Intervention de Paul Molac

Séance en hémicycle du 12 décembre 2012 à 21h30
Sécurité et lutte contre le terrorisme — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Molac :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, j'ai déjà eu l'occasion de rappeler à cette tribune lors de la première lecture de ce texte que la lutte contre le terrorisme est une priorité nationale.

La menace terroriste est réelle ; le terrorisme peut s'attaquer à tous sans distinction. Notre protection est donc nécessaire, je dirais même qu'il s'agit d'une impérieuse nécessité.

Nous connaissons la détermination du ministre de l'intérieur sur ce sujet. Mais, si nous avons le devoir de mener un combat résolu contre ce fléau, nous ne devons pas pour autant agir sans prendre certaines précautions. En effet, pour être efficaces, la détermination et la fermeté doivent s'allier avec la clairvoyance et la mesure.

Rappelons que notre législation anti-terroriste est l'une des plus fermes d'Europe. Cela lui permet bien sûr d'être l'une des plus efficaces, mais elle ne laisse que peu de place au doute. À cet égard, elle peut contrevenir à certaines libertés fondamentales lorsqu'elle est utilisée à mauvais escient.

La loi anti-terroriste ne doit en effet servir qu'à la lutte contre le terrorisme. Elle ne doit pas servir à réprimer certaines idées minoritaires dans notre espace politique. Notre législation contre le terrorisme pose des exceptions au droit commun parfois nécessaires pour combattre la spécificité des crimes terroristes. Toutefois, la solution ne peut venir d'une pénalisation excessive. La loi anti-terroriste ne doit pas être dévoyée au risque notamment de devenir un instrument de lutte contre l'immigration clandestine, comme cela a été souligné la Ligue des droits de l'homme.

C'est pourquoi nous nous interrogions en première lecture sur l'utilité de la prolongation jusqu'en 2015 des dispositions concernant les contrôles d'identité à bord des trains internationaux. Ces interrogations s'exprimaient également au regard des articles 3 et 4, complétant le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En effet, on ne saurait profiter d'un texte sur le terrorisme pour renforcer le droit applicable aux étrangers.

Les interventions récentes, dans cette assemblée, de M. le ministre de l'intérieur, lors de l'examen du projet de loi relatif à la retenue pour vérification du droit au séjour, nous ont confortés dans l'idée que ce Gouvernement adoptera une attitude différente de celle de la précédente majorité sur les sujets liés à l'immigration. Les amalgames entre terrorisme et immigration ne seront pas ceux de ce Gouvernement ; nous ne pouvons que nous en féliciter.

Nous le savons, le terrorisme a des racines profondes qu'une législation anti-terroriste ne saurait d'ailleurs pleinement prévenir. Pour lutter efficacement contre ce mal insidieux, il convient néanmoins de se donner les moyens de prévenir son émergence. L'engagement présidentiel portant sur le renforcement de la police de proximité, grâce aux zones de sécurité prioritaire, doit participer de cet effort global. Le renforcement du lien social dans les endroits déshérités, par le biais du travail, de l'école, de la vie associative, de la présence des services publics de proximité et de la lutte contre la pauvreté, sera à notre sens tout aussi utile dans la lutte contre les extrémismes.

Pour en revenir au projet de loi, je souhaite rappeler que les mesures qu'il nous est demandé aujourd'hui de proroger jusqu'en 2015 nous avaient été présentées lors de leur instauration, en 2006, comme expérimentales et non comme définitives.

Nous nous interrogions en première lecture sur la nécessité de multiplier des dispositions qui s'ajoutent à l'arsenal déjà existant pour lutter contre le terrorisme. Pour répondre à cette question, nous avions présenté un amendement demandant qu'un rapport d'information évaluant la pertinence et l'efficacité des dispositions prorogées de la loi du 23 janvier 2006 soit remis au Parlement dans les douze mois suivant la promulgation de la présente loi. En effet, le rapport que le Gouvernement devait remettre chaque année au Parlement sur ces dispositions n'a jamais été remis.

C'est donc avec attention que nous avons entendu la réponse de Mme la rapporteure sur notre amendement, finalement rejeté. Elle nous a rappelé que la remise d'un rapport annuel par le Gouvernement était prévue par l'article 32 de la loi du 23 janvier 2006, et que si ce rapport n'était plus remis depuis 2008, ce n'était pas faute d'une loi. Gageons que le Gouvernement saura appliquer, dès l'année prochaine, une recommandation législative dont les précédents gouvernements s'étaient affranchis ! J'espère que cela nous permettra, en 2015, lorsque la question de la prorogation de ces dispositifs se reposera inévitablement, d'y voir un peu plus clair sur leur efficacité.

Notre principale crainte concernant ce projet de loi provenait de l'innovation contenue dans l'article 2 ter, permettant la détention provisoire pour l'apologie et la provocation aux actes terroristes.

La loi anti-terroriste ne doit pas entraver de manière conséquente la liberté d'expression et son corollaire, la liberté de la presse. Il s'agit de biens précieux qu'il nous faut défendre. Comme nous l'avions exprimé de concert avec notre collègue Colette Capdevielle, toute modification de la loi sur la presse doit se faire avec la plus grande précaution. La détention provisoire doit rester exceptionnelle et toujours spécialement motivée. Nous serons donc vigilants quant à l'application de cette nouvelle disposition qui doit s'inscrire dans le respect de la loi de 1881. Nous avons également bien pris note du souhait exprimé par M. le ministre de l'intérieur d'une révision de la loi de 1881 afin de mieux l'adapter aux infractions commises sur les nouveaux supports technologiques. Cela permettra, nous l'espérons, de clarifier les choses et de ne pas faire peser de menaces inutiles sur la liberté de la presse.

Au final, nous partageons le souci du Gouvernement qui veut pallier les manquements dans le suivi des candidats potentiels au terrorisme, notamment lorsque ces derniers rejoignent des camps d'embrigadement à l'étranger pour ensuite commettre leurs actes odieux en France ou ailleurs.

C'est d'ailleurs pourquoi le groupe écologiste a demandé et obtenu la création une commission d'enquête parlementaire sur le fonctionnement des services de renseignements dans le suivi et la surveillance des mouvements radicaux armés.

Comme cela a été exprimé par de nombreuses voix issues de tous bords dans cet hémicycle lors de l'examen en première lecture, il est nécessaire d'aboutir à un contrôle parlementaire des services de renseignements. Il y va de leur efficacité, mais également de l'avancée de la démocratie. Le ministre de l'intérieur avait d'ailleurs reconnu que les services eux-mêmes étaient demandeurs d'un tel contrôle. Le groupe écologiste, désireux de travailler en bonne intelligence sur ce sujet, ô combien important et difficile, compte par ce biais apporter sa contribution aux travaux déjà engagés sur ces questions, notamment grâce à la mission d'information mise en place par notre collègue Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois.

Ainsi, la volonté impérieuse de protection de nos concitoyens, alliée à un nécessaire renforcement des contrôles des services de renseignement, et à un suivi que l'on espère efficace de l'application des lois anti-terroriste, amène le groupe écologiste à voter pour ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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