Intervention de Jean-Pierre Maggi

Séance en hémicycle du 23 juillet 2015 à 15h00
Adaptation de la procédure pénale au droit de l'union européenne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Maggi :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour la lecture définitive du projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne.

Afin de nous intégrer efficacement à l’espace pénal européen, il est nécessaire d’adopter ce texte, qui répond à deux objectifs : nous mettre en conformité avec nos engagements européens et actualiser notre procédure pénale.

La transposition dans notre droit national de l’ensemble des dispositions européennes qui s’imposent à nous relève maintenant de l’urgence. Il s’agit des décisions-cadres du 30 novembre 2009, du 27 novembre 2008 et du 23 octobre 2009, mais également des directives du 13 décembre 2011 et du 25 novembre 2013. Ces règles européennes auraient dû être respectivement transposées avant le 6 décembre 2011, le 15 juin 2012 et le 1er décembre 2012. Nous avons également dépassé le délai pour l’une des directives, qui aurait dû être transposée au plus tard le 21 décembre 2013.

Par ailleurs, ce projet de loi vise trois grands objectifs destinés à intégrer la France dans l’espace pénal européen et adapter ainsi notre procédure pénale aux législations en vigueur chez nos voisins.

Le premier objectif est d’éviter que des poursuites parallèles soient menées dans des États membres au sujet des mêmes faits et des mêmes personnes. Il s’inscrit dans le respect du principe juridique selon lequel nul ne peut être jugé deux fois pour les mêmes infractions, que l’on retrouve à l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux. Ainsi, pour prévenir ces « doublons juridiques », le texte prévoit dans son article 1er des mesures d’échanges d’informations entre les autorités poursuivantes des différents États.

Le deuxième objectif est d’appliquer le principe de la reconnaissance mutuelle, en France et dans les autres pays membres, des décisions de contrôle judiciaire ainsi que des mesures probatoires prononcées dans un pays donné mais exécutées dans un autre. Les décisions prises à l’encontre d’un citoyen de l’Union européenne dans un pays qui n’est pas son lieu de résidence pourraient ainsi être exécutées dans son pays d’origine, en restant conformes au droit du pays donné et sans aller à l’encontre de la volonté de la personne condamnée.

Je tiens par ailleurs à saluer, au nom de mon collègue Stéphane Claireaux, la mise en place à Saint-Pierre-et-Miquelon d’un véritable service pénitentiaire d’insertion et de probation, calqué sur ce qui se fait dans les autres départements de France, ce qui donne un fondement juridique à la pratique. En effet, ce territoire a été récemment doté d’un poste de conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation.

Enfin, le troisième objectif est d’instituer une reconnaissance mutuelle des décisions de protection et d’aide européenne des victimes afin de permettre aux victimes de certaines violences de bénéficier des mesures de protection mises en place par leur pays, y compris lors de leurs déplacements. Des normes minimales relatives au respect du droit des victimes en matière de procédure pénale seraient également mises en oeuvre. Ainsi, en matière de violences faites aux femmes, l’Union européenne avait, dès 2009, enjoint les États membres à renforcer leur législation.

Harmoniser ces législations et ces politiques pour la défense des droits de chacun et pour la protection des victimes est donc l’une des pierres angulaires d’un espace de sécurité et de justice commun.

Afin d’assurer le financement d’une telle protection des victimes, l’article 4 quater reprend la loi du 15 août 2014 en instaurant une amende au profit des associations de victimes. Le taux de cette contribution est fixé à 10 % des sanctions pécuniaires prononcées. Toutefois, au nom du principe de l’individualisation des peines, le juge reste libre de modifier cette amende au cas par cas, ou, le cas échéant, d’y déroger.

Les dispositions en matière criminelle ont toujours fait l’objet d’une volonté d’harmonisation au niveau européen. En effet dès le programme de La Haye, l’Union européenne a affirmé sa volonté de créer un espace de sécurité, de liberté et de justice. Dès lors, il est indispensable que les États membres aient une conception identique, du moins dans ses éléments essentiels, des notions de liberté, de sécurité et de justice. Cette compréhension doit reposer sur les valeurs qui sont les nôtres, c’est-à-dire les principes de liberté, de démocratie, de respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que d’État de droit.

