Intervention de Jean Launay

Réunion du 21 octobre 2015 à 16h15
Commission élargie : finances - défense nationale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Launay, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour le programme « Budget opérationnel de la défense » :

Je me réjouis de constater que les choix effectués lors de l'actualisation de la loi de programmation militaire en juin dernier trouvent leur traduction dans le budget qui nous est soumis cette année. À cet égard, je rappelle que la dépense de défense a été augmentée de 3,8 milliards d'euros et la déflation des effectifs du ministère, atténuée de 18 750 postes au regard de la LPM initiale. Il s'agit de tirer toutes les conséquences des attentats de janvier 2015 sur notre territoire, de l'intensité des engagements de nos armées dans les théâtres extérieurs et de la nécessité de renforcer la protection du territoire national, l'équipement des armées ou, encore, le renseignement.

En conséquence, les crédits budgétaires de la mission défense pour 2016 atteignent 31,7 milliards d'euros contre 31,4 milliards en loi de finances initiale pour 2015, hors contribution au compte d'affectation spécial (CAS) pensions, auxquels viennent s'ajouter 250 millions de recettes exceptionnelles, qui ne représentent donc plus que 0,8 % des recettes totales, essentiellement à travers les cessions de type immobilier. L'inquiétude qui planait sur ces recettes exceptionnelles, et qui tenait essentiellement aux incertitudes sur la vente de bandes 700 mégahertz, n'a plus lieu d'être ; nous ne pouvons que nous en réjouir.

Cet effort budgétaire permettra notamment la création nette de 2 300 postes en 2016, élément inédit dans l'histoire récente de la défense et nécessaire au redimensionnement du format de la force opérationnelle terrestre de 66 000 à 77 000 hommes.

En ma qualité de rapporteur spécial et malgré ces nouvelles plutôt bonnes, je souhaite cependant appeler l'attention sur l'enjeu de la fin de gestion 2015 qui pourrait comporter une menace potentielle pour l'équilibre de la loi de programmation militaire réactualisée. En effet, le remplacement, pour l'année 2015 de 2,2 milliards d'euros de recettes exceptionnelles par des crédits budgétaires est prévu en loi de finances rectificative. Il est également prévu que l'ensemble de ces crédits bénéficient au programme 146 « Équipement des forces », largement sollicité en cours d'année, notamment du fait de la levée anticipée de la réserve au mois d'août afin de procéder au remboursement de la Russie du fait de l'annulation du contrat des bâtiments de projection et de commandement (BPC).

Toutefois, d'autres surcoûts, non couverts par la prévision de dépenses initiale peuvent poser problème : il s'agit notamment – auquel cas, ils deviendraient des aléas – du surcoût lié aux OPEX, à hauteur de 620 millions d'euros environ, du surcoût en termes d'infrastructures et de personnels pour financer l'opération Sentinelle, pour 180 millions d'euros, du surcoût de dépenses de personnel, soit 150 millions d'euros, du surcoût dû au renforcement de la protection des sites, notamment après l'épisode malheureux de Miramas, de l'incertitude au sujet de l'étendue réelle des économies permises par la baisse du coût des facteurs et enfin de la pénalité de 56 millions d'euros, conséquence de l'annulation des contrats portant sur les BPC.

Dès lors, il pourrait être tentant de recourir à la loi de finances rectificative pour financer une partie de ces surcoûts, alors que l'arbitrage du Président de la République a porté sur l'actualisation de la LPM, que nous avons votée, qui doit être respectée et dont la trajectoire doit être tenue. Si tel n'était pas le cas, cela entraînerait une réduction de la part affectée à la DGA pour financer les dépenses d'équipement et aggraverait le report de charges du programme 146 alors que celui-ci devait être réduit de 1,7 milliard d'euros en 2007, avant de remonter au cours des dernières années de la programmation sous l'effet de nouveaux programmes d'armement prévus. Tout dérapage pourrait constituer un risque pour les dépenses d'équipement, la LPM actualisée reposant sur l'hypothèse d'un report de charges non dégradé.

En conséquence, ma première question portera sur la fin de gestion 2015 et la répartition envisagée entre les différents programmes de ces 2,2 milliards d'euros de crédits budgétaires. Cela est important car, si les douze programmes d'équipement n'étaient pas engagés au 31 décembre 2015 – deux seulement le sont actuellement – la trajectoire de la LPM actualisée ne serait pas respectée.

Je souhaiterais également appeler votre attention sur les dépenses relatives aux opérations intérieures (OPINT) car la protection du territoire entraîne de nouvelles charges pour les armées dont toutes ne sont pas encore financées, notamment celles qui touchent aux infrastructures.

Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit une enveloppe globale de 1,1 milliard d'euros, identique à celle de 2015, néanmoins, ces crédits d'infrastructure vont devoir financer non seulement les mises à niveau des installations militaires pour l'accueil des nouveaux équipements, mais également des dépenses nouvelles pour le casernement des personnels déployés dans le cadre de l'opération Sentinelle et du renforcement de la force opérationnelle terrestre (FOT).

Une couverture interministérielle des surcoûts liés aux opérations intérieures est-elle envisagée ? Je le dis clairement : les OPINT, compte tenu du contexte géostratégique international, du développement du terrorisme et de la nécessité de le combattre, relèvent de la même logique que les OPEX.

Les crédits d'infrastructure sont-ils suffisants pour faire face à l'ensemble des dépenses nouvelles liées aux équipements et aux personnels déployés sur le territoire, sans compter la nécessaire remise à niveau de certaines casernes pour laquelle vous avez déjà adopté un plan d'urgence l'an passé ?

Après avoir défendu l'idée de la loi de programmation militaire, toute la loi de programmation militaire, rien que la loi de programmation militaire, je crois qu'il est temps de dire de la voix la plus forte : toute la loi de programmation militaire actualisée, et rien que la loi de programmation militaire actualisée. Elle doit permettre de donner à chaque arme ce qui a été défini comme sa priorité, elle résulte de l'arbitrage du Président de la République, chef des armées, ainsi que du vote de notre assemblée. Elle doit donc être respectée dans sa cohérence et son entièreté ; il n'est pas conforme au souhait du Président de la République et à la parole de l'État que ce qui a été donné d'une main en loi de programmation puisse être retiré de l'autre en gestion.

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