Intervention de Guillaume Larrivé

Séance en hémicycle du 11 décembre 2012 à 15h00
Retenue pour vérification du droit au séjour et modification du délit d'aide au séjour irrégulier — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Larrivé :

Si les députés socialistes ne voient pas le rapport, je les invite vivement à ouvrir les yeux.

Dans le même esprit, le ministre du budget a accepté une forte diminution de la taxe prélevée sur les cartes de séjour de régularisation, passant de 110 à 50 euros.

C'est dans ce contexte que ce projet de loi est présenté. Il comporte deux mesures d'apparence technique.

L'une est une sorte de gage donné à la gauche de la gauche.

L'autre est une rustine qui souligne les insuffisances de la politique européenne de lutte contre l'immigration illégale.

Le gage, c'est bien sûr la modification des immunités pénales en matière d'aide au séjour irrégulier. On sait que les diverses associations professionnelles de soutien à l'immigration illégale réclament, depuis des années, la fin de ce qu'elles appellent, à tort, le « délit de solidarité ».

Ce débat n'a juridiquement plus guère de sens car diverses modifications législatives opportunes, depuis près de vingt ans, ont défini des immunités familiales et humanitaires suffisamment précises pour éviter que des personnes de bonne foi soient poursuivies devant les tribunaux. Vous avez cependant décidé de modifier l'état du droit au risque d'envoyer, même involontairement, un signal ouvert aux réseaux qui organisent les filières d'immigration illégale et exploitent la misère des personnes tentant de s'installer irrégulièrement dans notre pays. En réalité, vous souhaitez prendre une mesure d'affichage par laquelle la gauche gouvernementale parle à la gauche de la gauche. La manoeuvre, en effet, est limpide. Elle vous permet de gagner du temps et de reporter habilement, à plus tard, les débats sur les lois Sarkozy qu'une partie de votre majorité souhaite abroger.

La rustine, c'est la création d'une mesure de retenue ad hoc, distincte de la garde à vue, tentant de tirer les conséquences législatives d'une récente jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et de la Cour de cassation, interprétant la « directive retour » de 2008.

Je m'en suis expliqué devant la commission des lois, en tant que co-rapporteur sur la future mise en application de ce projet de loi : la « directive retour » de 2008 a été adoptée par les États membres pour faciliter l'éloignement des clandestins dans le respect de leurs droits, et non dans le but de compliquer ce processus. Il n'a jamais été question de dépénaliser, d'aucune manière et à aucun moment, le séjour irrégulier et d'interdire aux États de placer en garde à vue des clandestins en instance d'éloignement vers leur pays d'origine.

La jurisprudence byzantine de la Cour de Luxembourg ne me semble pas respecter la volonté politique des négociateurs de cette directive. Elle aboutit, en effet, au texte particulièrement subtil que vous nous proposez, et qui consiste, tenez-vous bien ! à supprimer le délit de séjour irrégulier, tout en maintenant le délit d'entrée irrégulière en créant un délit de maintien irrégulier sur le territoire. Comprenne qui pourra !

Cette acrobatie juridique, j'en conviens, a été rendue nécessaire par l'interprétation audacieuse que les juges européens ont faite de la directive. Elle vous oblige à créer un régime de retenue particulier. J'en comprends la nécessité à court terme, mais je crois utile d'en améliorer le caractère opérationnel par un amendement.

Au-delà de cet ajustement immédiat, il me semble que l'examen de ce projet de loi devrait conduire l'Assemblée nationale à regarder lucidement ce qu'est devenue, depuis quelques années, la politique européenne d'immigration. Précisément, ce n'est plus une politique, mais un carcan bureaucratique gouverné par des juges.

Il y a urgence à rompre avec cette logique dangereuse pour le continent européen et pour la France. Il y a urgence à ce que le président François Hollande fasse appliquer le Pacte européen sur l'immigration et l'asile que le Président Nicolas Sarkozy avait fait adopter, en 2008, à l'unanimité des chefs d'État et de gouvernement. Il y a urgence à passer du Pacte aux actes.

Il faut, pour cela, réformer profondément le système Schengen. La logique de Schengen, on le sait, est de supprimer les frontières intérieures pour permettre aux citoyens de circuler librement. Mais cela reporte les efforts de maîtrise de l'immigration sur la surveillance des frontières extérieures. L'Europe est aujourd'hui impuissante face à la porosité de la frontière terrestre gréco-turque. Ces cent trente kilomètres ne sont pas suffisamment contrôlés et laissent passer au moins 160 000 personnes chaque année, en provenance du Maghreb, de l'Afrique subsaharienne, du Pakistan, du Bangladesh et de l'Iran. La faiblesse de Schengen accélère l'arrivée de migrants clandestins transitant par la Grèce et l'Italie vers la France.

De même que la zone euro s'est dotée d'une gouvernance politique, il est aujourd'hui nécessaire que la gestion de l'espace Schengen sorte de l'ornière technocratique et soit assumée au plus haut niveau des États, avec une présidence stable. Des moyens opérationnels doivent être mobilisés. Il faut créer une force de soutien rapide au sein de FRONTEX, l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'Union européenne, pour assister en urgence un État membre confronté à un afflux d'immigration important.

Le cas échéant, il faut pouvoir suspendre temporairement de l'espace Schengen un État défaillant. Il faut mettre sur pied des moyens européens de surveillance terrestres et maritimes, et des moyens aériens permettant de mutualiser le retour des étrangers en situation irrégulière vers leur pays d'origine. Il faut, de même, créer enfin un système d'enregistrement automatique et biométrique des entrées et sorties des ressortissants des pays tiers dans l'Union européenne, pour mieux lutter contre le maintien sur le territoire, au-delà de la durée autorisée, d'immigrés entrés légalement en Europe. Il faut, aussi, accélérer la convergence des politiques nationales d'immigration et d'asile, tant les divergences entre les systèmes renforcent l'attractivité de la France. Il faut, enfin, conditionner l'aide versée par l'Europe en faveur du développement des pays du Sud aux efforts de ces États pour lutter contre l'immigration illégale.

Je regrette, au nom des députés du groupe UMP, que le Président François Hollande n'ait pris aucune initiative en ce sens. La France, aujourd'hui, ne défend pas la nécessité d'une politique européenne d'immigration ambitieuse. Ce faisant, la France se prive de tout instrument permettant de réduire fortement et durablement les flux d'immigration. Au nom des députés du groupe UMP, je tiens à dénoncer cette inertie. Nous voterons résolument contre un projet de loi qui ne répond en rien aux défis de l'immigration. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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