Intervention de Christian Bataille

Réunion du 6 mai 2015 à 9h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Bataille, co-rapporteur :

Fondée sur le charbon, la Révolution industrielle a montré que la maîtrise de l'énergie commande les rapports entre les puissances. Cet élément s'est renforcé avec le pétrole, l'un des éléments du passage au premier rang des Etats-Unis dès la fin du XIXe siècle, et ensuite avec le gaz naturel.

Ce constat ne s'est pas démenti depuis. Les hydrocarbures ont conservé leur prééminence dans le bouquet énergétique mondial, acquise dès les années 1960. Ils en représentent actuellement 53%, dont un peu plus de 31% pour le pétrole et de 21% pour le gaz naturel, alors que, pour mémoire, l'autre grande source d'énergie, le charbon, est à 29%.

La France est une exception dans le monde pour avoir substitué l'énergie nucléaire à son déficit en ressources propres en matière d'hydrocarbures.

Le pétrole est peut-être une arme de combat, d'une efficacité d'ailleurs supérieure à la force militaire. La Russie, puissance impériale, l'a compris.

Les Etats-Unis voudront peut-être de la même façon et par les mêmes méthodes affirmer une suprématie en Asie et en Amérique du Sud. La Révolution du gaz et du pétrole de schiste les propulse au premier rang pour le gaz et peut-être même pour le pétrole. Elle leur en donne la faculté.

D'autres puissances émergentes, si leur sous-sol révèle des richesses, seront dans l'avenir tentées d'agir de la même façon. Il leur faudra cependant la durée.

Bien peu de pays, notamment les pays européens, auront la capacité de desserrer le noeud coulant du pétrole comme viennent de le faire magistralement les Etats-Unis.

Pour ce qui concerne les échanges de produits énergétiques, il faut d'abord remarquer que l'on assiste, depuis 2005, à la montée en puissance des hydrocarbures non conventionnels, gaz et pétrole de schiste. Leur exploitation est pour l'instant cantonnée aux Etats-Unis, et concerne un peu le Canada, mais les volumes sont cependant déjà significatifs au regard de la production mondiale : de l'ordre de 4 à 5% pour le pétrole, et plus de 8% pour le gaz naturel. Ils sont appelés à se développer. Une petite production est déjà constatée pour le pétrole en Argentine et pour le gaz en Chine.

Ensuite, il faut observer que non seulement la production, mais aussi et surtout les exportations et les réserves actuellement prouvées de pétrole et de gaz naturel sont concentrées sur un assez petit nombre de pays. Les grands pays importateurs, notamment des pays européens, sont ainsi en situation de dépendance potentielle vis-à-vis de ces Etats.

La situation n'est cependant pas la même pour le pétrole et pour le gaz naturel.

Pour le pétrole, les grands exportateurs sont, d'après les chiffres de l'Agence internationale de l'énergie, l'Arabie saoudite, 18,7% du total, la Russie, 12% et ensuite autour de 5à 6% chacun, d'autres pays du Moyen-Orient : Irak, Koweït et Emirats arabes unis.

Les réserves prouvées sont tout aussi concentrées avec 48% du total mondial pour le Moyen-Orient, dont 15,5% en Arabie, 28% pour la Russie et les pays d'Asie centrale de l'ex-Union soviétique, et un peu plus de 17% pour le Venezuela.

A l'opposé, si l'on excepte les Etats-Unis, très grand producteur de pétrole avec une production comparable à celle de l'Arabie saoudite et de la Russie, mais qui restent un grand importateur de pétrole, avec plus de 20% encore du total mondial en 2012, les grands importateurs pétroliers nets sont les grandes puissances économiques, la Chine, avec 13% du total, l'Inde, avec 9%, le Japon, la Corée du Sud et ensuite les pays européens.

Pour compléter ce panorama, il faut rappeler qu'une large partie de la production de pétrole, environ 40%, est contrôlée par les pays de l'OPEP. L'OPEP fixe à ses membres des quotas de production. Ceux-ci détiennent, selon les estimations, entre 75% et 80% des réserves prouvées. En outre, le paysage pétrolier n'est pas tant dominé par les grandes compagnies multinationales issues des mégafusions des années 1990 et 2000, les Supermajors, dont Total, que par les compagnies nationales des pays producteurs, dont celles des membres de l'OPEP naturellement.