Bien sûr, ce projet de loi fait suite à de nombreuses ébauches visant à créer cet espace pénal européen. Par exemple, dès 1998, le principe de reconnaissance mutuelle en matière pénale avait été évoqué lors du Conseil européen de Cardiff, puis dans les conclusions du traité de Tampere en 1999.

En matière de lutte contre les actes criminels, par une décision de 2002 avait été créé l’organe institutionnel Eurojust, qui siège à La Haye et dont la mission est de faciliter la coopération judiciaire en vue de prévenir les crimes les plus graves comme le trafic d’êtres humains et de drogues, le blanchiment d’argent ou encore le terrorisme.

Mais cet espace pénal s’est réellement concrétisé à l’occasion de la ratification en 2007 du traité de Lisbonne, entré en vigueur en 2009. Il est plus que temps d’en renforcer les dispositions.

Or, comme vous le savez, les radicaux de gauche ont toujours été profondément attachés à l’Union européenne et à la mise en place de dispositions communes entre les États membres. Rappeler notre attachement à l’Europe et à la solidarité entre ses États n’est pas superflu dans la période actuelle.

Par ailleurs, je voudrais revenir sur l’insertion controversée de l’article 5 septdecies A en première lecture, issu d’un amendement du Gouvernement. J’aborderai le fond du dispositif dans un instant mais je souhaite tout d’abord évoquer la méthode du Gouvernement.

Amendement déposé hors délai, examiné à une heure du matin un mercredi soir, après demande de retrait d’un amendement plus mesuré du rapporteur… Le Gouvernement prend ses libertés, une fois encore, avec le travail des parlementaires. Or, force est de constater que nous sommes contraints, de plus en plus fréquemment, d’examiner les textes dans de telles conditions.

Revenons-en au fond. Ce nouvel article visait à ouvrir la possibilité pour le ministère public d’informer les administrations et les organismes compétents de l’existence d’une enquête ou d’une instruction en cours concernant une personne dont l’activité professionnelle ou sociale est en lien avec des mineurs.

L’objectif de cette disposition se justifie pleinement. En effet, elle vise à protéger les mineurs du fait des majeurs ayant autorité sur eux. Les récents cas de pédophilie découverts par le ministère de l’éducation nationale dans la commune de Villefontaine, en Isère, nous obligent à prendre nos responsabilités et à trouver des réponses pénales adaptées.

Toutefois, nous craignions que l’insertion d’un tel dispositif aille à l’encontre du principe juridique de la présomption d’innocence, principe fondamental de notre droit pénal que nous avons le devoir de protéger au nom des libertés de chacun. En effet, la seule ouverture d’une enquête ou d’une instruction ne constitue pas une preuve suffisante de la commission des faits par la personne soupçonnée et pourrait entraver la procédure. Plus encore, l’utilisation de ces informations non définitives pourrait porter préjudice à la réputation et à l’honneur de la personne concernée.

Ainsi nous sommes rassurés que la commission ait modifié ce dispositif. Désormais, l’existence d’une enquête ou d’une instruction ne sera pas un fait suffisant. Seules les condamnations, y compris non-définitives, pourraient faire l’objet d’une information par le ministère public. Ceci constitue une sécurité nécessaire, une décision de justice ayant déjà été prononcée par un magistrat indépendant et impartial.

En outre, le rapporteur, Dominique Raimbourg, a veillé à ce que la communication de cette information reste une simple faculté. Nous sommes donc satisfaits de cette nouvelle rédaction, plus équilibrée, assurant le respect des droits de la défense tout en remplissant son objectif indispensable de protection des mineurs.

Enfin, en tant que membre de la commission de la défense, j’approuve le renforcement de la coopération policière et pénale européenne prévu par le texte. Dans le contexte actuel et face aux différents dangers qui menacent notre territoire, assurer à nos concitoyens une sécurité maximale, fruit d’une action conjointe, me semble être un objectif primordial.

Ainsi, pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, le groupe des radicaux, républicains, démocrates et progressistes que je représente aujourd’hui votera en faveur de ce texte. Je vous remercie.

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