Intervention de Fleur Pellerin

Séance en hémicycle du 28 septembre 2015 à 16h00
Création architecture et patrimoine — Article 1er

Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication :

La raison pour laquelle il me semble aujourd’hui indispensable d’affirmer le principe de la liberté de création, c’est que le juge doit, en cas de contestation, pouvoir prendre en considération la singularité, le caractère spécifique de la création artistique en tant que modalité particulière de la liberté d’expression. Cette dernière peut, elle, se prévaloir d’un ancrage constitutionnel et constitue l’un des droits fondamentaux alors qu’à l’heure actuelle, la spécificité de l’acte créatif artistique n’est pas prise en compte. L’affirmation, par l’article 1er, de la liberté de création permettra au juge, dans son appréciation des impératifs à concilier, de tenir compte de la légitime insolence ou de la provocation inhérente à certaines démarches artistiques.

J’ajoute que la formalisation juridique de cette reconnaissance répond à une exigence formulée par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui, dans l’arrêt du 24 mai 1988 « Müller contre Suisse », fait explicitement référence au fait que « ceux qui créent, interprètent, diffusent ou exposent une oeuvre d’art contribuent à l’échange d’idées ou d’opinions indispensables à une société démocratique ». C’est la raison pour laquelle il y a aujourd’hui, juridiquement, nécessité d’inscrire ce principe dans la loi.

Pour en revenir aux amendements, le rapporteur l’a rappelé, nous avons eu en commission des discussions fournies sur la nécessité ou non d’introduire le principe de la liberté de diffusion artistique dans l’article 1er. Tout comme le rapporteur, je comprends votre préoccupation : si une oeuvre était créée sans avoir jamais la possibilité de rencontrer son public, il y aurait lieu de défendre la liberté de son créateur de la montrer à un public et du public à y accéder. Néanmoins, sur le plan juridique, la liberté de création englobe la liberté de diffusion. D’ailleurs, s’agissant de la liberté de la presse, on affirme que l’imprimerie et la librairie sont libres sans avoir besoin de préciser que leur diffusion l’est aussi : nous faisons là une démarche symétrique.

Je suis donc du même avis que le rapporteur. Je ne souhaite pas affaiblir la force de cet article 1er, qui réside dans sa sobriété et sa concision. En revanche, je suis sensible à vos arguments : c’est pourquoi je présenterai à l’article 2 un amendement visant à inscrire dans la loi la liberté de diffusion et la liberté de programmation en tant qu’objectifs de la politique publique que nous devons mener.

Au bénéfice de cette explication, je vous demande de bien vouloir retirer vos amendements ; à défaut, j’y serais défavorable.

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