Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du 22 octobre 2013 à 17h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense :

S'agissant de la recherche et de l'innovation, Mme Poumirol, j'ai décidé de maintenir les crédits destinés aux études amont au-dessus du seuil de 730 millions d'euros par an pendant toute la durée de la programmation. Vous savez que la tentation est toujours grande de piocher dans ces crédits pour boucler tel ou tel programme ; moi, je m'y refuse et j'ai souhaité qu'ils soient augmentés dès le budget 2013, et ils seront maintenus à ce niveau afin de préparer les nouvelles générations d'équipements qui seront nécessaires à moyen terme.

En ce qui concerne les relations avec les PME, le régime d'appui pour l'innovation duale, ou dispositif RAPID, qui avait été mis en place avant mon arrivée au ministère, fonctionne bien. J'ai décidé de le renforcer pour le rendre encore plus performant et de le sanctuariser à hauteur de 50 millions d'euros par an – contre 40 millions dans le budget 2013. Le concept est utile et fait l'unanimité ; la Direction générale de l'armement (DGA) est très attentive à sa mise en oeuvre. J'ai par ailleurs lancé en novembre 2012 le Pacte Défense PME, afin de faire en sorte que les acteurs de la défense – à savoir le ministère et la DGA, mais aussi les grands groupes – aient constamment le « réflexe PME ». C'est en effet là que se trouvent les « pépites » et les emplois. Dans le cadre du pacte, le ministère, les grandes entreprises et les PME doivent travailler ensemble pour favoriser la présence des PME dans les marchés de Défense. Les résultats commencent à se faire sentir, y compris dans l'amélioration des dispositifs de paiement, très importante pour les PME. Nous sommes dans une démarche positive : on commence à « penser PME » dans les services achats des grands groupes et du ministère. Un premier rendez-vous entre les partenaires du Pacte Défense PME aura lieu en novembre. Ce devrait être l'occasion de confirmer ces éléments positifs.

Les 6,1 milliards de ressources exceptionnelles inscrits dans la LPM sont détaillés dans le rapport annexé, monsieur Candelier. Elles proviennent à la fois des cessions d'emprises immobilières, des cessions de fréquences hertziennes, du programme d'investissements d'avenir (PIA), et de cessions d'actifs. Pour l'instant, nous nous en tenons là. Je tiens néanmoins à faire remarquer – car c'est loin d'être secondaire – que les cessions d'actifs de l'Etat dont nous parlons ne concernent pas que les entreprises de défense. Le PIA, qui est financé par des cessions d'actifs de l'État et permet des investissements d'avenir auxquels le budget de la Défense émarge pour 1,5 milliard d'euros, n'est donc pas financé par les seules cessions d'actifs liées à la défense.

Vous savez que le projet de LPM a été adopté en première lecture par le Sénat cette nuit. Les sénateurs ont notamment décidé – avec le soutien du Gouvernement – de faire passer les dispositions portant sur les recettes exceptionnelles du rapport annexé au dispositif de la loi lui-même. Ils ont également renforcé le pouvoir de contrôle du Parlement sur les services de renseignement. Ce dernier sujet a peu été évoqué jusqu'à présent – du moins avec moi – dans votre commission. Alors que c'était aussi le cas au Sénat, une grande partie du débat en séance publique a porté sur la partie normative de la LPM, qui est nouvelle et concerne la cyberdéfense, le renseignement et la judiciarisation – trois sujets extrêmement importants pour la défense. Sont ainsi prévus un renforcement du contrôle des activités des services de renseignement par le Parlement, un renforcement des moyens techniques – qui sont un élément majeur de notre autonomie stratégique, en particulier les satellites et les drones – et des moyens juridiques, avec en particulier l'accès aux fichiers de police administrative et judiciaire pour nos services, et la création de la banque de données passagers dite PNR – passenger name record –, fournies par les compagnies aériennes, ainsi que la protection renforcée de l'anonymat des agents. Il y a donc des avancées à la fois pour la qualité du service de renseignement et pour leur contrôle par le Parlement – les deux vont de pair. Sachez en tout cas qu'il est prévu que le contrôle par le Parlement s'opère de manière pluraliste. Il appartiendra aux Assemblées de décider comment procéder.

En ce qui concerne les droits des militaires, l'engagement du Président de la République sera tenu. Le Président de la République a reçu les membres des conseils de la fonction militaire (CFM) à l'Élysée il y a quelques jours : il a demandé que ce chantier soit ouvert, et que des propositions soient faites à la fin de l'année, à l'occasion de la quatre-vingt-dixième session du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM), que je préside deux fois par an. Les membres du CSFM doivent nous faire des propositions qui permettraient – tout en restant dans le statut militaire – une organisation plus performante de l'expression des interrogations qui peuvent être celles des militaires dans l'exercice de leurs fonctions. Même si la parole se libère au CSFM et dans les CFM, il importe d'avoir une bonne représentation de l'ensemble des militaires pour que cette expression soit vraiment complète.

La République centrafricaine (RCA) est actuellement un non-État, Mme Dubois. C'est une longue histoire. La Seleka, qui a porté le président Djotodia au pouvoir, n'est plus en accord avec lui ; lui-même ne s'entend pas avec son Premier ministre ; tous deux sont issus d'un coup d'État. Des rapines, des meurtres se produisent ; la situation humanitaire est catastrophique. Nous ne sommes pas dans la situation du Mali, mais il faut éviter que ce non-État devienne un « ventre mou » au milieu des trois zones à risque que sont le Sahel, l'Afrique de l'est et l'Afrique centrale autour du Congo. Nous restons donc très vigilants.

Que faire ? Nous avons aujourd'hui 400 militaires sur place, dont une partie issue de l'opération BOALI, initiée pour soutenir la mise en place de la première force multinationale africaine, et une partie venue de Libreville au moment du coup d'État pour protéger nos ressortissants. Ces forces assurent aujourd'hui la protection de l'aéroport de Bangui. Une première résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies, votée il y a une dizaine de jours, va déboucher sur la présentation d' options de soutien à la mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA). Une deuxième résolution, vers la fin du mois de novembre ou au début du mois de décembre, permettra de mettre en oeuvre ces options et de donner des capacités d'intervention plus larges aux éléments français qui interviendraient en soutien de la MISCA et dont les effectifs pourraient être renforcés. Enfin, l'objectif est de transformer la MISCA en opération de maintien de la paix, ce qui pourrait intervenir avec une troisième résolution au printemps. Les forces de la MISCA comptent aujourd'hui 2 200 hommes venus principalement du Congo, du Tchad, du Cameroun et de la Guinée. Les forces françaises soutiendront l'opération, dans des conditions à définir lorsque le mandat des Nations Unies sera devenu effectif. Nous avons bien sûr les moyens de faire cette opération – je suis toujours surpris que l'on me pose ce genre de questions. Notre armée compte 279 000 hommes, et – disons-le – nous sommes sans doute les seuls en Europe à avoir les moyens de faire ce type d'opérations.

J'en viens à l'artillerie, monsieur Audibert Troin. Vous parlez de la dream team constituée par la cavalerie, l'infanterie et l'artillerie. Pour ma part, je ne fais pas de distinction : toutes les armes sont complémentaires et cohérentes au sein de l'armée de terre. Le canon Caesar a eu un grand succès : les 77 canons prévus dans la programmation antérieure ont été livrés. Je suis convaincu que ce matériel va se vendre à l'exportation sa qualité opérationnelle devrait permettre d'aboutir assez rapidement.

La LPM prévoit de compléter le dispositif par le LRU, avec treize lanceurs en 2014. Le chef d'état-major des armées (CEMA) considère que cet ensemble d'équipements dans le domaine de l'artillerie est suffisant pour remplir le contrat opérationnel. Par ailleurs, concernant l'armée de terre, la LPM prévoit de lancer dès 2014 le programme Scorpion – ce qui avait donné lieu à de longues discussions avec le CEMA et le chef d'état-major de l'armée de terre. Nous avons finalement arbitré en faveur d'un lancement dès l'année prochaine de ce programme pour lequel 1,3 milliard d'euros est prévu sur la durée de la LPM. Cette décision a été appréciée par les unités que je visite. Le programme permettra entre autres de remplacer les véhicules de l'avant blindés (VAB) et les AMX 10 RC, qui en ont besoin ; les premiers véhicules blindés multi-rôles (VBMR) seront livrés au cours de la LPM et les premiers engins blindés de reconnaissance au combat (EBRC) – qui remplacent les AMX 10 RC – seront commandés. Une cohérence sera donc assurée dans l'ensemble de l'action des brigades de l'armée de terre.

J'en viens au service de santé, monsieur Villaumé. Votre Commission a reçu la semaine dernière le médecin général des armées Jean-Marc Debonne, directeur central du SSA. Il vous a sans doute fait part de la mission que je lui ai confiée ; vous savez donc qu'il doit me remettre au mois de décembre – ou au début de l'année prochaine – des propositions sur la bonne articulation entre le service de santé des armées et le réseau de santé publique, afin de développer une stratégie « gagnant-gagnant » sans pour autant abandonner l'efficacité opérationnelle du service de santé. Je préfère attendre cette échéance pour en reparler avec vous. Le sujet est à la fois difficile et passionnant : nous devons trouver des dispositifs imaginatifs permettant aux uns et aux autres de remplir leurs missions sans provoquer de déflation majeure des effectifs.

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