Intervention de Raphaël Liogier

Réunion du 21 janvier 2015 à 8h45
Commission d'enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes

Raphaël Liogier, professeur des universités, directeur de l'observatoire du religieux à l'institut d'études politiques d'Aix-en-Provence :

Il est difficile de répondre à votre question en raison de l'absence de statistiques ethno-culturelles, mais on peut observer des tendances : la proportion de musulmans dans la population française ne s'accroît pas et on ne constate pas de mouvement de conversion massif, contrairement au néo-évangélisme qui recrute beaucoup, y compris en Seine-Saint-Denis.

Il existe une multitude de phénomènes de radicalisation. Il convient ainsi de distinguer les radicalisations salafistes piétistes parfois individualistes et à la limite d'un ascétisme new age, qui constituent la tendance la plus dynamique depuis le début des années 2000 du phénomène de durcissement du discours, notamment antisémite, reposant sur une logique paranoïaque. Le problème d'appréhension du djihadisme réside dans le fait qu'il sort de ces catégories-là. 20 % des djihadistes ne sont pas nés dans un milieu musulman ; ils passent au djihadisme sans passer par la case « Islam » et ne sont pas contrôlés par la communauté.

La porosité existe d'autant plus que les idéologies précises et les organisations stables ont disparu ; voilà pourquoi nous devons qualifier ces groupes de filières plutôt que de réseaux. Ainsi, la logique de label a prévalu pour les revendications des attentats à Paris, les frères Kouachi agissant pour Al-Qaïda au Yémen et Amedy Coulibaly pour Daech, alors que ces organisations sont opposées. Le réseau n'existe pas tant que ne se constitue pas la cellule regroupant des individus qui se rencontrent et qui se forment à l'action armée. C'est à ce moment-là qu'ils deviennent musulmans, une fois entrés dans le djihadisme, et non pas l'inverse.

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