Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du 4 juin 2014 à 10h00
Commission des affaires étrangères

Jean-Yves le Drian, ministre de la défense :

Elle est de poursuivre la réorganisation de notre dispositif dans la bande sahélo-saharienne pour renforcer encore l'efficacité du contre-terrorisme, au Mali et, au-delà, au Tchad et au Niger – j'observe incidemment, monsieur Gaymard, que le Niger a mieux géré la question touareg ; cela se peut donc. Nos 3 000 hommes seront déployés sur quatre sites principaux. Je n'ai pas senti d'interrogations sur les missions qui leur sont confiées et qui, au terme de l'opération Serval, auront un spectre à la fois plus vaste et plus clair : le contre-terrorisme sur « l'autoroute des trafics », avec le précieux appui de drones.

La situation en RCA est plus compliquée, et je tiens à dire mon admiration pour nos militaires dont la vigilance, sous un commandement de grande qualité, ne se dément pas. En République centrafricaine, nos forces ont pour mission de permettre à la MINUSCA de s'installer et au processus politique d'aller à son terme. Cette mission compliquée conduit à des actions qui s'apparentent à des opérations de gendarmerie, et parfois de guerre.

M. Bacquet et M. Cordery m'ont interrogé sur la contribution européenne aux efforts engagés. Au Mali, la mission de formation de l'armée malienne se poursuit avec une importante participation de nos partenaires européens, comme l'illustre la présence de la brigade franco-allemande. L'échec subi par l'armée malienne à Kidal amène à considérer qu'il était prématuré d'envoyer ces hommes là-bas au terme de seulement quatre mois de formation. Par ailleurs, de nouvelles forces européennes rejoignent la MINUSMA : ainsi du contingent néerlandais, appuyé par des hélicoptères.

En RCA en revanche, l'implication européenne est nettement insuffisante. Il a fallu du temps pour s'accorder sur le principe même d'une opération européenne , et surtout très longtemps pour voir les forces arriver, et elles sont insuffisantes. Je peux faire état à ce stade de 55 militaires estoniens déployés sur place , ainsi que de 130 Géorgiens, qui voient aussi dans cet engagement une occasion de formation. Cet apport est bien faible, et je ne sais ce qu'il adviendra quand il s'agira de reconduire le mandat de la force européenne. Si la MINUSCA s'installe correctement, il serait souhaitable que l'Union européenne décide de former l'armée centrafricaine ; ainsi éviterait-on que les soldats désoeuvrés de cette armée à présent fantomatique ne soient tentés par de sombres aventures.

La France, monsieur Bacquet, ne demande pas la modification des règles présidant aux futures élections en République centrafricaine : nous nous limitons à donner notre avis quand nous sommes consultés.

La loi de programmation militaire, qui a été préparée pendant 18 mois par le ministère et les états-majors avant d'être longuement discutée et amendée par le Parlement, est équilibrée, au deux sens du terme. Elle est équilibrée en ce qu'elle permet l'accomplissement des missions données aux armées ; mais, parce qu'elle a été conçue en équilibre, retrancher un élément de l'édifice ainsi construit aurait pour conséquence de le faire crouler. En l'état, il y a une parfaite adéquation entre moyens et objectifs ; si l'on veut faire différemment, il faut une autre loi de programmation militaire, ce qui suppose d'autres acteurs – mais la question ne s'est pas posée. Cela étant, d'autres pays ont fait d'autres choix, qui sont tout à fait possibles. Voilà ce que nous avons dit, après avoir fait le tour des armées pour mieux expliquer le vote intervenu au Parlement.

Monsieur Myard, accepter que s'installe un vide sécuritaire dans la bande sahélo-saharienne, ce serait laisser un nouveau terrain de jeu à Boko Haram et permettre des collusions étendues avec les Shebabs et d'autres groupes armés. Lors de la réunion qui a rassemblé le 17 mai, à l'Elysée, les chefs d'État de la région, à la suite de l'enlèvement de dizaines d'adolescentes au Nigéria par Boko Haram, un représentant du président Obama était présent ; et, comme vous le savez, une série de mesures ont été décidées ce jour-là.

La réorganisation régionale de nos forces dans la bande sahélo-saharienne se fera, monsieur Lellouche. Nous l'avons repoussée de quelques semaines pour les raisons que je vous ai dites, mais nous avons l'intention de la mener à bien d'ici juillet. Il n'est pas question d'enlisement ; il s'agit de poursuivre la lutte contre les groupes terroristes combattants dans toute la zone.

En RCA, notre rôle est de permettre l'installation de la MINUSCA afin de préparer une solution politique au conflit. Nous retirerons nos troupes lorsque la MINUSCA sera complétement déployée, avec des forces aguerries.

Les baisses d'effectifs, monsieur Mariani, affecteront pour un tiers seulement les unités opérationnelles ; il faudra en analyser la pertinence poste par poste. J'annoncerai en juillet de nouvelles fermetures de sites à venir.

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