elle seule une saisine de la commission des finances en raison de l’absence de lien avec un dispositif fiscal ou de coût budgétaire significatif ; toutefois, je me permets de souligner à titre personnel – puisque la commission des finances, qui a émis un avis favorable sur le titre IV et a adopté sans les amender les quatre articles qui lui étaient soumis, n’a pas débattu de l’ensemble du texte – que ce projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi est un élément essentiel du programme national de réformes qui accompagne et appuie le programme de stabilité, tous deux traduisant les engagements européens de la France.

À ce titre, ce texte mérite d’être soutenu et enrichi, non seulement parce qu’il fait partie des engagements de la France vis-à-vis de ses partenaires, mais aussi parce que la modernisation et l’enrichissement du dialogue social dans notre pays sont des éléments essentiels de notre compétitivité, comme de notre modèle social.

Pour en revenir à la prime d’activité, dont la commission des finances a approuvé les dispositions de nature législative qui la créent, la discussion des articles permettra sans doute, monsieur le ministre, d’apporter des précisions utiles sur le dispositif réglementaire qui, comme cela est normal en matière de prestations sociales, précisera les modalités de sa mise en oeuvre. Dans l’attente des avant-projets de décrets d’application, j’en resterai, dans le cadre de cette présentation, aux grands principes d’une réforme dont je veux souligner l’exemplarité dans la genèse et la préparation, l’ambition dans les objectifs et le courage dans les choix de mise en oeuvre.

Exemplarité dans la genèse et la préparation, puisque cette réforme découle directement de travaux dont le pilotage avait été confié à des parlementaires et auxquels ont été associés les partenaires sociaux et les acteurs sociaux, notamment ceux de l’insertion. Je veux bien évidemment parler du rapport rédigé par Christophe Sirugue, qui a proposé cette réforme, mais également des réflexions du groupe de travail sur la fiscalité des ménages que j’ai animé avec François Auvigne. Tous deux convergeaient sur ces points.

Ambition dans les objectifs, d’abord parce que la création de la prime d’activité impliquera un effort budgétaire supplémentaire après des années de réduction des moyens consacrés au soutien du pouvoir d’achat des travailleurs modestes en raison du gel de la prime pour l’emploi, décidé par la précédente majorité, et de l’échec du RSA activité, qui s’est traduit par un taux de recours bien trop faible. Il est donc mis fin au rabotage systématique de ces crédits décidé par la précédente majorité, qui générait chaque année des centaines de milliers de perdants – et d’abord parmi les plus pauvres puisque le taux moyen de la prime pour l’emploi baissait. Après la réforme, il y aura plus d’argent pour le soutien à la reprise d’activité et pour le pouvoir d’achat des travailleurs modestes, et cet argent sera mieux utilisé.

Ambition aussi, parce qu’il est mis fin à une injustice qui était aussi une erreur sociale et économique, à savoir l’exclusion des jeunes de 18 à 25 ans des mesures de soutien à la reprise d’activité ou de maintien dans l’activité, puisque – comme Martin Hirsch, que j’ai auditionné, me l’a confirmé – tout a été fait pour que le RSA activité jeunes ne marche pas. Ce sont près de 700 000 à 1 million de jeunes salariés qui vont pouvoir bénéficier de la prime d’activité, ce qui représentera 20 % du coût budgétaire du dispositif.

Ambition enfin, puisqu’il s’agit de soutenir en priorité celles et ceux qui travaillent et dont le revenu varie entre 0,8 et 1,2 SMIC. La prime d’activité est dissociée du RSA, qui est un revenu d’assistance, et elle repose sur un principe simple : il doit toujours y avoir plus intérêt à travailler qu’à ne pas le faire. Or, et le rapport sur la fiscalité des ménages l’a bien montré, c’est entre 0,8 et 1,2 SMIC que ce que l’on appelle les « trappes à inactivité », autrement dit le taux de prélèvement implicite du système socio-fiscal, est le plus confiscatoire – parfois bien plus que ce que certains, à la droite de cet hémicycle, dénoncent s’agissant des plus hauts revenus –, et cela non parce que notre système de solidarité serait trop généreux envers les plus pauvres et les plus éloignés de l’emploi, mais du seul fait d’effets de seuil engendrés tant par le système fiscal que par le système de prestations familiales sur les premiers déciles. C’est bien le problème qu’entend traiter en priorité la prime d’activité, et c’est ce que notre discussion parlementaire devra non seulement préserver mais conforter, pour que le gain permis par la réforme soit maximum à ce niveau de salaire.

Cette réforme ne doit d’ailleurs pas être examinée isolément des autres politiques publiques, qu’il s’agisse du plan de lutte contre la pauvreté – 12 milliards d’euros au cours de ce quinquennat – ou de la réforme fiscale qui, cette année, avec la suppression de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu, conduira à la non-imposition de plus de 9 millions de ménages. Il s’agit là de politiques cohérentes, articulées entre elles, qui permettront de couvrir tous les déciles de niveau de vie : plan de lutte contre la pauvreté pour les deux premiers, prime d’activité pour les trois suivants, suppression de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu pour les trois suivants.

Je le souligne car la troisième caractéristique de cette réforme est le courage. Courage de mettre fin à des dispositifs dont on connaissait de longue date l’inefficacité et le manque de ciblage, mais qu’il était plus facile de faire perdurer que de transformer – ce qui avait été fait en 2008 quand on avait créé le RSA activité sans supprimer la prime pour l’emploi. Courage aussi de faire une telle réforme avec des moyens globalement constants – même s’ils seront légèrement plus importants.

Cela veut dire que nous assumons bien évidemment qu’il y aura dans cette réforme des gagnants, mais aussi des perdants.

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