La situation de dépendance politique qui pourrait en résulter est cependant tempérée par le fait que, sous réserve de quelques contraintes dues aux différences de qualité, les barils de pétrole sont interchangeables les uns les autres. Il y a donc un véritable marché mondial du pétrole avec des prix qui évoluent de manière coordonnée pour les différents bruts de référence, parmi lesquels le Brent de la Mer du Nord.

Mais, le rôle très politique du pétrole est quand même rappelé par le fait que c'est l'Arabie saoudite, grâce à ses capacités de production aisément mobilisables, principal pays de l'OPEP, qui peut jouer le rôle le producteur d'appoint permettant la régulation du marché, ce qu'elle a en général fait jusqu'à ces derniers mois.

S'agissant du gaz naturel, la situation n'est comparable à celle du pétrole que pour ce qui concerne la concentration de la production, des exportations et aussi des importations.

Grâce à la révolution du gaz de schiste, les Etats-Unis sont maintenant le premier producteur mondial, à raison de 20% du total, mais ils ne sont pas encore exportateurs. L'Iran, qui est le quatrième producteur mondial, n'est pas non plus exportateur, en raison , pour l'essentiel, du volume de sa consommation intérieure.

Les échanges internationaux sont donc dominés par trois grands exportateurs : la Russie, avec 24% du total mondial, le Qatar, 14%, et la Norvège, 12%. Les autres exportateurs sont de moindre importance : Canada, Algérie, Turkménistan et Pays-Bas.

Pour l'avenir, et c'est un élément important, l'essentiel des réserves mondiales actuelles se trouvent, en l'état, en Iran (18,2%), en Russie (16,8%), au Qatar (12,3%) et au Turkménistan (9,4%).

Face à ces pays, les grands importateurs de gaz naturel sont le Japon (14,7% du total), puis l'Allemagne (9,1%), l'Italie (7,4%), la Corée du Sud (6,3%) et la Chine (5,9%).

Contrairement au pétrole, les échanges internationaux de gaz naturel manquent de souplesse, car le méthane ne se transporte que dans des conditions très particulières de pression ou de température. Ces échanges sont donc très contraints par les infrastructures, gazoducs ou bien terminaux de liquéfaction et de regazéification du GNL transporté par navire méthanier.

Pour l'Europe, les deux tiers de l'approvisionnement se font par gazoduc, et dans le cadre de contrats de long terme, lesquels restent d'ailleurs pour plus de la moitié d'entre eux indexés sur le prix du pétrole, et pour un tiers par GNL. Pour l'Asie, c'est en quasi-totalité par méthanier. En 2012, 71% du GNL mondial a été destiné à l'Asie.

Si la Russie domine les exportations par gazoduc, et reste le producteur d'appoint du gaz naturel, le Qatar domine l'offre de GNL au niveau mondial.

Il en résulte qu'il n'y a pas de marché mondial du gaz naturel, mais trois grands compartiments de marché avec des prix différents : l'Amérique du Nord, avec un prix très bas, actuellement de 3 dollars par million d'unités thermiques britanniques, le Mbtu, qui est la référence ; l'Europe, avec un prix qui était encore autour de 10 dollars il y a quelques semaines ; et l'Asie qui était autour de 15 à 16 dollars, depuis que le Japon a arrêté toutes ses centrales nucléaires.

Pour être tout à fait exhaustif, les pays importateurs sont dépendants, mais dans le cadre d'une interdépendance ou d'une dépendance réciproque avec les pays exportateurs. La plupart des pays exportateurs sont dépendants des importateurs pour leur balance commerciale, ainsi que pour leur budget, et aussi pour le niveau de vie de leurs populations, qui bénéficient d'une énergie largement subventionnée. Dans l'ensemble du monde, l'Agence internationale de l'énergie recense ainsi environ 550 milliards de dollars d'aides à la consommation d'énergie principalement d'ailleurs au Moyen-Orient et en Asie centrale, en Amérique latine (Venezuela et Argentine) et en Russie.

En l'état, il n'y a pas de géopolitique des autres sources d'énergies semblable à celle des hydrocarbures. Ni les échanges de charbon, ni ceux d'uranium, ni naturellement les renouvelables n'en ont la teneur. Il faut cependant être vigilant sur les équipements de production des renouvelables, notamment sur les terres rares qui sont utilisées pour certains de leurs composants, et sur lesquelles travaille d'ailleurs en ce moment l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques : la Chine a un quasi-monopole de fait.

