Intervention de Colette Capdevielle

Séance en hémicycle du 24 juin 2015 à 21h50
Adaptation de la procédure pénale au droit de l'union européenne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaColette Capdevielle :

…mais sans surtransposer.

Pas à pas, nous construisons ainsi le droit pénal européen. Il est difficile à mettre en place du fait de législations nationales différentes, parfois même contradictoires, et qui n’ont pas toujours les mêmes fondements juridiques. Nous avons vérifié, à l’occasion de l’examen de plusieurs espèces, qu’il y a des fragilités liées au fait que le droit pénal européen n’a été traité ces dernières années que par petites touches, sans cohérence. C’est le cas, par exemple, du mandat d’arrêt européen : il repose exclusivement sur la confiance entre les États, et son application peut réellement être mise à mal du fait de législations beaucoup trop différentes dans leurs fondements. Sa mise à exécution peut, dans certains cas, avoir des conséquences dramatiques car les autorités judiciaires françaises n’ont aucun pouvoir de contrôle sur son application.

Mais nous franchissons cette fois-ci un pas important puisque nous étendons à notre législation pénale nationale de véritables principes en matière d’aide judiciaire et de reconnaissance mutuelle des décisions de justice. Sur ce dernier point, nous consacrons sur le plan européen le respect du principe Non bis in idem, c’est-à-dire qu’aucun individu ne peut être jugé deux fois pour les mêmes faits. Nous consacrons aussi la possibilité d’exécuter les mesures de contrôle judiciaire et les condamnations et décisions probatoires dans un autre pays de l’Union, avec toutes les adaptations nécessaires, notamment pour les mineurs, ainsi que le recours au suivi par la visio-conférence.

En première lecture, le Sénat a reconnu que ce projet de loi était nécessaire et utile. Le groupe SRC, dont je me fais la porte-parole, estime qu’il va contribuer à l’efficacité de nos politiques pénales et surtout qu’il s’inscrit par toutes ses dispositions, à la fois dans la forme et dans l’esprit, dans la lignée de la grande réforme pénale du 17 août 2014, à savoir la promotion de toutes les mesures efficaces pour lutter contre l’emprisonnement, c’est-à-dire de toutes les mesures qui permettent de lutter contre la récidive. Nous sommes satisfaits que le souci d’une peine personnalisée, c’est-à-dire d’une peine utile, soit aussi partagé au plan européen.

La commission des lois, réunie le 13 mai 2015, a enrichi le texte.

J’évoquerai en premier lieu un amendement très intéressant de M. Paul Molac, qui vise à préciser que la réparation du préjudice pourrait se faire par l’indemnisation mais aussi par tout autre moyen adapté, y compris par une mesure de justice restaurative. Cette disposition complétera utilement l’article 18 de la loi du 17 août 2014 qui a instauré dans notre droit, pour la première fois en France, la justice restaurative, une mesure très directement inspirée du droit canadien. Il s’agit d’une conception nouvelle, une conception participative de la justice associant la personne condamnée et la victime dans un processus social de réparation, voire de conciliation, afin de rétablir la paix sociale. Nous ne touchons pas avec ce mécanisme à la sanction, dont l’une des finalités est bien sûr toujours de remettre en place, autant que faire se peut, l’équilibre des valeurs qui a été rompu par la commission de l’infraction, mais créons une nouvelle forme de justice qui permettra tant à l’auteur qu’à la victime de participer à la résolution des difficultés résultant de l’infraction, je pense notamment à la réparation des préjudices.

Nous avons aussi réintroduit la contribution destinée à améliorer l’aide aux victimes. Je salue d’ailleurs le travail de Nathalie Nieson à ce sujet. Pour tenir compte de la décision rendue par le Conseil constitutionnel, nous voterons un amendement complétif qui tient compte du principe de l’individualisation de la peine en laissant au juge le soin de fixer le quantum de l’amende et de la suramende en fonction de la nature et de la gravité des faits ainsi que de la personnalité de l’auteur. Le dispositif sera donc totalement conforme à la décision du Conseil constitutionnel.

Dans un souci constant de simplification et d’efficacité, la commission des lois a également ouvert la possibilité de prononcer une peine d’accomplissement de stage de citoyenneté, une peine de travail d’intérêt général ou encore de sursis de travail d’intérêt général sans présence du prévenu à l’audience, mais à la condition d’un accord écrit et de sa représentation par un avocat. De même, nous avons limité à deux mois les délais d’appel d’examen des pourvois en cassation, et les délais d’appel à l’encontre des ordonnances de renvoi devant le tribunal correctionnel à trois mois. J’ajoute que notre rapporteur a fait voter un amendement visant à faire obligation désormais à la chambre de l’instruction de mentionner l’ensemble des éléments, à charge et à décharge, lorsqu’elle ordonne le renvoi d’une personne devant la cour d’assises. Un amendement de ce type participe au rééquilibrage entre l’accusation et la défense. Toujours dans l’esprit de la loi d’août 2014, notre rapporteur a fait aussi voter un amendement prévoyant que le juge d’application des peines devra prendre en compte la surpopulation carcérale dans ses décisions d’octroi de réduction supplémentaire de peine.

Nous examinerons avec beaucoup de bienveillance la plupart des amendements déposés par le Gouvernement car ils visent à une meilleure prise en compte des victimes et à une amélioration du suivi des personnes prises en charge par les SPIP. S’agissant de l’amendement visant à renforcer le contrôle des antécédents judiciaires des personnes exerçant des activités ou une profession qui implique un contact avec les mineurs, nous partageons à 100 % son analyse sur la nécessité bien sûr de mieux les protéger. Nous pensons que cette mesure de protection pourrait être étendue aux incapables majeurs. Nous devons en tout cas veiller, même si la loi ne peut pas tout, à mieux faire circuler les informations afin d’éviter les drames qui ont été évoqués ce soir par Mme Najat Vallaud-Belkacem. C’est bien à cette fin, en ayant pris le temps des constats et des analyses nécessaires au préalable, que nous partageons avec le Gouvernement la nécessité de revisiter nos textes, plus particulièrement le titre Ier du Livre Ier du code de procédure pénale, portant sur la conduite de la politique pénale, de l’action publique et de l’instruction, en donnant désormais de nouveaux pouvoirs au procureur de la République.

Le moment de l’information, vous l’avez dit, madame la garde des sceaux, est important, mais la manière d’informer l’est également pour assurer un suivi effectif.

Pour le groupe SRC, la protection des mineurs, c’est-à-dire la protection des plus fragiles, doit irriguer toutes les politiques publiques. C’est indiscutablement une absolue priorité. Pour autant, nous savons qu’il ne faut pas faire des lois de circonstances, des lois d’opportunité, qu’il ne faut pas céder aux émotions ; le temps nécessaire a donc été pris pour trouver une réponse en la matière. Nombre d’entre nous sont bien placés pour savoir quelles peuvent être les limites, les excès et les dérives du fait de légiférer dans l’urgence. Nous devons écrire des textes destinés à durer, dont certains pour protéger les plus fragiles, il ne faut pas jamais l’oublier, et toujours dans le respect des principes fondateurs et cardinaux de notre droit pénal.

C’est donc dans un état d’esprit à la fois constructif, collaboratif et responsable que le groupe SRC votera ce texte.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion