Intervention de Guy Teissier

Réunion du 21 octobre 2015 à 16h15
Commission élargie : finances - défense nationale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Teissier, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères :

La révision de la LPM fut l'occasion d'entamer le débat – toujours d'actualité – sur le déploiement de notre armée de terre sur le territoire national. Après le choc et l'émotion des attentats de janvier, il était normal de voir l'armée de terre partager le poids du fardeau qui échoyait à nos forces de sécurité. Vous avez donc décidé, par une sorte d'excroissance du plan Vigipirate, de créer l'opération Sentinelle. Je comprends cette décision ; il s'agissait alors de rassurer la population face à un terrorisme multiforme aux ramifications nationales, voire internationales, en faisant surveiller les lieux de culte pour l'essentiel. Ce déploiement de plus de 10 000 hommes a certainement été positif ; mais il a aggravé les tensions entre l'insuffisance des moyens alloués à nos armées et les exigences de la situation, qui apparaissaient déjà avec la multiplication et l'allongement de nos OPEX. Une révision de la LPM était nécessaire ; avec ce que vous avez entamé, elle me paraît aujourd'hui indispensable.

Vous avez profité de l'actualisation de la programmation pour réduire la déflation de nos armées, mais l'essentiel des effectifs supplémentaires est dédié à la pérennisation du contrat opérationnel de protection – autrement dit, de Sentinelle. Certes, la majorité vous a suivi, mais j'ai entendu quelques voix discordantes. Le débat n'est pas clos. Je partage vos arguments : la défense du sol de la patrie étant le fondement de l'armée dans une République, je comprends le souhait du chef de l'État de lui confier cette tâche, ainsi que le désir des chefs d'états-majors d'y prendre part. Cette nécessité est d'autant plus pressante que nous attendons, avec crainte, le retour des djihadistes d'origine française, qui augmentera le risque d'actes terroristes. Mais ces éléments ne sauraient masquer une réalité : alors que nous avions construit ensemble une armée à caractère expéditionnaire, ou du moins capable de se projeter jusqu'aux sources du mal pour le stopper avant qu'il n'arrive à nos frontières, près du quart de nos soldats en opération – 7 000 sur un total de 30 000 – sont aujourd'hui employés à un travail de garde statique, bien loin de leur coeur de métier. Les hommes et les femmes qui s'engagent comme voltigeurs de pointe, qui intègrent des écoles de sous-officiers ou Saint-Cyr, ne le font pas pour exercer un métier de planton ou de surveillant de porte, mais pour porter une mission bien supérieure ! À très court terme, vous risquez de décevoir ces hommes et ces femmes qui se font une autre idée du métier des armes. Qui plus est, vous vous éloignerez fatalement du trinôme magique – préparation, déploiement et entraînement – qui fait depuis longtemps merveille dans nos armées.

J'estime personnellement que la pérennisation du dispositif n'est pas souhaitable ; même si l'on améliore l'organisation de l'opération, qu'on lui donne un contenu hiérarchique et davantage de dynamisme, il s'agira toujours d'une mission de police ou de gendarmerie. Pourquoi avoir recruté des soldats plutôt que des policiers ou des gendarmes ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion