Intervention de Dominique Decaestecker

Réunion du 6 décembre 2012 à 9h30
Mission d'information sur les coûts de production en france

Dominique Decaestecker, directeur général du groupe Arvato :

Je souhaite revenir, premièrement, sur la commande publique. Dans notre secteur, l'État est certainement le plus mauvais acheteur. Les prix qu'il pratique à l'achat ne nous permettent pas de rémunérer nos salariés au-delà du SMIC. Mais ce n'est pas seulement une question de prix : deux autres problèmes entrent en ligne de compte.

Tout d'abord, le prix d'achat est le seul critère de sélection pris en compte par l'État, à l'exclusion de tout autre, par exemple la qualité ou la responsabilité sociale. En 2004, c'est l'État qui a poussé les entreprises de notre secteur à créer un label de responsabilité sociale. Or – c'est un comble – il est aujourd'hui le seul acheteur à ne pas exiger ce label. S'il le faisait, il se rendrait compte d'une des exigences de la responsabilité sociale : la dénonciation éventuelle d'un contrat doit intervenir au minimum six mois avant son terme.

Or – c'est le second problème – tous nos gros clients ou donneurs d'ordres donnent aujourd'hui des réponses à leurs appels d'offre au moins six mois avant la date de reconduction du contrat, à l'exception de l'État. Des salariés, parfois nombreux, employés par une entreprise pour une prestation réalisée au profit de l'État peuvent ainsi se retrouver sans travail du jour au lendemain. En ne respectant pas le délai de six mois, l'État ne laisse pas aux entreprises le temps de prendre leurs dispositions : chercher d'autres clients ou trouver des solutions pour leurs salariés. Il est donc essentiel d'améliorer les conditions de la commande publique.

Deuxièmement, je souligne le caractère déterminant des comparaisons de coût du travail pour la localisation de l'activité. Le groupe international d'origine allemande dans lequel je travaille a décidé, il y a douze ans, de fermer plusieurs entrepôts en Allemagne pour les recréer dans la commune d'Atton, sur la butte de Mousson, près de Nancy. La comparaison des coûts horaires du travail a constitué l'élément décisif : à l'époque, ce coût était, en Allemagne, supérieur de 25 % à ce qu'il était en France. Ce n'est plus le cas.

Le crédit d'impôt pour la compétitivité et la recherche est une bonne mesure pour notre secteur et pour mon entreprise, même si en peut estimer que son ampleur – 20 milliards d'euros – n'est pas suffisante. Dans la mesure où, dans notre secteur, les décisions d'implantation sont fondées sur des comparaisons internationales du coût du travail, il est essentiel que ce crédit d'impôt soit considéré, dans le cadre des normes comptables internationales IFRS, non pas comme une réduction d'impôt, mais comme une diminution du coût horaire du travail. Pour revenir à mon groupe, c'est non pas le taux d'imposition mais, je le répète, le coût horaire du travail qui a constitué le critère déterminant dans sa décision d'implantation en France. Aucun chef d'entreprise n'est choqué de payer des impôts quand il réalise des profits.

J'ajoute que les contreparties au crédit d'impôt qui pourraient être exigées, notamment à la demande des organisations syndicales, seraient source de lourdeur et nuiraient à la clarté de la mesure. Elles en diminueraient non pas le coût, mais l'impact.

J'en viens, troisièmement, à la question de la TVA sociale. Toutes les mesures qui peuvent contribuer à réduire la masse salariale – qui représente 70 à 75 % du chiffre d'affaires dans notre secteur – sont opportunes. Cependant, les mesures que vous prenez aujourd'hui en faveur de la compétitivité-coût seront progressivement annulées par les surcoûts liés au financement de la santé et des retraites, qui vont augmenter mécaniquement dans les années à venir. Il convient donc de réformer le financement de la protection sociale. J'estime, à titre personnel, qu'il ne peut plus reposer sur le seul travail. Les consommateurs et les pays qui exportent leurs produits en France devront également y contribuer.

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