Dans un tel contexte, plusieurs enjeux diplomatiques ou de sécurité sont clairement perceptibles, à différents niveaux.

D'abord, la région du Moyen-Orient a été identifiée comme stratégique depuis l'accord du Quincy dit pétrole contre sécurité, entre les Etats-Unis et l'Arabie saoudite, en 1945.

Ensuite, les échanges de pétrole, mais aussi de gaz naturel par méthanier, reposant sur la liberté des mers, la sécurité de quelques points de passage très difficiles à contourner, en l'état, est essentielle aux marchés mondiaux et à la stabilité. Le premier d'entre eux est naturellement le détroit d'Ormuz, où passent chaque jour 17 millions de barils, ce qui représente 20% de la consommation et 35% des échanges internationaux de pétrole. Cette « veine jugulaire », selon la formule de Cyrus Vance, a pu faire l'objet de menaces de minage par l'Iran, à certains moments, depuis 1979. L'utilité des différentes bases américaines dans le Golfe a donc été démontrée. La France aussi a une base dans le Golfe, à Abou Dhabi.

Les autres points de passage névralgiques sont Suez, Bab el Mandeb, au sortir de la Mer rouge, dont l'accès a dû être libéré à partir de 2008 de la piraterie maritime, ainsi que Malacca et Panama, de même que, dans une moindre mesure le Bosphore et les Dardanelles, et les détroits danois.

Le deuxième enjeu diplomatique est aussi bien connu, c'est celui de l'utilisation des hydrocarbures et du pétrole comme arme politique. Il y a les exemples d'embargo unilatéral, comme celui des Etats-Unis vis-à-vis du Japon en 1940 et 1941, ou celui de l'Arabie saoudite contre le Royaume-Uni et la France au moment de Suez, et naturellement celui des pays arabes contre certains pays occidentaux au moment de la guerre du Kippour, à l'origine du premier choc pétrolier en 1973.

Il y a aussi l'utilisation de l'instrument qu'est le pétrole par la communauté internationale ou certains pays, au titre des sanctions. Que ce soit pour empêcher le ravitaillement de la Rhodésie ou de l'Afrique du Sud en raison de leur politique de discrimination raciale alors en cours, ou pour empêcher l'Irak de Saddam Hussein de mener une politique contraire à la stabilité régionale grâce aux recettes pétrolières, la communauté internationale a eu recours aux hydrocarbures.

Enfin, selon un point de vue plus large, il faut considérer que l'exploitation des hydrocarbures donne aux pays qui en tirent profit un poids politique accru. Le rapport retient deux exemples de pays forts différents.

Le premier est naturellement la Russie, pour laquelle, par l'intermédiaire de Gazprom, le gaz naturel est un instrument de politique extérieure. Son accès à prix favorable est l'une des contreparties d'une proximité avec la Russie et un élément clef de l'adhésion au projet eurasiatique. A l'opposé, comme le montre le cas de l'Ukraine, tout éloignement vis-à-vis de la Russie, ou en l'espèce, tout rapprochement avec l'Union européenne et l'OTAN, entraîne de ce fait des difficultés gazières. Le gaz a aussi été l'un des éléments de la crise ukrainienne qui a débuté l'an dernier avec l'annexion de la Crimée et s'est poursuivie par le volet non encore clos du séparatisme armé dans l'Est de l'Ukraine.

Un élément particulièrement significatif du rôle des hydrocarbures dans la grande stratégie russe est la politique déployée vis-à-vis des pays de l'Asie centrale. L'objectif est de conserver le bénéfice du transit de leur gaz et de leur pétrole par la Russie. C'est une partie complexe, un nouveau « grand jeu », dont l'accord de l'automne dernier sur le statut de la Mer Caspienne est l'un des éléments.

Le deuxième exemple de pays dont le rôle international doit beaucoup aux hydrocarbures, et dans son cas au GNL, est le Qatar. Ce pays de 2 millions d'habitants, dont 200.000 nationaux, dispose, à la fois sur le plan diplomatique, sur le plan militaire, depuis sa participation aux opérations en Libye, mais aussi sur le plan économique et culturel, d'un rôle, d'une influence et d'une visibilité internationales sans commune mesure avec sa très faible population.

