Intervention de Pierre Cochard

Réunion du 1er juillet 2015 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Pierre Cochard, directeur général adjoint des affaires politiques et de sécurité au ministère des affaires étrangères et du développement international :

Nous ne sommes pas naïfs, monsieur Hamon, et nous savons que les services de renseignement de pays amis ou moins amis essayent d'en savoir davantage sur nos options politiques et diplomatiques et sur nos intérêts économiques. Nos propres services s'efforcent évidemment de développer des moyens de contre-ingérence. Étions-nous au courant de l'existence de ces écoutes en particulier ? Je ne suis pas dans le secret des services de renseignement, mais à ma connaissance, non, bien sûr.

J'ai évoqué le souci constant de l'État de renforcer ses moyens de protection. Chaque ministère, monsieur Destot, doit veiller à la sécurité de ses systèmes d'information et à la pratique de ses agents, qui ne doivent pas utiliser des moyens non protégés. Depuis quelques années, l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information, placée auprès du SGDSN, est spécifiquement chargée de cette mission interministérielle. C'est elle qui valide en particulier les systèmes de communication du ministère des affaires étrangères ; elle constate des menaces croissantes pour la sécurité de nos réseaux.

Je n'ai pas d'autres informations que celles dont la presse s'est fait l'écho sur le degré d'implication éventuelle de services européens, allemands et anglo-saxons notamment, dans cet espionnage.

Vous m'avez demandé, monsieur Poniatowski, si les tentatives de recueil de renseignements concernant nos intérêts économiques se développent. Ce que l'on sait et qui fait réagir les autorités politiques et l'opinion publique américaines, c'est que la NSA se livre à une collecte d'informations tous azimuts. Avec 40 000 employés et un budget de l'ordre de dix milliards de dollars, ses moyens de recueil et de stockage, renforcés après les attentats du 11 septembre 2001, sont considérables. Le discours officiel des États-Unis est que ce recueil d'informations, notamment dans le domaine économique, ne se traduit pas par une assistance aux entreprises américaines faussant la concurrence – mais la collecte est bien tous azimuts.

Plusieurs orateurs ont jugé insuffisante la réaction des autorités françaises à la révélation d'écoutes de la présidence. Je me limiterai à redire que le discours tenu est extrêmement clair et ferme, que les réactions ne sont pas à leur terme et que des contacts ont lieu avec les États-Unis pour savoir quelles mesures ils envisagent de prendre pour nous donner des garanties supplémentaires. Ce domaine ne relève pas du droit international. Les pressions politiques sont l'instrument dont nous disposons pour essayer d'obtenir des États-Unis un engagement aussi clair que possible ; cela a déjà été partiellement le cas, mais nous devons bien sûr aller au-delà.

De nombreux commissaires ont mis en relation les écoutes par la NSA et la négociation du traité commercial transatlantique, dont M. Hamon a relevé que, par son objet même, il risquait d'affaiblir la solidarité européenne. Le parti pris par les autorités françaises et l'Union européenne est que pour une croissance renforcée et durable, nous avons besoin d'un espace d'échanges commerciaux plus fluides avec les États-Unis. Cela ne signifie pas une zone d'échanges non régulés, puisque nous insistons sur une convergence réglementaire ne remettant pas en cause les normes européennes en matière de solidarité, de protection de l'environnement et de protection sociale. Les autorités françaises veillent à ce que la négociation préserve la solidarité et les spécificités auxquelles nous tenons dans l'espace européen.

Mme Fourneyron a évoqué l'opacité de ces négociations. Nous appelons avec insistance à un renforcement de la transparence et nous ne sommes pas satisfaits des propositions faites par les États-Unis en ce domaine. Alors que la Commission européenne a mis en ligne des documents de position et de négociation, la proposition des États-Unis consistant à permettre à certaines personnalités politiques européennes de consulter dans leurs ambassades les documents américains liés aux négociations nous semble insuffisante. Nous insistons, avec la Commission européenne, pour qu'il y ait une transparence accrue et équivalente de la part des États-Unis.

Plusieurs questions ont porté sur la crise en Ukraine et nos relations avec la Russie. Je rappelle à ce sujet que la politique de sanctions européennes à l'égard de la Russie a été décidée par le Conseil de l'Union européenne, non par les États-Unis. La coopération avec les États-Unis a été et continue d'être étroite en ce domaine, mais notre champ de sanctions n'est pas le même. Le commerce européen avec la Russie, qui est de dix fois supérieur aux relations commerciales entre la Russie et les États-Unis, a été lourdement touché par l'imposition des sanctions. Mais, contrairement aux informations qui ont circulé à ce sujet, le commerce entre les États-Unis et la Russie n'a pas augmenté : il a connu une moindre décrue que les échanges russo-européens.

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