Intervention de Barbara Pompili

Séance en hémicycle du 6 juillet 2015 à 16h00
Accessibilité des établissements des transports et de la voirie pour les personnes handicapées et accès au service civique pour les jeunes en situation de handicap — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBarbara Pompili :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, quand les actes du quotidien des personnes en situation de handicap s’apparentent – comme c’est le cas en France – à de véritables parcours du combattant, c’est que nous avons échoué à bâtir la société inclusive que nous invoquons tous, régulièrement, sur ces bancs.

Cet échec, nous en portons tous la responsabilité, individuellement et collectivement. Je ne m’étendrai pas sur le manque de places en structures d’accueil, sur les difficultés à mettre en place l’école inclusive ni sur les défis à relever pour accéder à un emploi ou pour le garder quand on naît – ou devient – handicapé.

Restons-en à la question de l’accessibilité, qui nous occupe à travers ce projet de loi de ratification, et dont il y a tant à dire.

Quarante ans après la première loi d’orientation en faveur des personnes handicapées, dix ans après la loi du 11 février 2005 et neuf ans après la signature de la convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées, le constat est affligeant. Seraient accessibles seulement 15 % des établissements recevant du public, moins de six écoles primaires sur dix, 40 % des collèges, 20 % des lycées. Quant aux transports, maillon essentiel, seules 42 % des lignes de bus seraient accessibles aux handicapés moteurs.

Pourtant, rappelons-le, l’accessibilité universelle doit être une priorité. Il y va de l’égalité dans l’accès à la vie sociale, économique, politique et culturelle. Il y va de l’égalité réelle entre les citoyens, entre tous les citoyens, principe absolu pour une démocratie soucieuse de l’intérêt général et d’un vivre ensemble qui fait tant défaut aujourd’hui.

Si le délai de dix ans fixé par la loi du 11 février 2005 pour rendre accessibles les administrations, les commerces, les écoles, les habitations, les transports et la voirie n’a pas été suffisant, c’est bien le volontarisme des uns et des autres qu’il faut interroger.

Aujourd’hui, nous avons donc la responsabilité de faire mieux, et, surtout, de faire en sorte que cette accessibilité universelle devienne réalité, d’où le long travail de concertation qui a été mené et qui a abouti à un équilibre délicat, fragile, mais non moins essentiel.

Il faut en effet entendre aussi les difficultés financières de certains commerces ou des petites communes, qui sont particulièrement prégnantes en cette période de réduction de leurs dotations budgétaires. C’est pourquoi il faudra s’assurer que les dispositifs d’accompagnement financier, notamment via la Caisse des dépôts, soient facilement mobilisables.

Mais l’argument financier ne doit plus conduire à retarder encore des travaux dont l’utilité, pour tous, est indéniable. C’est aussi le but des agendas d’accessibilité programmée, qui doivent mettre en place et planifier dans le temps un système de financement adéquat pour les travaux à mener.

Les différents outils proposés ici doivent permettre d’aboutir, enfin, à cette accessibilité universelle. Qu’il s’agisse des Ad’AP, des PAVE ou des SDA, ces outils sont souvent présentés comme le point manquant de la loi de 2005. Ce sont eux qui vont permettre que les choses changent, enfin.

Gageons qu’il ne s’agit pas là d’un voeu pieux, car nombre de dispositions font craindre ici le pire.

Le tissu associatif est très critique, on l’a déjà dit, dans la façon dont cette ordonnance décline les grands principes sur lesquels il y avait eu un accord lors des concertations.

Le collectif pour une France accessible, qui a été reçu par le groupe d’études que je préside, n’a pas caché sa déception, parlant même de recul par rapport aux positions adoptées par le Parlement en 2014. Je partage leur point de vue. Nous sommes aujourd’hui trop loin du point d’équilibre initialement trouvé.

Quelques points notamment sont cruciaux : l’accessibilité des transports, qui se limiterait aux seuls points prioritaires alors que c’est bel et bien l’ensemble de la chaîne des déplacements qu’il faut rendre accessible, dans un souci de continuité ; les délais supplémentaires pour le dépôt des Ad’AP et SDA, qui donnent l’impression de sans cesse remettre à plus tard cette accessibilité ; les dérogations sans justification pour les copropriétés ou encore celles accordées de facto du fait de l’impossibilité pour l’administration de traiter dans le temps toutes les demandes, notamment pour les établissements recevant du public de cinquième catégorie, soit tout de même près de 80 % d’entre eux. Il faut aussi aller plus loin en ce qui concerne le besoin de formation spécifique, initiale et continue, pour les personnels en contact avec le public dans les ERP.

Comme le volontarisme de tous les acteurs, publics comme privés, doit commencer par celui du législateur, nous espérons que ce débat sera l’occasion de revenir sur ces différents reculs.

Pour que nos différences soient vues et vécues comme une force et non comme un obstacle, pour que chacun trouve sa place dans notre société, soyons exemplaires dans nos votes et commençons par rendre notre société réellement accessible à tous.

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