Intervention de Éric Alauzet

Séance en hémicycle du 20 décembre 2012 à 9h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Alauzet :

Chers collègues de l'opposition, nous vous écouterons avec intérêt. Nous sommes impatients d'entendre vos propositions, d'autant que l'on part de zéro : aucune marche n'a été franchie par l'ancienne majorité. Au contraire, le précédent gouvernement porte une part de responsabilité énorme dans le creusement de la dette, avec les 84 milliards d'euros distribués ces cinq dernières années, dont 50 milliards au bénéfice des entreprises, avec les résultats que l'on connaît, et 20 milliards dans les poches des plus favorisés.

Vous le savez, chers collègues, selon les écologistes, la résorption de la dette est une priorité, pour les générations futures. C'est d'ailleurs à la même attention et à la même prudence que nous vous appelons régulièrement en ce qui concerne la dette écologique. Les ressources naturelles s'épuisent et renchérissent, comme la monnaie, quand on en abuse. L'abus, dans tous les cas, conduit à la rareté et donc à l'austérité.

Mais il faudra prendre garde à ne pas tomber dans un autre excès tout aussi néfaste, qui conduit à une réduction aussi brutale de la dépense publique : les cadeaux fiscaux. Il en va des 60 milliards en jeu ici comme des 20 milliards qui ont fait couler beaucoup d'encre dans la loi de finances ces dernières heures, avec le crédit d'impôt compétitivité emploi.

À ceux qui nous ont reproché, il y a seulement quelques heures, de donner 20 milliards – d'ailleurs, ce ne sont pas 20 milliards mais 10 milliards – après en avoir pris autant quelques semaines plus tôt, nous avons expliqué qu'il ne s'agissait pas exactement des mêmes milliards, puisqu'il est pris aux entreprises les plus florissantes pour donner à toutes.

De la même manière, ou plutôt à l'inverse, ce sont les 60 milliards donnés ces cinq dernières années à ceux que j'ai cités qu'il faut aller rechercher. Le problème, c'est que ces 60 milliards ont été donnés à une minorité, aux plus favorisés, aux entreprises, en générant la dette que l'on connaît et qui justifie cette importante opération pluriannuelle, mais avec le risque de faire cette fois payer tout le monde. Car on peut malheureusement craindre que la diète soit imposée principalement aux plus modestes, à travers la modération salariale, la modération des prestations sociales, la réduction des services publics, qui sont par nature redistributifs. Donc, 60 milliards d'un côté, 60 milliards de l'autre, mais ce ne sont pas les mêmes !

Au risque, là aussi, de générer de l'austérité. Il n'est plus nécessaire de citer l'exemple des pays du Sud pour illustrer les risques ; nous sommes confrontés là aux limites des politiques de réduction excessive de la dépense, qui en réalité plombent l'activité économique et ne font qu'aggraver les problèmes. Ainsi, la dette de la Grèce est aujourd'hui plus élevée qu'avant la restructuration. Ce sont les raisons qui conduisent les autorités financières européennes à montrer aujourd'hui plus de réalisme, par exemple en allongeant des délais de retour à l'équilibre des finances publiques de l'Irlande, du Portugal, de la Grèce, ou encore en s'engageant sans limite en faveur du rachat des dettes souveraines. Le jour viendra – il est en fait déjà là – où le principe même de la dette sera discuté, de même que les taux d'intérêt, voire le capital. Les pays de la zone euro et le Fonds monétaire international ne viennent-ils pas de ramener la dette grecque à 124 % du PIB, soit vingt points en dessous des 144 % auxquels était vouée la Grèce, sur le modèle des coupes imposées aux banques privées, notamment en ramenant les intérêts des prêts bilatéraux de 1,5 à 0,5 % et en accordant un moratoire de dix ans ?

Ceux qui ont engrangé des intérêts colossaux durant toutes ces années doivent aujourd'hui s'interroger, renoncer à une partie de leurs droits ou perdre beaucoup plus. À trop vouloir tirer sur la corde, à la fin elle se casse. On voit bien que rien n'est écrit définitivement dans le marbre. Alors, nous disons oui à la réduction de la dette, mais non à l'effondrement de l'action publique.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion