Intervention de Pascale Crozon

Séance en hémicycle du 15 juillet 2015 à 15h00
Réforme de l'asile — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascale Crozon :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, un an, presque jour pour jour, après la présentation du projet de loi portant réforme de l’asile au conseil des ministres, nous voici aujourd’hui arrivés au moment de sa lecture définitive devant l’Assemblée nationale.

Je veux tout d’abord vous remercier, madame la secrétaire d’État, et nous féliciter collectivement – il faut savoir le faire de temps à autre – de tenir l’objectif que nous nous étions fixé d’adopter ce texte avant la trêve estivale. Il s’agit bien évidemment pour nous de tenir les engagements pris par la France auprès de ses partenaires européens. Mais il s’agit, plus encore, d’être au rendez-vous de l’histoire qui n’a cessé de nous rappeler, au cours des derniers mois et des dernières semaines, combien le droit d’asile demeure, pour celles et ceux qui fuient les combats, la barbarie et le totalitarisme, une impérieuse nécessité.

L’adoption de ce projet de loi en est un préalable urgent. Accélérer les délais de traitement, c’est protéger plus vite ceux qui relèvent de la protection internationale ; c’est libérer plus rapidement des places pour accueillir dignement le plus grand nombre ; mais c’est aussi éviter l’installation durable de celles et ceux qui ne relèvent pas de l’asile et se retrouvent bien souvent dans des situations de non-droit inextricables. Accélérer les délais de traitement, c’est enfin mettre la France en capacité d’assumer sa part de la nécessaire solidarité européenne face au défi que représente une demande de plus en plus pressante en provenance de Syrie, d’Irak, de Libye, ou encore d’Érythrée. Et je ne doute pas que notre pays, parce que c’est son histoire, soit fidèle à ce rendez-vous.

Au cours de nos débats, le groupe socialiste, que j’ai eu l’honneur de représenter a exprimé la position constante, et qui tranche avec la logique des lois précédemment adoptées depuis une dizaine d’années, selon laquelle l’accélération des délais et l’amélioration des garanties procédurales n’étaient pas des objectifs contradictoires, bien au contraire.

Je veux rappeler ici que, jusqu’en 2012, la France était le seul pays d’Europe où l’on accordait plus de titres de réfugiés en appel qu’en première instance. Avec un taux qui a pu atteindre 90 %, le recours devant la CNDA était devenu le goulot d’étranglement dans lequel s’enlisaient les procédures. Je veux rappeler que la procédure prioritaire, que nous abrogeons aujourd’hui, et qui privait un demandeur sur trois de droit à un recours suspensif n’a pas permis de rendre effectif le retour des déboutés, dont l’opposition a fait le seul enjeu de ce débat.

Pire, la discrimination qu’elle introduisait en matière d’accès à l’hébergement a contribué au regroupement communautaire qui pèse lourdement sur un petit nombre de collectivités et permet le développement de réseaux qui exploitent la misère.

Dès lors, nous assumons de changer de logique. Nous ne faisons pas de l’asile un enjeu d’affichage, nous ne le confondons pas avec la politique migratoire, mais nous considérons que nous devons donner à l’Office français de l’immigration et de l’intégration, ainsi qu’à l’OFPRA et à la CNDA les moyens nécessaires pour que chacun soit accompagné au mieux de ses besoins et que la décision rendue soit la plus juste et la plus incontestable possible.

C’est la garantie que chaque demandeur ait accès à un accompagnement social et juridique et qu’il soit accueilli dignement, en prenant en compte sa situation particulière de vulnérabilité, dans un centre d’accueil pour les demandeurs d’asile. C’est la réforme du mode de calcul de l’allocation pour demandeurs d’asile afin de prendre en compte la situation familiale. C’est l’autonomie accrue de l’OFPRA, notamment garantie par la composition de son conseil d’administration, pour que la liste des pays d’origine sûrs soit la plus transparente et objective possible.

C’est la liberté d’appréciation offerte à l’OFPRA comme à la CNDA pour mettre en oeuvre les procédures les mieux adaptées à chaque situation particulière. C’est la sensibilisation aux violences faites aux femmes, ou au motif de l’orientation sexuelle. C’est la présence d’un conseil au cours de l’entretien. Mais ce sont aussi des moyens financiers supplémentaires, tant en termes de capacités d’accueil que d’officiers de protection pour traiter les demandes, et je veux remercier une nouvelle fois le Gouvernement qui démontre, avec les crédits qu’il a dégagés à ces fins, qu’il entend bien donner à ce texte les moyens de ses ambitions.

Le groupe socialiste est fier d’avoir contribué à éclairer un certain nombre de ces objectifs et à lever certaines ambiguïtés du projet de loi initial, tout en restant fidèle à son équilibre général. Je pense en particulier au schéma d’accueil, qui a pu susciter des débats au sein de la majorité et que nous avons eu à coeur de clarifier, comme la condition d’un accueil digne et solidaire, garantissant l’accès au droit et l’égalité de traitement.

Je veux remercier Monsieur le ministre – vous lui en ferez part, madame la secrétaire d’État – de sa capacité de dialogue. Je tiens aussi – même si je crois que cela a déjà été fait à de nombreuses reprises, je le ferai quand même ! – à remercier notre rapporteure de l’engagement et du coeur qui est le sien sur ce sujet depuis de longues années. L’un et l’autre avez permis que votre texte devienne notre texte ; une loi qui aura associé un grand nombre de parlementaires, issus de bancs divers mais qui auront à coeur d’en revendiquer une part de paternité. Nous voterons donc définitivement ce projet de loi en espérant qu’il réunisse une large majorité, à la hauteur de la tradition républicaine du droit d’asile.

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