Ces fondamentaux étant rappelés, l'exploitation aussi surprenante que spectaculaire d'une quantité aussi importante de gaz et de pétrole de schiste aux Etats-Unis a eu trois effets majeurs.

Le premier, particulièrement appréciable, est que les marchés pétroliers et gaziers ont été correctement alimentés depuis le milieu des années 2000, malgré plusieurs événements majeurs qui ont pesé sur la production, alors même que la demande énergétique allait croissant au niveau mondial, notamment en gaz et en pétrole.

Pour le pétrole, plusieurs événements politiques majeurs ont perturbé la production, notamment dans la zone stratégique de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, en Libye, en Irak, au Yémen, mais aussi au Nigéria et au Soudan. De même, il faut rappeler que le renforcement des sanctions contre l'Iran en 2012, a entraîné le retrait d'environ un million de barils jour du marché mondial. Pourtant, aucune crise mondiale consécutive à ces ruptures d'approvisionnement n'est intervenue.

La production d'huile de schiste américaine est donc venue à point nommé pour renforcer les capacités de production mondiales, qui sont passées de 82 à plus 91 millions de barils jour de 2000 à 2013.

Pourtant, on a assisté à une augmentation des prix spectaculaire, passant de 24 dollars le baril en 2002 à un maximum de plus de 140 dollars en juillet 2008. Ensuite, après un effondrement temporaire au moment de la crise financière, le niveau des prix a été contenu autour de 100 dollars le baril jusqu'à l'effondrement imprévu de ces derniers mois, lequel fait l'objet de développements ultérieurs.

Globalement, une marge de capacité de production a été restaurée grâce aux nouveaux puits américains et on note aussi qu'à partir de 2007, l'indicateur qu'est la consommation chinoise de pétrole par rapport à la production américaine de pétrole, qui n'avait cessé d'augmenter, s'est mis à diminuer, réduisant ainsi la tension éventuelle sur la ressource entre les deux plus grandes puissances mondiales.

Pour ce qui concerne le gaz naturel, la production américaine de gaz de schiste a permis aussi de surmonter sans autre difficulté qu'un prix plus élevé du GNL sur le marché asiatique, les conséquences de Fukushima et de l'appel du Japon aux ressources du marché mondial. Sans cette production, les Etats-Unis seraient restés des importateurs majeurs de gaz naturel, et notamment du GNL russe qu'ils avaient prévu d'importer au début des années 2000 à partir des terminaux du Grand Nord.

La deuxième conséquence majeure de l'exploitation du pétrole et du gaz de schiste concerne les Etats-Unis.

Il ne faut pas hésiter à parler de révolution, notamment pour le gaz, car on assiste à un retour de la puissance américaine, ce qui dément d'ailleurs au passage le pronostic ou le diagnostic récurrent sur son déclin.

Il faut aussi remarquer que la mise au point de la technique d'extraction, fracturation de la roche et forage horizontal, est le résultat d'une politique de recherche publique de long terme, qui a son origine dès les années 1970.

Les résultats sont en tout état de cause là.

D'abord, les Etats-Unis sont le premier producteur mondial de gaz naturel, mais ils ont aussi retrouvé en matière pétrolière une production comparable à celle de l'Arabie saoudite et de la Russie. La question de savoir s'ils sont ou non le premier producteur mondial de pétrole reste encore en suspens tant que les statistiques annuelles 2014 et les premières statistiques pour 2015 ne sont pas publiées.

Ensuite, sur le plan économique, le boom du gaz de schiste a eu un impact très impressionnant. Il a permis une abondance à faible coût. Les puits non conventionnels sont de plus en plus rentabilisés par le seul pétrole, ce qui fait du gaz un produit joint dont le bénéfice est très proche du prix de vente. Par conséquent, l'industrie américaine a bénéficié d'une production croissante d'électricité à partir du gaz à bas prix, et d'une énergie et de matières premières très avantageuses pour son raffinage et son industrie chimique. Ces deux banches ont atteint une compétitivité telle qu'elles ont menacé non seulement le raffinage et la chimie européenne, mais aussi ces mêmes branches en Asie. Par conséquent, de nombreux projets industriels ont été prévus pour être créés ou délocalisés aux Etats-Unis.

Il faut aussi constater de manière globale que le déficit commercial américain s'est réduit, en raison non seulement de la très forte baisse des importations gazières et pétrolières, mais aussi par exemple de l'accroissement des exportations de charbon, pour le plus grand bénéfice des Etats-Unis qui réduisent ainsi leurs émissions de gaz à effet de serre, pendant que celles de l'Allemagne ont recommencé à augmenter, puisque produire de l'électricité à partir du charbon est devenu en Europe plus intéressant qu'à partir du gaz naturel. Le gaz naturel émet en effet beaucoup moins de CO2 que le charbon.

Contrairement à ce qui a pu être dit, la ressource est durable, et non éphémère, et son exploitation va se maintenir dès lors que les conditions de prix assureront la rentabilité des nouveaux puits qui remplaceront les plus anciens. A la différence des gisements traditionnels qui exigent un investissement initial très important, mais sont ensuite exploités sur le simple engagement des coûts opérationnels, les gisements non conventionnels sont fondés sur un grand nombre de puits dont le renouvellement est plus fréquent.

Enfin, les Etats-Unis sont autosuffisants en gaz naturel et vont être en mesure d'exporter du GNL dès l'année prochaine puisque les premiers terminaux d'exportation de GNL, en Louisiane, vont être opératoires, et d'autres le seront dans les mois et les années qui suivront. Les Etats-Unis ont aussi la perspective de s'approcher de l'autosuffisance en pétrole. Le taux de dépendance actuel qui est d'un tiers, contre 60% au début des années 2000, devrait se réduire autour de 25%, voire moins, vers 2020. D'ailleurs, les Etats-Unis sont déjà excédentaires en produits raffinés : une partie du brut qu'ils importent est donc, de fait, destinée aux exportations de produits raffinés.

Plusieurs éléments sont à l'origine de ce succès, notamment des entreprises souvent moyennes, nombreuses et très dynamiques dans la finance et l'ingénierie, et, aussi, le droit civil américain qui reconnaît à celui qui possède le sol, la propriété du sous-sol.

Sur un plan plus international, le gaz et le pétrole de schiste pourraient avoir plusieurs conséquences majeures.

En effet, la carte des gisements possibles établie par l'US EIA, l'Agence américaine d'information sur l'énergie, et les évaluations qui en résultent, mettent en évidence des facultés nouvelles de production de gaz et de pétrole en dehors des zones de production traditionnelles, et aussi des possibilités de prolongation ou de renouvellement de la production dans les zones traditionnelles.

C'est donc une nouvelle donne de la géographie des hydrocarbures au niveau mondial. Pour le pétrole, l'huile de schiste, les principaux pays sont la Russie, les Etats-Unis, la Chine, l'Argentine, et la Lybie, mais l'Europe n'est pas absente notamment la France.

Pour le gaz, ce sont la Chine, l'Argentine, l'Algérie, les Etats-Unis, le Canada, le Mexique, l'Australie et l'Afrique du Sud qui sont a priori les pays les mieux dotés, mais l'Europe n'est pas non plus absente.

Hors de l'Union européenne, l'intérêt manifesté pour cette nouvelle ressource est d'ailleurs significatif, notamment en Argentine, en Chine, en Australie, pour l'après-gaz de houille, et même en Russie, en Arabie saoudite et en Algérie. Pour les pays qui entament les recherches ou qui débutent l'exploitation, il faut bien mesurer qu'un délai de dix ans, considéré comme incompressible, s'écoule entre le début de l'exploration et les premières conséquences industrielles. En outre, les conditions américaines sont jugées par les professionnels comme spécifiques, et l'impossibilité de les répliquer pourrait se traduire par des coûts plus élevés.

Le deuxième enseignement global de la révolution du gaz de schiste, lequel est largement illustré par les projections à long terme de l'Agence internationale de l'énergie, est que les grands équilibres énergétiques mondiaux sont en train de se reconfigurer et qu'ils vont en l'état se traduire par un face-à-face entre l'Europe et les très grandes puissances asiatiques pour l'accès aux ressources des pays tiers exportateurs, tant en pétrole qu'en gaz naturel. Et cela va intervenir dans un contexte incertain où les capacités des grands exportateurs actuels du Moyen-Orient dépendront tant du niveau des investissements qui seront faits pour maintenir la production, que de l'évolution de la démographie et de leur capacité concernés à mener les réformes pour changer leur mode de consommation énergétique actuel, qui est très peu économe, et obère donc les facultés d'exportation.

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